Le Domaine du Baron Ruthven

A l'extérieur du Domaine la ville est en fête, la foule s'est réunie pour célébrer le premier jour de régence du Baron Ruthven, un homme issu de la noblesse d'Argelas dont on chante les louanges bien que personne ne connaisse les coulisses de son ascension aux côtés de la famille Tyrionval.
Devant les lourdes portes de fer du Domaine, ouvertes à tous comme on tendrait les bras à un inconnu, bien que toutefois protégées par plusieurs miliciens locaux, quelques roulottes dont émergent des bouffons vous saluant avec déférence arborent un symbole :

Et à leur tour ils rejoignent la foule à l'intérieur du jardin.
La bâtisse à l'allure lugubre au premier abord est un ancien édifice réaménagé par le Baron il y'a de ça plusieurs années, mais l'homme est un individu secret, bien que l'ont raconte que son jardin secret est aussi fourni que celui de sa demeure, lui même luxuriant et semblable à une véritable jungle mais qui fourmillerait de bourgeois, nobles et autres badauds plus modestes s'adonnant à des conversations badines autant qu'aux échanges à voix basse au sujet du propriétaire des lieux.
Les escaliers de pierres jonchés par quelques lanternes vous mèneront jusqu'à une fontaine imposante, en son centre une statue associée à Zandaros recrache des flots ruisselants dans le bassin, en poursuivant leur route les invités guidés par quelques individus costumés donnant le ton de la soirée : Masquée, parviendront jusqu'aux portes de la bâtisse elles aussi gardés par deux hommes en armure, arborant sur leurs plastrons le blason du Baron : Un cerf de rouge et de noir.

Malgré vos réflexions vous ne parvenez ni à vous souvenir du nom du Baron et encore moins de la famille qui portait ce blason, la foule semble s'impatienter pour entrer et ne vous laisse guère le temps d'y réfléchir plus longtemps, les gardes consulteront votre carton d'invitation puis vous laisserons pénétrer le domaine. Ils ne répondront à aucune question, aussi aimables que des portes de prisons de la Commanderie et vous souhaiterons toutefois une bonne soirée d'un ton égal. Si l'aspect extérieur du domaine vous avait jusque là refroidis cet intérieur devrait quant à lui probablement vous intimider. Les étoffes y sont luxueuses, le plafond vous semble immense, les quelques symboles de parts et d'autres des murs ne vous rappellent rien non plus, et vous n'êtes pas les seuls à vous intéresser à cette curieuse décoration, la foule composée d'hommes et de femmes pour certains vêtus de nobles apparats, d'autres de leurs économies entières qui ne suffisent pourtant pas à faire pâlir les nobles sieurs et dames de l'assemblée.

Symboles aux murs

Le regard avisé pourra constater l'absence manifeste de gardes à l'intérieur du Manoir, tant que vous n'arborez aucune tenue extravagante, que votre physique n'est pas atypique et que vous n'appartenez à aucune ethnie exotique (autre qu'humain), vous n'attirerez nullement l'attention, pour les autres, ceux qui correspondent à cette description quelques murmures et regards dans votre direction seront votre lot pour la soirée. A l'étage finalement, sur le balconnet une silhouette fait son apparition au dessus de l'imposante pendule d'or annonçant 20h, un homme masqué et élégamment vêtu se présente à la foule qui fait taire les murmures pour mieux l'écouter, aucune musique ne s'échappe de l'assistance, aucun membre du personnel ne semble présent, les "festivités" commencent déjà à provoquer quelques regards préoccupés, puis finalement l'homme prend la parole.

"Sires et gentes Dames bonsoir ! Bienvenue dans la somptueuse demeure de Sire Ruthven, Baron et régent d'Argelas. Je serais votre Maître de Cérémonie, Monsieur Lioncourt, représentant des Sybarites qui accompagneront ce soir vos festivités aux côtés de leurs compagnons les Saltimbanques."
A ses mots plusieurs individus masqués font irruption à ses côtés, semblent apparaître aux quatre coins de la foule et entament pirouettes et accords musicaux venant prendre au dépourvu une partie de l'assemblée.


A l'étage


"Le Baron Ruthven vous rejoindra pour ouvrir le Bal, profitez durant ce temps de mets issus des îles au delà de nos terres mais aussi des plats traditionnels de notre région du Nord du continent. Puisse Brastos vous accompagner dans ses réjouissances et longue vie à notre Régent !"
Ses paroles pleines d'entrain rassurèrent finalement les convives qui furent accompagnés par les flûtes et les extravagances des Saltimbanques jusque dans la salle du banquet, semblant faire oublier à beaucoup la raison tragique de cette même régence : Le mal inconnu frappant l'un des membres les plus éminents de la famille Tyrionval, s'étant gardée jusque là bien à l'abris d'évoquer tout commentaires. Monsieur Lioncourt fini à son tour par disparaître dans l'assemblée profitant de la cohue générale, les convives quant à eux pour la plupart se retrouvèrent finalement transposée dans une grande salle tenant toutes ses promesses : Pourvues de nombreuses tables, aussi longues que larges, des victuailles raffinées sur celles-ci, des plats du nord du continent, mais aussi de Minghelle et quelques mets exotiques de l'île des chasseurs, des domestiques masqués intégralement glissant dans l'assistance avec de nombreux verres d'un vin local succulant tandis que des alcools moins nobles mais tout aussi efficaces reposaient sur des présentoirs prévus à cet effet. Dans la salle du banquet la musique se poursuivait au rythme des conversations, de nombreux sièges disposés pour permettre aux invités de soulager leurs éminents postérieurs. Sur le mur du fond, une horloge d'or, à nouveau, absolument démesurée indique à son tour 20h15. Le discours fut bien plus long qu'il n'en avait l'air, finalement, peut-être étiez-vous totalement subjugués par les événements. Les pitres poursuivent leurs numéros tandis que des cracheurs de feu s'ajoutent aux artistes venant subjuguer l'assistance.
Place à l'amusement ! La soirée ne fait que commencer.
Alors qu’elle s’apprêtait à faire face à celui qui montait sans s’inquiéter outre mesure, en partie persuadée qu’il savait déjà qu’elle était là, elle sentit une main délicate la saisir avec force et la tirer dans la cage aux oiseaux. Elle retint un cri de surprise, consciente que sa présence n’était pas souhaitable, et que si elle se fichait bien de s’attirer des ennuis, ils étaient parfois préférables à l’ennui, elle ne souhaitait pas accabler celle qui semblait en avoir bien assez.
La pièce était somme toute assez banale, un bureau transformer en atelier d’artiste. Loin des capharnaüms dont elle avait l’habitude, on y ressentait le désordre propre aux artistes, bien qu’il essayait ici de s’ordonner, probablement pour s’adapter à son noble milieu. Elle ressemblait à cette pièce, un désordre profond vêtu de bienséance. Non pas que la barde pensait que Carmina jouait volontairement la comédie, plutôt qu’on lui avait surement appris à être ainsi et qu’elle avait tout fait pour rentrer dans le moule.
« Carmina, tout va bien ? »
Bien qu’elle ait déjà entendu la voix du baron, elle avait eu l’esprit ailleurs lorsqu’il avait parlé, si bien qu’elle ne reconnut pas la voix. C’est la musicienne qui lui confirma l’information, tirant un sourire satisfait à la barde qui regardait toujours la pièce et qui cachait donc ce sourire mal avisé à sa nouvelle protégée. Ils échangèrent quelques banalités. Le baron semblait vouloir trouver une porte d’entrée, mais Carmina s’y refusa. Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond, et sans preuve, le mécène risquait probablement trop à brusquer son artiste.
« C’était une très belle représentation. Je vais tâcher à ce que son souvenir ne soit pas souillé par quelques interventions extérieures. »
Son sourire s’étira, et elle tourna la tête vers sa consœur. Un sourire qui ne cachait rien de bon, à part le plaisir d’être ce qu’il ne souhaitait pas : la souillure de sa lubie. Elle aurait presque voulu être Roland et le gifler d’un revers de son gant pour le défier en duel. Mais il lui manquait de nombreux éléments. Elle semblait trop jeune, elle était là, elle qui avait disparu. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Elle devait d’abord comprendre la situation. Elle devrait bientôt présenter ses hommages au baron et le féliciter de ses goûts musicaux. Le grain de sable savait être folie. Sa Sincérité s’en était allée, elle pourrait donc flatter le noble sans vergogne pour en savoir plus sur ses rapports avec la jeune Vercci.
« Lorsque le Baron reprendra la route à l’opposée, vous devrez quitter cet endroit, Antagara. Très vite. »
Elle était mignonne. Et elle le pensait sans méchanceté. Elle était innocemment amusée de la voir lui faire signe de se taire avant de prononcer ces mots. Elle lui cacha cet amusement, car elle ne voulait surtout pas l’offensé, elle était nerveuse et avait probablement de bonnes raisons de l’être. Nerveuse, la barde l’était aussi, mais elle l’était comme quand elle se préparait à monter sur scène et faire son spectacle. Pour elle, c’était avant tout une gorgée d’adrénaline. Mais elle avait des dizaines d’années que l’humaine n’avait pas eues pour s’habituer. Et peut-être une vision différente de la vie. Mais toutes ses considérations passées, elle se pencha sur elle, en lui posant la main sur l’épaule, avec une certaine fermeté qu’elle voulait rassurante. Sa voix ne fut qu’un souffle qui frôla l’oreille de sa protégée.
« Vous n’êtes pas seule, Carmina. Et nous veillerons à ce que vos notes s’envolent à nouveau, si c’est votre volonté. »
Après ces mots, elle s’écarta. Son ton avait temporairement été empreint d’un sérieux qu’elle n’avait pas laissé paraitre jusque-là. Pas de gravité, cela rendait les choses trop solennelles. Elle n’aimait pas dramatiser, elle laissait ça aux conteurs, ils adoraient. Et sa petite protégée semblait bien assez entourée par le drame, elle avait besoin d’autre chose. D’un espoir peut-être. C’était ce qu’elle avait voulu transmettre.
Et quand le moment fut venu, elle se dirigea vers la sortie. Une part d’elle voulut avoir l’audace de toquer à la porte du baron, mais l’autre se rendit compte que c’était prématuré. Puisque le baron était parti, il était peut-être temps qu’elle retrouve sa Sincérité, pour un temps. Elle ne savait pas bien, mais elle était prête à laisser le hasard guider ses pas le temps qu’une occasion se présente. Elle salua simplement Carmina d’un geste de la main et d’un sourire.