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Espoirs Azurés

Espoirs AzurésTexte de Kelora
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Texte de Kelora

Sur l’une des criques isolées de la mer Mirène, de laquelle on pouvait voir les murailles de Trigorn, Théa s’était assise. Sa robe de combat avait laissé place à une tenue en tissu, mais comme à son habitude, l’épée bâtarde continuait de trôner à sa ceinture. Ses bottes étaient disposées à côté d’elle et son regard se portait vers l’horizon, où le ressac des vagues miroitait les éclats du soleil tout en chatouillant ses chevilles. 


Elle attendait, avec une certaine impatience, l’arrivée de sa fille. Que ce soit l’œuvre de son maléfice, ou simplement le lien qui les unissait, quelque chose de plus profond que de quelconques sortilèges comme Théa voulait le croire, Corale savait toujours la sentir. Son contact avec le Temple de Donblas avait d’abord fait chanceler, lui rappelant l’affaire des azurs, lui rappelant à quelles monstruosités, bien pires que de laisser voguer une démoniste, elle s’était abaissée. 


En sortant de l’eau, la silhouette à la peau bleutée de Corale, présenta tout le monstre en un sourire qui étira ses lèvres et Théa bascula dans le sable en la serrant contre elle, le nez envahi par l’odeur iodé. 


Théa inspira, réprimant par réflexe ses larmes, qui depuis ses adieux à Claire, tentaient des percées. Mais, cette fois, elle s’abandonna aux sensations que les dieux lui avaient confiées, leur présent à celle qui avait perdu la chair de sa chair. Trop obnubilée à l’idée de son devoir, Théa n’avait pas compris que le temps lui était bien plus compté qu’il n’y paraissait et les missions effectuées pendant les premiers mois de vie de sa fille semblaient vaines. Elle ne lui apprendrait pas à refouler ses émotions, ce n’était pas ainsi qu’elle s’imaginait éduquer sa fille, alors elle se laissa aller à pleurer. 


Quand le Cauchemar et son Emissaire qui avait condamné ses enfants et Anabel à se corrompre lui avait imposé la vision de son propre enfant mourant encore et encore sous les coups répétés de la maladie, elle s’était retenue.

  

Quand elle avait vu dans les yeux d’Isaure, d’Ahren, de Gersende, d’Eloi et de Bertille les derniers éclats de lumière et d’insouciance éteints par les traitements du démon et de ceux qui s’étaient soumis à lui, elle s’était retenue.


Même quand la révélation que ni Anabel, ni Tristan n’avaient su saisir la main de leur fille ou de leur nièce, de sa colère elle s’était retenue de leur en vouloir, quand bien même tout en elle hurlait la chance qu’ils avaient volontairement laisser passer, Théa s’échinait encore à retenir ses émotions. 


Mais ce n’était pas ce qu’elle désirait, pour Corale. Alors elle changeait, à son contact, devenait une nouvelle personne teintée de celle qu’elle fut, de la soldate à la paladine, la convoyeuse espérait lui présenter un monde dans lequel chacune de ses émotions méritait d’exister et d’être acceptée. Même les pires qui la hantaient, quand elle lui murmurait à demi-mot ce que sa nature hybride lui soufflait de faire. 


En cela, sa demi-démone de fille forçait son respect bien davantage que les pères qui avaient cédé à toutes les sirènes du mal sous prétexte de protéger son enfant. Elle apprenait à apprivoiser ses pulsions, à s’en servir pour devenir une meilleure personne, quand bien même ne pourrait-elle jamais être bonne, Théa ne l’abandonnerait pas. Jamais. 


Et chaque seconde aux côtés de Claire et de sa candeur, aux côtés de la flamme bouillonnante de Jack, auprès du feu béni de justice de celle qui acceptait ses torts avec humilité et enfin de la curiosité pour le monde, aux différences fondamentales, qui avait rappelé à Théa qu’en abandonnant le Temple, son esprit refusait de se fermer à des éventualités. 


Corale l’interrogea, de mille regards, évitant l’épée qui la blesserait, par sa bénédiction, sans que cela ne fasse plus aucun sens dans l’esprit de sa mère. Le béni n’avait aucun impact sur Gueda, mais sa fille s’en retrouvait blessée ? Ces doutes qui avaient entaché sa foi s’étaient retrouvés balayés par le cauchemar. 

 

Cela lui avait fait mal d’arracher à Claire la dernière vision de ses parents, il n’y avait pas eu de justice à ne pas les laisser pouvoir la chérir, mais il était pourtant juste de leur offrir le repos. C’était cette épée, levée au-dessus de la tête de sa propre fille, celle qui rappelait que cette situation était inacceptable, qui l’empêcherait de se bercer d’illusions comme Uriel. 


La justice n’était ni bonne, ni mauvaise, elle était. Ni morale ni amorale, elle existait par sa définition la plus pure, et si sa fille se retrouvait blessée des injustices commises par son parent, il était de son fait de l’en protéger. Elles se déplacèrent et s’allongèrent, les pieds dans l’eau, le ciel pour seul témoin de cet amour qu’Acadfael aurait balayé d’un revers de son arme.


Théa n’hésita pas et lui raconta les lucioles des rêves de Claire, lui raconta la bête qui veillait et la douceur de cette fille, laissant la sienne gérer sa propre jalousie, lui offrant toute la patience dont elle était capable et même celle dont elle se pensait incapable. Mais elle ne s’arrêta pas là et raconta également les Rossignols qui sauvaient les petites filles des cauchemars et les Roses orange qui leur apprenaient à rêver. 


Puis, sa fille étant elle-même en proie au mal, elle raconta posément les conséquences de celui-ci, des enfants arrachés à leurs parents, aux oncles trop perturbés pour se rapprocher du dernier souvenir sur Vesperae de leurs frères, ses propres erreurs à haïr les parents qui abandonnaient leurs enfants.


Elle raconta, à grands renforts de superlatifs qui n’arrivaient qu’à la cheville de la taille des léonins ceux qui faisaient la magie des rêves, provoquant l’indignation face au mensonge de sa demi-fille de Démonio, puis, ses lèvres entrouvertes face à l’existence de cette magie insoupçonnée. 

 

Et son cauchemar, pendant que du pouce, sa fille essuyait la mer qui débordait à nouveau de ses yeux, de la voir mourir d’une maladie, à son tour et de ceux qui préféraient mourir que d’essayer de faire de ce monde un rêve plutôt qu’un cauchemar. Théa souffla à sa fille l’espoir qui lui avait semblé si incongru, si déraisonnable pour la femme d’armes qu’elle était et qui pourtant était la seule réponse à ceux qui commettaient de si terribles choses. 


Le manoir des Ahmes serait bientôt le théâtre d’autres combats mais il lui restait du temps, qu’elle prendrait, quand bien même le monde tremblait de toutes parts. Dans les profondeurs des yeux de Corale, elle vit briller la lumière d’une humanité qu’elle chérirait toute sa vie, elle entendit de sa voix les poissons sauvés et cette envie difficile de tuer les méchants pêcheurs. Théa raisonna ses pulsions, comme il était nécessaire de le faire, mais l’écouta en parler, sans jamais la déclarer fautive.


C’était elle. Des nuances de celle qui aimait sans retenue à celle qui désirait tuer ; l’espoir illusoire de la sauver reviendrait à la changer. Comme Rose ne pourrait changer l’Oracle en Claire, puisqu’elles n’étaient qu’une seule individualité, unique, comme tout le monde. Installée sur cette plage, à observer le coucher de soleil, en écoutant sa douce voix chantonner à son oreille et en l’aidant à écrire ses chansons, Théa sut que le véritable espoir ne fleurissait pas dans le changement, mais dans la simple acceptation des natures de chacun et le sien avait les yeux aussi noirs que les profondeurs où nageaient les monstres léviathan. Et, plus que de les protéger, elle désirait la rendre fière de pouvoir l’appeler maman. 


Ce soir-là, les essais furent difficiles, mais Corale finit par avoir l’air presque humaine, et main dans la main, Théa s’avança vers sa demeure, prête, enfin, à accepter sa propre fille, non plus comme un secret dont elle avait honte, mais comme celle qui comptait plus que tout à ses yeux. Le secret n’avait jamais protégé que l’ancienne paladine, qui avait oublié que si son armure rouillait dans l’océan, les leurs aussi.

Corale Hurlefreux

Corale Hurlefreux

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Théa Hurlefreux

Théa Hurlefreux

Grande Guilde

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