[Za'Addha] Le Prix à Payer

Il faisait frais. C'était une particularité du désert qu'il avait appris à connaître désormais, les nuits étaient particulièrement fraîches. Il aurait mieux fait de dormir après cette rude journée, mais le sommeil ne venait pas. 

Était-ce Vanilius qui le tourmentait ? À chaque âme qu'on lui envoyait, était-ce le prix à payer ?

Deux de plus ce soir. Il revoyait leurs yeux, leur force, leur vitesse. Ils avaient tout de démon, sauf l'enveloppe. Étaient-ils morts avant qu'il ait frappé ? Personne ne le saurait jamais. Celui que Scazni avait tué était le fils d'Hasna...ou Hansa ? Il en avait oublié son nom, mais pas la vision. 

La hache avait coupé net le cou. Le cri, le sang, la magie qui s'échappaient. Étaient-ils conscients ? Avaient-ils eu un moment de lucidité ? Il imaginait l'horreur de leur situation, dépossédé de leur volonté. 

Le goût de la bile ne quittait pas sa gueule. Ni même l'odeur de la chaire brûlée de Scazni. La mort. Il avait l'habitude des conflits, des blessures, des combats, c'était son métier. Mais son métier n'était pas de tuer. Donner la mort ou même la côtoyer n'était pas son quotidien. 

Il se rassurait en se répétant, sûrement à raison, que s'il n'avait pas agi ainsi, Livia, Will, Scazni et même d'autres auraient péri. Il n'avait pas eu d'autres choix, rien ne les arrêtait. Mais au fond de lui il la voyait. 

Elle aussi était tombée entre les griffes d'un autre, un autre qui lui imposait une autre vision, un autre rêve. Elle aussi était ou serait une menace pour d'autres. Si quelqu'un la tuait pour se défendre, pourrait-il lui faire face sans le haïr du plus profond de lui-même ? Derrière cette menace, cette pensée imposée, il savait qu'elle était la, quelque part. Ils l'étaient sûrement aussi. Avant que sa hache ne brise tout espoir de libération. 

Il irait la voir, lui dire. Elle le haïrait.

C'était aussi le prix à payer. Il lirait dans les yeux de cette mère toute la peine et toute la haine que la douleur de perdre son fils lui ferait ressentir. Il le fallait, pour ne pas que tuer ne devienne qu'un acte parmi d'autres, une habitude. On prenait toujours quelque chose de précieux à quelqu'un. 

Mais il lui ferait la promesse, comme il se l'était faite, qu'il ferait payer a ce guérisseur le coût qu'il avait imposé à d'autres. Car c'était bien Mordred qui avait déclenché tout ça. Et il était prêt à sentir le goût de la mort à nouveau si c'était pour arrêter cet homme, ou ce démon. Il observerait alors Vanilius en face avec satisfaction. Comme pour ces assassins du désert ou ces pillards qui torturaient Donovan. 

Il n'était pas juge, et il serait prétentieux de croire qu'il pouvait décider de qui méritait de vivre ou pas. Mais il était garde. Si tuer était le seul moyen de protéger, alors il le ferait. Il laisserait à Donblas et Vanilius le privilège de le juger pour chacune des vies qu'il aura prises.