Dans la capitale portuaire de Minghelle, depuis quelques temps déjà, différentes affiches parsèment les murs de la ville et sont partagées au marché de la cité.

N'importe qui saurait que la Guilde des Archéologues payerait son dû quoiqu'il arrive mais que de multiples dangers seraient à prévoir.
Au sein de l'auberge, une jeune adolescente a le nez plongé dans des parchemins représentant des écrits à vous offrir une migraine ou des dessins inspirant quiconque ayant une mince fibre artistique. Plus loin, un joueur de oud confère à cette auberge une ambiance chaleureuse, digne des plus grands déserts - quoique moins étouffante et le pied de la jeune fille bat la mesure.
Sans mal, quiconque s'y intéresserait, verrrait sur sa tenue la broche des Archéologues de Minghelle avec son soleil, reconnaissable entre mille et saurait identifier Maia. Aspirée dans ses recherches, elle ne semble pas faire attention à ce qui l'entoure et n'entendre que la musique jouée. A côté d'elle, un godet plein d'eau qu'elle boit à intervalles réguliers.

Elle s’appuya contre le dossier de sa chaise et déposa ses doigts autour de son verre de lait de cactus, gardant l’autre main fermée dans son giron en continuant d’observer son interlocutrice.
« Je suis plutôt d'accord avec toi. Je n'avais pas nécessairement réfléchi jusque-là pour ce qui est... de l'individualité, pour être parfaitement honnête avec toi. »
Un bref sourire étira les lèvres de Maia en sentant une vague rougeur teindre ses joues, elle acquiesça avec une mine d’excuses, se rendant compte qu’elle avait été un poil trop loin. Comme toujours lorsqu’elle s’emballait sur les différents sujets qui animaient ses passions.
« Mais pour le reste je te rejoins, j'ai d'abord cherché à exprimer mes émotions à travers l'art avant de vouloir le partager, et avant de le rendre beau et... un peu lucratif, parfois, je dois l'avouer, bien que ce ne soit pas si souvent que ça le but recherché. »
Elle se désintéressa de ses introspections et de ses propres doutes pour river son attention entière sur la joueuse de oud et finalement, elle répondit à l’une des interrogations qui l’avait animée.
« Oh ce n'est pas une jolie histoire, à l'origine, je n'aimerais pas t'ennuyer avec ça. Mais si tu y tiens... alors... Je ne suis pas née dans une grande famille, je suis fille unique, ce qui est plutôt rare, ici. D'abord j'ai employé la musique comme un moyen de passer le temps, ma famille était plutôt absente, et quitte à parler seule la plupart du temps, je me suis dit qu'il était préférable de le faire en chanson. C'était aussi mon moyen le plus efficace de transmettre mes émotions, sans avoir à mettre des mots sur elle. Maintenant je suis devenue très douée pour ça. »
D’un mouvement de tête, laissant quelques instants le début de la mélodie de Khadija disperser son attention, elle acquiesça. Elle profita de quelques instants de la mélodie, pour commenter, d’une voix à demi-basse ses derniers propos, les yeux un peu brillants.
« Il est plus facile de se sentir représenté par une chanson que d’être d’accord avec quelqu’un. » Elle inclina un peu la tête, son sourire s’étirant un peu plus, à mesure qu’elle jouait. Ses mots ne se bousculaient plus, laissant la place à ce qu’elle jouait, son attention rivée sur les mains de la musicienne, détaillant ses manières de faire et la technique qu’elle employait. Il y avait aussi beaucoup à savoir des époques sur la manière de jouer, mais c’était encore plus compliqué à trouver que les partitions au milieu des ruines, parfois quelques peintures et d’autres fois quelques babioles magiques permettaient de le décortiquer. Au moment d’un creux, elle reprit d’une voix douce destinée à ne pas troubler la musique.
« La langue des partitions ou de la peinture sont universelles. Et… On ne peut pas manquer de tact, avec une musique. » Elle plissa le nez, amusée, en sachant pertinemment que certains empereurs, sultans ou autres chefs du monde s’étaient outrées de la musicalité de certaines chansons – leurs paroles avaient peut-être quelque chose à y voir.
« Quelle est celle de ce morceau ? » reprit-elle à la fin de celui-ci en se rendant compte qu’elle s’était penchée en avant pour suivre ses mouvements des yeux. Mais elle ne s’en soucia pas, cette fois et continua d’observer l’instrument ainsi que le jeu de la voyageuse.
— Hm… Peu, en vérité. Je sais lire des partitions, mais je n’ai pas beaucoup de temps pour me concentrer sur le fait de les jouer. Je laisse ça à ceux qui sont meilleurs que moi, pour ne pas les massacrer. »
J'eût un sourire à ses révélations et décida de pousser la question.
« Si tu souhaites apprendre, quand je suis dans le coin, je peux peut-être te donner quelques conseils. Et autant te dire que si je suis à Minghelle... » J'observais un instant les alentours pour ménager mon effet, suivis par une grimace en revenant à mon interlocutrice. « Je suis souvent dans le coin. »
Je n'avais pas manquée non plus le regard à mon instrument et pour ne pas rompre immédiatement la conversation me décida à déposer les doigts sur le bois du oud, les gens avaient tendance à se taire et à écouter lorsqu'on jouait en leur présence, ce qui demeurait agréable et une preuve de respect manifeste, de l'autre je tenais à en savoir plus sur la jeune fille.
« Ça fait onze ans que je suis à la Guilde ... J'étudie les arts au travers du temps, je trouve que ça en dit beaucoup, tu sais, sur l’époque à laquelle on est et de la culture. »
Un sourire étira mes lèvres, je me penchais légèrement pour lui témoigner mon intérêt.
« Je sais que les avis divergent beaucoup là-dessus, que l’art est au service du beau. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Je crois que l’art est un reflet de la pensée, de la manière de voir le monde. On retrouve des constantes, comme dans les hymnes des peuples, que l’on a perdu à cette époque contemporaine, en même temps que l’individualité a pris le pas sur l’appartenance du peuple. »
J'haussais les sourcils, progressivement, à mesure qu'elle déroulait le fil de ses pensées, sans l'interrompre, à la fois captivée et amusée.
« Et j’aime beaucoup voir ce que les artisans imaginent pour les artistes. Enfin… Pour le moment, j’étudie juste sur la base d’archives, je n’ai pas encore le droit de mener mon propre sujet de recherches. J’ai pas assez d’expérience pour gérer ça. »
Je m'appuyais à nouveau dans mon siège, reprenant une gorgée. « Je suis plutôt d'accord avec toi. Je n'avais pas nécessairement réfléchit jusque là pour ce qui est... de l'individualité, pour être parfaitement honnête avec toi. » Je soufflais légèrement du nez, je ne donnais pas l'impression d'être l'adulte de cette conversation, décidément. Maïa s'y ferait assurément.
« Mais pour le reste je te rejoins, j'ai d'abord cherchée à exprimer mes émotions à travers l'art avant de vouloir le partager, et avant de le rendre beau et... un peu lucratif, parfois, je dois l'avouer, bien que ce ne soit pas si souvent que ça le but recherché. »
« Pourquoi tu as commencé à faire de la musique ? »
Un nouveau sourire de ma part, une gorgée du bout des lèvres. Maïa était perspicace, un mensonge enrobé d'un peu de vérité devrait faire l'affaire.
« Oh ce n'est pas une jolie histoire, à l'origine, je n'aimerais pas t'ennuyer avec ça. Mais si tu y tiens... alors... Je ne suis pas née dans une grande famille, je suis fille unique, ce qui est plutôt rare, ici. D'abord j'ai employé la musique comme un moyen de passer le temps, ma famille était plutôt absente, et quitte à parler seule la plupart du temps, je me suis dis qu'il était préférable de le faire en chanson. » Je dodelinais légèrement de la tête.
« C'était aussi mon moyen le plus efficace de transmettre mes émotions, sans avoir à mettre des mots sur elle. » Mes sourcils se haussèrent « Maintenant je suis devenue très douée pour ça. »
Et une petite voix au fond de moi, celle de la vérité, souffla à mon esprit : Pour faire taire le silence.
Et pour adoucir la vérité que j'avais bien concédée à révéler je me mis à jouer, les yeux à moitié clos.
« Je viens de réussir mon entretien d'embauche, je reprends la même chose, et servez donc un verre à ma nouvelle patronne. Ce qu'elle voudra. Nous allons fêter ça. »
Maia eut un sourire qui creusa une fossette sur son visage, et demanda, pour fêter cela, un lait de cactus. Dont elle s’empara une fois le serveur revenu, en écartant d’autant plus ses parchemins pour les préserver de sa maladresse. Elle espérait également en préserver sa réputation, tout juste faite, et espérait ne rien renverser ; il n’y avait que face aux ruines où son assurance prenait le pas sur ses faiblesses.
« L'auberge est agréable, profitons un peu de l'ambiance pour discuter. Et, il ne m'a pas échappée que tes yeux semblent s'illuminer quand il s'agit de musique. »
Le regard de Maia se riva sur le oud, analysant pensivement chacune des pièces et la méthode d’assemblage de l’instrument. Si elle décortiquait les visages avec des sensations diffuses, elle était presque capable de reconnaître la patte d’un artisan d’instruments au premier regard. L’un des grands avantages à en avoir tant rencontré.
« Est-ce que tu joues ?
— Hm… » Maia eut un mince sourire d’excuses. « Peu, en vérité. Je sais lire des partitions, mais je n’ai pas beaucoup de temps pour me concentrer sur le fait de les jouer. Je laisse ça à ceux qui sont meilleurs que moi, pour ne pas les massacrer. »
Le mensonge se faufila entre ses lèvres pour se placer en rempart contre une timidité qui la touchait à ce sujet, en réalité, elle jouait régulièrement de différents instruments, s’essayait à la peinture et à la sculpture, les artistes du passé dont elle traquait les histoires et les méthodes pour maîtres. Cela, pour autant, revêtait quelque chose de personnel pour la jeune fille, aussi, n’aimait-elle pas jouer en public. Sa quête de perfection lui susurrait le mensonge qu’un jour elle serait prête, en oubliant de lui rappeler que la perfection n’existait pas.
« Tu es d'un sérieux à faire peur quand tu t'y mets, et d'une passion dévorante le reste du temps. Ca fait longtemps que tu travailles pour la Guilde ? En tout cas, tu as l'air d'être un solide élément. Pour l'instant, ça me plaît plutôt bien, si ça se concrétise avec Inaya ça me botterais de t'accompagner dans tes recherches futures. »
Elle suivit brièvement du regard son doigt sur les cordes, tendant l’oreille pour en distinguer la justesse des notes avant d’en revenir à son interlocutrice. Ses propos avaient fait rosir de plaisir son teint chaud.
« Ça fait onze ans que je suis à la Guilde, révéla-t-elle, pas peu fière de son expérience au sein du groupe. J’étudie les arts au travers du temps, je trouve que ça en dit beaucoup, tu sais, sur l’époque à laquelle on est et de la culture. »
D’un pincement de lèvres, la jeune fille hésita à poursuivre sa réflexion, et but une gorgée pour se donner contenance.
« Je sais que les avis divergent beaucoup là-dessus, que l’art est au service du beau. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Je crois que l’art est un reflet de la pensée, de la manière de voir le monde. On retrouve des constantes, comme dans les hymnes des peuples, que l’on a perdu à cette époque contemporaine, en même temps que l’individualité a pris le pas sur l’appartenance du peuple. » Elle désigna le oud. « Et j’aime beaucoup voir ce que les artisans imaginent pour les artistes. Enfin… Pour le moment, j’étudie juste sur la base d’archives, je n’ai pas encore le droit de mener mon propre sujet de recherches. J’ai pas assez d’expérience pour gérer ça. »
Elle désigna le oud du menton et appuya son menton sur sa paume. « Pourquoi tu as commencé à faire de la musique ? »
Laissant de côté la figure sérieuse des missions à mener, Maia se détendait et retrouvait une familiarité qu’elle n’avait jamais essayé de perdre.
La déception, en apparence en tout cas.
Maia était une mine d'expressions que j'aurais eu grand plaisir à explorer, mais l'heure était aux recherches archéologiques de ruines et non à l'étude des dédales de l'esprit, il me fallut lutter contre l'impulsion d'écouter ses pensées pour ne pas la troubler dans sa réflexion tandis qu'elle notait le compte-rendu de mes réponses. Je repris une gorgée, la savourant à nouveau, y'avait-il un bonheur plus grand que de savourer un très bon verre dans une auberge que l'ont considérait comme chez soi ? De très nombreux, mais il se classait très haut dans la liste. Avec patience je guettais les traits de Maia, avant de finalement m'attarder sur ses paroles qui vinrent briser le silence partagé. « Merci. ... Des deux mises en situation, je pense que cela peut fonctionner. Chacun est différent mais si nous cherchons un garde du corps extérieur à la Guilde et à nos travaux c’est aussi pour avoir un regard neuf sur les événements. Une fois la clause de confidentialité signée, elle vous donnera davantage de contexte. »
La clause de confidentialité. L'équivalent archéologique du contrat démoniaque à n'en point douter. La certitude d'acheter votre silence, il me faudrait l'étudier avec beaucoup d'attention, j'avais appris à déceler les failles depuis ma plus tendre enfance aux côtés du Maître des Vices, un autre père.
« Ces ruines n’ont jamais été explorées, vous savez. Vous serez les deux premières. Ce n’est pas si ancien – à l’échelle du monde – mais ça demeure particulièrement vétuste... Ce peuple a été reconnu pour de nombreuses pièces d’art, majoritairement des sculptures – ce sont celles qui survivent le mieux au temps. Une fois la première traversée effectuée pour Inaya et vous, le reste des équipes arrivera pour finaliser les recherches. Mais je crois que vous réussirez bien à faire la première expédition. » L'enthousiasme de l'adolescente me fut communicatif, à la regarder mes yeux s'emplirent probablement de lumière à leur tour, les phares de l'intérêt. La découverte d'un savoir encore inconnu fit hérisser les poils de ma peau. Un léger frisson couru le long de mon échine et je dû entrouvrir les lèvres pour exhaler silencieusement ma satisfaction. A nouveau Maia sembla enjouée, elle tenait très bien son rôle. Son sérieux n'avait été éclipsé qu'à de très rares reprises et alors que l'entretient était terminé elle laissait sa véritable personnalité découler. Je voyais un peu d'elle en moi, plus jeune. Si je n'avais pas été "élevée" par un démon peut-être aurais-je pu ressembler à Maia. Cette perspective m'amusa. « Vous avez passé mes mises en situation avec réussite, nous pouvons nous rendre chez Inaya dès que vous êtes prête. » J'haussais les sourcils, avant d'interpeller à mon tour un serveur.
« Je viens de réussir mon entretient d'embauche, je reprends la même chose, et servez donc un verre à ma nouvelle patronne. Ce qu'elle voudra. Nous allons fêter ça. »
J'observais à nouveau Maia, l'air amusée, tandis que je descendais la fin de mon verre, laissant au serveur l'occasion de faire son office. « L'auberge est agréable, profitons un peu de l'ambiance pour discuter. Et, il ne m'a pas échappée que tes yeux semblent s'illuminer quand il s'agit de musique. »
Je m'étais alors saisis du oud, le présentant devant moi.
« Est-ce que tu joues ? » J'arquais un sourcil, prête à lui confier une grande responsabilité en cas d'affirmative. « Tu es d'un sérieux à faire peur quand tu t'y mets, et d'une passion dévorante le reste du temps. Ca fait longtemps que tu travailles pour la Guilde ? En tout cas, tu as l'air d'être un solide élément. »
Je touchais les cordes du oud, distraitement, sans la quitter du regard.
« Pour l'instant, ça me plaît plutôt bien, si ça se concrétise avec Inaya ça me botterais de t'accompagner dans tes recherches futures. »
Il fallait bien encourager la jeunesse à rêver.
La déception s’invita sur ses traits, ou peut-être autre chose, quand elle expliqua comment cela fonctionnait, pour la guilde. Leurs méthodes peu conventionnelles pour des archéologues savaient faire jaser, mais les murmures s’étouffaient face aux résultats. Ce que Maia avait pensé pour acquis d’apprécier ceux qui l’entouraient et d’éprouver autant d’admiration pour sa guilde, ce n’était que récent sa prise de conscience que parfois l’on pouvait haïr ses supérieurs.
Et sa reconnaissance irait toujours à la Guilde pour qu’elle ne s’en soit rendue compte que si tard, par le biais de l’histoire plutôt que par l’expérience vécue. Les privilèges qu’accordait la Guilde à ceux qui la servait fidèlement s’étendaient jusqu’à une certitude morale que rien de ce que l’on faisait soit nocif. Certains Fastes et Mythes y accordaient moins d’importance, mais le cadre de la Guilde compensait le reste.
« Je ferais savoir sans détour à Inaya que je pense que nous pouvons ouvrir cette porte et lui suggérerais mon aide, si nous estimons qu'elle est en mesure de poursuivre les fouilles. Si la fatigue est trop importante je lui proposerais de plutôt attendre le lendemain. Je suis locale, je connais particulièrement bien la population, dont ses individus les plus néfastes. »
D’un bref mouvement de tête, Maia acquiesça à sa remarque.
« Et il ne me semble pas recommandable d'ouvrir un mécanisme que nous ne pourrions refermer, si Inaya n'est pas capable de poursuivre ses investigations, laissant la porte grande ouverte à des pillards de toutes sortes. »
Le visage de Maia se tira et ses traits se tendirent, elle non plus n’appréciait pas les pillards, bien que cela lui semblât plus profondément ancré dans le ton de son interlocutrice. Ils avaient cette capacité extraordinaire à tout détruire sur leur passage. En quête d’objets d’exception, l’on oubliait bien volontiers que c’étaient les petits riens qui construisaient l’histoire.
Sans parler de leur destruction de pièces d’art puisqu’ils ne seraient pas capables de le reconnaître quand ils le verraient ; l’esprit trop obtus pour se rendre compte que même sans pierres précieuses, un objet pouvait devenir inestimable.
« Mais malgré une curiosité dévorante et parce que je tiens à respecter votre... protocole, pour ne pas mettre en danger les découvertes de la Guilde... Je suivrais les directives et l'avis d'Inaya, sans lui imposer le mien, mais sans jamais omettre de lui suggérer si il ne s'agit pas d'une découverte comme mentionnée plus tôt. »
Cette fois, elle garda le silence en prenant ses notes, se concentrant pour résumer les faits de la manière la plus objective possible. Se réserva quelques minutes de réflexions en buvant une gorgée tout en ménageant le suspens. Un de ses rares traits de caractère qui insupportait Inaya, bien que la jeune fille soupçonnât qu’elle s’en amuse.
« Merci. » Elle roula le parchemin pour Inaya. « Des deux mises en situation, je pense que cela peut fonctionner. Chacun est différent mais si nous cherchons un garde du corps extérieur à la Guilde et à nos travaux c’est aussi pour avoir un regard neuf sur les événements. Une fois la clause de confidentialité signée, elle vous donnera davantage de contexte. »
Normalement, elle était censée s’interrompre à ce moment-là et l’emmener à l’archéologue, mais Maia était bavarde avec les gens qui l’inspiraient.
« Ces ruines n’ont jamais été explorées, vous savez. Vous serez les deux premières. Ce n’est pas si ancien – à l’échelle du monde – mais ça demeure particulièrement vétuste. » Satisfaite d’avoir pu placer son mot du jour, Maia poursuivit, les yeux brillants de ce qui l’animait dans ses grandes investigations. « Ce peuple a été reconnu pour de nombreuses pièces d’art, majoritairement des sculptures – ce sont celles qui survivent le mieux au temps. Une fois la première traversée effectuée pour Inaya et vous, le reste des équipes arrivera pour finaliser les recherches. Mais je crois que vous réussirez bien à faire la première expédition. »
Un sourire étira ses lèvres, la perspective de pouvoir aller sur le terrain l’animait et de faire enfin une découverte qui ferait perdre ses mots à la faste… Et, si elle en croyait son ambition, peut-être même à un mythe.
« Vous avez passé mes mises en situation avec réussite, nous pouvons nous rendre chez Inaya dès que vous êtes prête. »
Elle but de nouveau une gorgée, en avisant son instrument d’une mirette curieuse.
« Euh… »
Décidément j'appréciais Maia.
« C’est un bon début .... J’espère que vous n’avez pas juste écouté la réponse que nous attendions dans ma tête. »
Je lui répondit d'un sourire énigmatique, ménageant volontairement le doute quant à ses interrogations, conservant une attitude détendue et amusée, non feinte, face à l'adolescente qui gagnait aisément ma sympathie au fil de ses interventions. Si Inaya était d'aussi bonne compagnie la mission allait devenir une partie de plaisir.
« Les sites ont été déjà découverts, la Guilde est en possession de différents emplacements où l’entrée a été rendue de nouveau accessible. Inaya doit être la première à entrer en cas de présence de phénomènes magiques et surtout, étant donné qu’elle est la personne la mieux renseignée sur la période – puisque c’est son domaine de recherche – c’est à elle de faire les premières déductions. »
Je dois l'avouer, la perspective de ne pas pouvoir assouvir immédiatement ma curiosité me rendit l'espace de quelques instants contrariée, un phénomène qui put se lire sur mon visage, je m'étais décidée à faire preuve de sincérité jusqu'au bout à l'égard de Maia, elle semblait bien trop soucieuse de déterminer mes émotions pour que je ne m'échine à lui donner des raisons de douter. Je saurais contenir ma curiosité puisque nécessaire, jusqu'au moment propice. J'acquiesca d'un faible geste à ses recommandations, je m'y tiendrais. En ce qui concerne les déductions je ne m'empêcherais pas de penser pour elle, mais je savais me taire. Aucun problème là non plus.
« Face à une porte qu’elle n’est pas parvenue à ouvrir, Inaya s’apprête à faire demi-tour et à remonter à la surface. Mais la fatigue est bien là et son attention n’est plus très au fait… Elle a oublié quelques étapes fondamentales pour trouver les mécanismes d’ouverture des portes. Est-ce que vous tenteriez votre chance pour en ouvrir le mécanisme ? »
A mon tour d'être à nouveau sollicitée par une mise en situation, je pris quelques secondes pour songer à la tournure des événements, me plaçant dans un contexte professionnel. « Je ferais savoir sans détour à Inaya que je pense que nous pouvons ouvrir cette porte et lui suggérerais mon aide, si nous estimons qu'elle est en mesure de poursuivre les fouilles. Si la fatigue est trop importante je lui proposerais de plutôt attendre le lendemain. Je suis locale, je connais particulièrement bien la population, dont ses individus les plus néfastes. » Cette fois, je fis taire la petite voix. « Et il ne me semble pas recommandable d'ouvrir un mécanisme que nous ne pourrions refermer, si Inaya n'est pas capable de poursuivre ses investigations, laissant la porte grande ouverte à des pillards de toutes sortes. » J'eut quelques difficultés à contenir l'acide qui s'échappa de mes lèvres. Non pas que je détestais les voleurs, j'en étais une. Non pas que je portais pour les trésors abandonnés il y'a de ça des milliers d'années un respect sans commune mesure. Bien que j'avais une forme de considération pour les édifices anciens de l'île, ceux qui formaient l'histoire de ma terre natale, celle que j'avais fini par adopter malgré les événements de ma naissance et ma découverte de l'île bien plus tard. Je détestais simplement l'entité dites des "Pillards" pour leur faiblesse, pour leur assujetissement parfois volontaire à celui qui fut autrefois l'Eternel, puis à Ba'al, son sous-fifre.
Et il fallait le dire, en tant qu'Enfant du désert j'avais plus de fois qu'à mon compte eu l'occasion de croiser leurs routes, de manière hostile, et j'étais une fichue rancunière. Hifnat min almutasakieun.
Je lui offrit un nouveau sourire, m'excusant silencieusement de mon début d'emportement avant de poursuivre.
« Mais malgré une curiosité dévorante et parce que je tiens à respecter votre... protocole, pour ne pas mettre en danger les découvertes de la Guilde...
La perspective de respecter les règles me glaça le sang.
Je suivrais les directives et l'avis d'Inaya, sans lui imposer le mien, mais sans jamais omettre de lui suggérer si il ne s'agit pas d'une découverte comme mentionnée plus tôt. »
La vérité m'allait particulièrement bien au teint. Pas autant que les concessions, je crois. Pour autant il ne fallait pas que cela devienne une habitude.
La mine toujours aussi mortellement sérieuse, Maia écoutait avec beaucoup d’attention les propos de Khadija, en suivant les différentes expressions de son interlocutrice. On lui avait appris à déceler différentes réactions réflexes liées au mensonge ; quelques excellents menteurs parvenaient à les lisser mais ils étaient rares.
Les excellents menteurs sont comme les excellents architectes, et il n’y a pas dans ce monde deux pyramides. Maia en connaissait un, c’était avec lui qu’elle s’était entraînée à repérer les mensonges durant ses jeunes années à la Guilde. Désormais, elle ne voulait plus la quitter.
« Si je crois distinguer des yeux dans l’obscurité j’intimerais à Inaya d’attendre d’un geste. Si je n’en suis pas capable je suivrais son pas sans me détourner du danger. Ma responsabilité étant d’assurer sa sécurité, mais aussi la mienne, ma priorité serait de déterminer si la créature cachée dans l’ombre pourrait être un ennemi. »
Maia reporta quelques-unes des informations évoquées, d’attendre, d’un geste. Elle ne parlerait donc pas directement. Autrement, suivre son pas en s’assurant de l’agressivité de son ennemi. Les notes de l’archéologue en herbe étaient aussi chaotiques que ses pensées, d’aucuns auraient pu penser qu’elle codait ses réflexions pour y dissimuler des informations vitales et cela lui convenait bien mieux que la réalité. En vérité, c’était simplement des habitudes et des abréviations qui lui permettaient de gagner du temps. Ses pensées continuaient de faire leur chemin et de digresser vers l’avenir, peut-être aurait-elle, elle aussi !, un jour l’insigne honneur d’elle aussi pouvoir explorer en première ligne les ruines. Pour l’heure, elle en était aux réflexions et à devoir courir après ses papiers qui s’envolaient.
Ses pensées s’interrompirent avec la phrase qu’elle asséna d’un ton badin.
« Tu dois savoir que je suis une télépathe. »
Télépathe. Quelque chose remua en elle à ces mots, ce n’était pas qu’elle les craignait, plutôt qu’elle aimait penser en toute intimité. Le travail effectué sur ses propres traits pour tenter d’être moins expressive allait dans ce sens, sa moue déçue traduisait qu’elle trouvait dommage qu’elle ne puisse plus s’exercer à cacher ses pensées.
Elle nota ce point positif, la maîtrise de la magie était indéniablement une bonne chose pour qui allait explorer ruines et déserts d’autant qu’Inaya préférait éviter toute confrontation.
« Je m’assurerais par la magie que nous ne risquons rien, ensuite, si tout danger me semble écarté je laisserais Inaya à ses inspections, tout en restant vigilante. Si dans le cas contraire le danger n’est pas écarté… Alors je ferais fit de ma torche et de mes autres compétences que joueuse de oud. »
Du regard, Maia suivit sa main sur son sabre avant d’en revenir à son visage.
« Mais aussi de la lumière de la torche pour dissiper la menace, proportionnellement à la nature de celle-ci. » Le craquement qui émana de nouveau de sa nuque fit songer un instant à Maia qu’il faudrait peut-être qu’elle rencontre la vieille folle Ochas ; peut-être pourrait-elle la soulager de ses douleurs ? « Est-ce que j’ai réussi le test ? »
Maia sentait qu’elle venait de lui rendre la main et entama, d’une éloquence légendaire.
« Euh… »
Avant de se ressaisir, un frisson invisible remonta le long de son échine jusqu’à son crâne pour la remettre d’aplomb, encore un peu perturbée dans ses schémas de penser par l’idée que peut-être elle pouvait savoir qu’elle aimait mettre des chaussettes dépareillées.
« C’est un bon début. » Maia observa ses gestes du coin de l’œil et lui sourit d’un air avenant avant d'étouffer un petit rire gêné. « J’espère que vous n’avez pas juste écouté la réponse que nous attendions dans ma tête. »
En parlant, elle reprit ses papiers et ses esprits du même geste, se reconcentra à nouveau sur sa mission et en revint à elle.
« Les sites ont été déjà découverts, la Guilde est en possession de différents emplacements où l’entrée a été rendue de nouveau accessible. Inaya doit être la première à entrer en cas de présence de phénomènes magiques et surtout, étant donné qu’elle est la personne la mieux renseignée sur la période – puisque c’est son domaine de recherche – c’est à elle de faire les premières déductions. » Ses yeux coulissèrent jusqu’au visage de Khadija à nouveau. « Face à une porte qu’elle n’est pas parvenue à ouvrir, Inaya s’apprête à faire demi-tour et à remonter à la surface. Mais la fatigue est bien là et son attention n’est plus très au fait… Elle a oublié quelques étapes fondamentales pour trouver les mécanismes d’ouverture des portes. Est-ce que vous tenteriez votre chance pour en ouvrir le mécanisme ? »
Elle ne révéla pas que les yeux de la première simulation n’étaient que ceux d’une chauve-souris, signe qu’il y avait probablement une autre entrée aux ruines. Quelques-uns des mercenaires qu’elle avait écoutés avaient décrété tuer la menace directement et Maia ne l’avait pas bien pris. On ne tuait pas les animaux.
J’ai toujours aimé les individus passionnés. Ceux dont l’éclat de l’œil brûle d’une flamme alimentée par l’air fasciné de leurs interlocuteurs, ceux dont la verve devient inarrêtable au moment ou leurs centres d’intérêts sont stimulés, que ce soit en bien ou en mal.
De tout temps j’ai fui les iris ternes, vides, déjà morts avant le corps de ceux qui se contentent de laisser la vie faire son œuvre, ceux qui se laissent porter par le vent plutôt que de déchaîner la tempête qui sommeil en leur for intérieur.
Si l’occasion m’était donnée je suis persuadée que j’aurais beaucoup à apprendre de Maia. Que ses connaissances et ses maigres souvenirs de voyages feraient naître en moi la même flamme pour la découverte d’anciennes ruines. Peut-être aurais-je cette chance. Ou la trouverais-je aux côtés d’Inaya. L’archéologue Inaya, ça ne me dit rien pour l’heure.
D’un signe de la tête, sans l’interrompre, je la remercia pour le verre, adressant un faible sourire au serveur en retour.
Les mystères, les légendes. Mes yeux se sont mis à briller sans que je puisse à mon tour contenir l’intérêt qui m’habite et je ne fus sortit de mes courtes rêveries que par l’acier dissimulé par le fourreau de Maia, je m’en désintéressais rapidement ensuite. Une jeune femme seule dans une auberge de Solipha avait toutes les raisons de porter une arme.
« Je vous demanderai d'imaginer la chose suivante pour m'indiquer votre réaction. C'est une mise en situation imaginée par Inaya. Je vous demanderai d'y répondre sincèrement, nous attendons bien de vous la protection, mais pas seulement, il n’y a pas de mauvaises réponses… Il sera simplement plus confortable pour vous et pour Inaya de savoir sur quel pied danser. »
A présent elle avait piqué mon intérêt, je m’étais réinstallée pour lui signifier toute mon attention, légèrement penchée en avant, le verre gagna mes lèvres et j’appréciait ses saveurs, loin de ceux redécouvert sur le navire de Charbacane de Cervantes qui vous font décoller les pieds des planches, ce pour les mauvaises raisons.
« Vous entrez dans une salle, après être parvenues à ouvrir la porte. La torche ne vous permet pas de distinguer tous les éléments, mais il y a une fresque sur la droite, vers laquelle Inaya se dirige. A gauche, dans les ténèbres, vous croyez distinguer des yeux. Quel est votre premier instinct, la première réaction que vous auriez ? »
Je fus amusée par la tournure de notre entretient, une mise en situation. Inutile de mettre à l’épreuve les capacités de déduction de Maia, j’aurais bien plus à gagner à lui dire la vérité, quant bien même le mensonge, le plus souvent gratuit et sans aucune raison particulière était pour moi une seconde nature.
Il ne me fallut pas longtemps pour trouver mes mots, bien qu’amusée par la perspective que mes yeux ne puissent pas percer l’obscurité, chose que je préférai conserver pour moi.
« Si je crois distinguer des yeux dans l’obscurité j’intimerais à Inaya d’attendre d’un geste. Si je n’en suis pas capable je suivrais son pas sans me détourner du danger. Ma responsabilité étant d’assurer sa sécurité, mais aussi la mienne, ma priorité serait de déterminer si la créature cachée dans l’ombre pourrait être un ennemi. »
J’humecta mes lèvres et ma gorge d’une savoureuse nouvelle gorgée, consultant la prise de note éventuelle de mon examinatrice.
« Tu dois savoir que je suis une télépathe. » Cela faisait toujours son petit effet. Mes yeux se mirent à scintiller à la hauteur de mes bijoux.
« Je m’assurerais par la magie que nous ne risquons rien, ensuite, si tout danger me semble écarté je laisserais Inaya à ses inspections, tout en restant vigilante. Si dans le cas contraire le danger n’est pas écarté… Alors je ferais fit de ma torche et de mes autres compétences que joueuse de oud. »
Du bout de mes ongles j’avais pianoté sur le sabre pirate à ma ceinture, appuyant mon point.
« Mais aussi de la lumière de la torche pour dissiper la menace, proportionnellement à la nature de celle-ci. »
Une nouvelle gorgée vint, à nouveau je m’installai confortablement en arrière, étirant ma nuque dans un craquement, l’une de mes mains vint se frayer un chemin entre mes cheveux maintenus par mon bandeau, dans l’attente de ses conclusions ou de ses nouvelles interrogations.
« Est-ce que j’ai réussi le test ? » Mon air amusé ne put être dissimulé.
Le serveur s’éloigna pour aller préparer la demande de la voyageuse et leur offrant un semblant d’intimité après qu’il eut acquiescé à ses remerciements.
Maia, quant à elle, avait finit de réorganiser une partie de ses parchemins et levait sa mine vers le visage de Khadija, continuant son analyse. Quelque chose semblait trop parfait et les défauts élégamment disposés ne soulignaient que la beauté chaleureuse des habitants. Sans savoir quoi, sans même pouvoir l’identifier ou placer de mot là-dessus, l’instinct de l’adolescente lui révélait que quelque chose clochait.
"Je suis surprise d'être accueillie par une jeune femme telle que toi. Si ce n'est toi, qui sera mon accompagnateur ?"
En croisant négligemment les mains devant elle, dans une attitude nonchalante que ses épaules tendues détrompaient, que ce soit une forme d’anxiété ou simplement l’excitation qui se mirait dans les éclats de ses pupilles, elle s’attela à conserver sa mine sérieuse. C’est que l’affaire l’était et que sa mission importait jusqu’à en être vitale.
« Vous serez chargé d’accompagner l’archéologue Inaya dans son exploration préliminaire de ruines le long de la plage au nord-ouest ; le centre névralgique de nombreux mystères de Minghelle, kama taelamun. »
Un chef-lieu de ce qui avait été le théâtre de multiples sièges royaux, c’était récent – pour une archéologue du désert en herbe – que les familles royales se soient déplacées sur la côte est. L’assèchement du fleuve Abzu et des quelques nappes phréatiques que les puits acceptaient de transmettre n’y étaient pas étrangers. L’eau était l’origine de toute vie.
"Pour ce qui est de tes questions, je suis prête à y répondre immédiatement si tu le souhaites." Un mince sourire étira ses lèvres avant qu’il ne s’agrandisse jusqu’à dissiper le sérieux de sa mine lorsqu’elle compléta d’un geste de sourcil et d’une expression enjôleuse qui, si elle avait été une toile, aurait été allégorie. "Et peut-être aurons-nous même le temps pour un petit air."
Le serveur survint rapidement pour déposer le verre que l’adolescente paya de sa bourse. En se redressant, elle révéla une dague jambiya à la lame courbe qui trônait à sa ceinture. Une arme qui ne semblait pas née des talents déployés d’un forgeron mais plutôt de ce qu’il faisait pour porter le pain sur la table. Dans son fourreau, l’on ne pouvait distinguer le tranchant affûté de l’arme que la jeune fille rigoureuse maintenait. En se réinstallant, elle fouilla dans ses souvenirs les traces d’un discours maintes fois répété.
« Je vous demanderai d'imaginer la chose suivante pour m'indiquer votre réaction. C'est une mise en situation imaginée par Inaya. Je vous demanderai d'y répondre sincèrement, nous attendons bien de vous la protection, mais pas seulement, il n’y a pas de mauvaises réponses… Il sera simplement plus confortable pour vous et pour Inaya de savoir sur quel pied danser. »
Elle reprit certains de ses parchemins ainsi que le fusain déposé un peu plus tôt à côté de son godet et releva la mine sérieuse en direction de la femme, celle-ci ternit l’éclat de ses prunelles.
« Vous entrez dans une salle, après être parvenues à ouvrir la porte. La torche ne vous permet pas de distinguer tous les éléments, mais il y a une fresque sur la droite, vers laquelle Inaya se dirige. A gauche, dans les ténèbres, vous croyez distinguer des yeux. Quel est votre premier instinct, la première réaction que vous auriez ? »
L’inclinaison de sa tête, de son buste et de son attitude, fusain à la main, ne pouvaient que révéler l’attention particulière qu’elle portait à sa réaction. Maia aimait l’histoire et les arts, mais prenait au sérieux n’importe quelle mission lui serait confiée et il s’exprimait au travers des mots qu’elle répétait et de l’écoute qu’elle accordait à Khadija.
Maia me semblait à la fois attentive et distraite, elle m'observa durant un moment qui demeura suspendu, son inspection fit incliner légèrement ma tête sur le côté, mes yeux noisettes se mirent à nouveau à briller d'un faible éclat amusé. D'ors et déjà l'adolescente avait attisée ma curiosité et gagnée ma sympathie. Il me fallut lutter contre l'envie de m'imiscer à la lisière de son esprit pour contempler les pensées qui semblaient couler en cascade, cela fait je pu à nouveau me concentrer sur son discours, m'installant confortablement en face d'elle suite à son approbation. « Je ne serai pas la personne à escorter, mais je suis là pour vous poser quelques questions. »
Le sérieux qui avait gagné le visage de Maia étira à nouveau un sourire sur mes lèvres, tandis que je percevais toujours la passion dévorante de son regard.
« Et vous expliquer d’autres choses, bien sûr, si vous avez de quelconques questions. »
Je la laissa parler, me contentant d'être bercée par la douce caresse de son timbre et les cordes des luths. Mon regard s'attarda finalement sur le fruit de ses recherches du coin de l'oeil tandis que je répondais au serveur "Je vais prendre un rhum au lait de cactus."
A nouveau mon regard s'accrocha au visage de l'adolescente, un léger sourire naquit au coin de mes lèvres, mon front s'inclina faiblement dans un geste poli "Shkran."
Tandis qu'elle terminait de réorganiser ses affaires je continuais de m'attarder à l'observation de ses plans. Lorsqu'elle eut terminée je repris. "Je suis surprise d'être accueuillie par une jeune femme telle que toi. Si ce n'est toi, qui sera mon accompagnateur ?"
Mes mains s'étaient jointes sur mes cuisses croisées tandis que j'appuyais confortablement mon dos dans l'assise, arrachant un craquement à ma nuque.
"Pour ce qui est de tes questions, je suis prête à y répondre immédiatement si tu le souhaites."
Avec un regard pour mon comparse, puis pour mon instrument, je l'agrémentais d'un nouveau sourire enjôleur, un sourcil haussé. "Et peut-être aurons-nous même le temps pour un petit air."
Le temps sembla se suspendre quand elle lui parla, assurément elle ne montra pas grand-chose. Ses lèvres s’étaient entrouvertes et son souffle retenu furent les seuls indices du presque arrêt cardiaque qu’elle avait pratiquement subi.
Quelques secondes plus tard, pendant qu’elle pestait sans savoir plus quelle langue parler ou comment élaborer des phrases avec de la signification, son regard se releva, ses troubles dissimulés derrière un souvenir avenant.
« Tu dois être Maia. »
D’un hochement de tête elle acquiesça en l’écoutant se présenter. Le oud attira son attention plus que le reste, avant que les balbutiements dans sa tête ne lui rappellent la mission raison de sa présence dans ce lieu.
Quelque chose qui ne changeait absolument rien de ses habitudes, d’où la proposition qui lui avait été faite, le gain de finance lui permettrait de mettre de côté pour sa proposition de sujet aux Mythes. En cela, Inaya l’aidait tout particulièrement, lui offrant toutes les techniques qu’elle avait employées par le passé. L’apport lui offrirait une chance que son sujet soit favorisé face aux autres. Un sourire étira un peu plus ses lèvres avant de finalement observer son interlocutrice.
Par observation, Maia avait cette manie de détailler chacun des traits, certains de ses interlocuteurs s’en retrouvaient gênés d’être ainsi dévisagés. Aucun mépris n’étirait ses traits, qu’une certaine curiosité qu’elle déployait tout autour d’elle. A sa manière, l’adolescente contemplait les visages comme une œuvre d’art, s’attardant sur chaque trait, chaque défaut qui sublimait à sa manière tous les visages.
Celui de Khadija la troubla, aussi n’entendit-elle pas tout de suite les mots qui suivirent.
« Est-ce que je peux m'asseoir ? Je suis ici en ce qui concerne le travail. Tu es celle que je dois escorter ? »
Quelques instants d’observations supplémentaires quand un clignement d’œil survint, au même instant où la pensée de sa mission fusa à travers son esprit.
Elle détourna le regard quelques instants, se concentrant sur le joueur de oud et se souvint qu’elle en était une, un sourire étira à nouveau ses lèvres.
« ‘Ahlan ! » Sa voix était douce et lorsqu’elle retrouva la formule pour élaborer des phrases ses yeux se mirent à briller. « Merci d’être venue me voir. » Elle inclina la tête en se redressant sur sa chaise. « Je suis bien Maia, vous pouvez vous asseoir. » D’un geste, elle fit signe au serveur pour qu’il se rapproche avant d’en revenir à son interlocutrice, en se rasseyant. « Je ne serai pas la personne à escorter, mais je suis là pour vous poser quelques questions. » Son sourire laissa place à un sérieux qui n’envahit que la moitié de son visage, ses yeux brasillaient encore. « Et vous expliquer d’autres choses, bien sûr, si vous avez de quelconques questions. »
Le serveur se rapprocha à point nommé, interrogeant la joueuse la voyageuse pour savoir ce qu’elle désirait boire. Avec un temps de latence, tandis qu’elle faisait de la place sur la table, Maia redressa la tête.
« Je vous l’offre, bien entendu. »
Je venais de regagner l’île qui m’avait vu naître après un voyage de plusieurs jours sur une embarcation pirate, en compagnie de ses marins que je connaissais bien : l’Ombre, à ce détail près que le capitaine semblait plus obstiné qu’autrefois. Il nourrissait une idée fixe, la découverte de morceaux de miroir. Il a refusé de m’en dire beaucoup plus mais je compris sans mal que ça lui était précieux, là où je me rendais j’obtiendrais peut-être plus d’informations que j’avais promis de lui communiquer.
Mais malgré toute mon appréciation pour Charbacane, mes promesses n’engagent jamais que ceux qui décident d’y croire. Ce n’était pas la raison de mon retour à Minghelle, l’endroit où je me retrouvais inexorablement attiré, comme l’un des nombreux caprices du destin.
Le temps de la fuite était passé, il me faudrait un jour ou l’autre affronter celui qui hantait mes cauchemars, il était temps d’affronter mon géniteur. Non sans armes. Sa maîtrise des arts occultes en matière de démons me le rendait particulièrement dangereux, son savoir était une arme dont je ne disposais pas, je n’en savais que peu à son sujet, en réalité je n’en savais que peu sur ma famille dans son ensemble.
Qui étaient autrefois les Al-Hazred ? Avant que mon père ne fasse de moi ce que je suis devenue.
Il me fallait plonger profondément dans les abimes du passé méconnu de ma famille, peut-être aurais-je pu commencer par la Cité des Lumières, mais j’avais une autre idée qui consistait à ne faire qu’un à nouveau avec l’île, pour cela il me fallait prendre un bon verre de rhum comme seul Solipha serait capable de me l’offrir.
C’est ainsi que je me rendais d’un pas enjoué, libérée pour quelques temps de mes tourments en direction de l’auberge, avant qu’une affiche n’attire mon attention.
La Guilde des Archéologues.
Cet indice placé sur ma route m’arracha un sourire et fit briller mes yeux. Nos origines familiales prenaient racines dans le passé des sables de l'île et je voyais dans cette affiche l'occasion de me rapprocher des remonteurs de temps mais aussi de garantir pour un temps mes finances.
La perspective d’une prime de risque, de danger, fit frissonner de désir ma colonne plus efficacement que les doigts savants des caresseuses de plaisir.
Mes pas me menèrent sur la route que j’avais maintes fois foulée, une fois dans l’établissement je pu apprécier la musique, fermant les yeux pour me laisser porter par les symphonies, mon odorat retrouvant les odeurs familières. J’étais à la maison.
A mon retour à la réalité, après avoir consulté l’assistance, échangée quelques sourires chaleureux, je fini par apercevoir l’objet scintillant, la broche de la Guilde des Archéologues.
Son jeune visage ne me rappela à aucun souvenir, sans beaucoup avoir à me forcer je fis naître un sourire sincère sur le mien, m’approchant de quelques pas, m’attendant à la surprendre j’entrepris les présentations : "Tu dois être Maia." Je déposais mes doigts à ma hanche, glissés sous ma ceinture, dans une posture d'attente.
"Je suis Khadija, voyageuse, mercenaire et joueuse de oud." Un nouveau sourire, j'omettais volontairement mon association aux Enfants du Désert pour l'instant. Ce n'était pas un élément de vie qu'il était bon d'évoquer trop fort. "Est-ce que je peux m'asseoir ? Je suis ici en ce qui concerne le travail. Tu es celle que je dois escoter ?"