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La relique de Ruhani

La relique de RuhaniTexte de Kelora
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Texte de Kelora

En se faufilant au travers des dédales silencieux du temple de Vanilius, Ruhani serrait contre elle une boîte sous scellé. Celle-ci avait une allure vétuste, si ancienne qu’à l’y regarder de trop près, l’on ne pouvait s’interroger sur les raisons qui l’empêchaient de redevenir poussière.


Pourtant, ses arêtes ouvragées creusaient dans ses doigts des sillons sanguinolents, tentant d’aspirer le pouvoir qui était sien, en vain. La prière glissa hors de ses lèvres et repoussa la présence maléfique.


« Au nom de ceux qui ne parlent,

Au nom de ceux qui n’entendent,

Au nom de ceux qui ne voient,

Au nom des âmes égarées :

Jumelle nos volontés. »


À chaque mot prononcé, le guide entendait sans ouïe, voyait sans yeux : la raison même de sa foi. Des considérations de la prêtresse, l’on ne pouvait croire qu’en l’incertitude. Les dieux existaient. La foi de Ruhani consistait en la croyance ferme et indéfectible qu’il percevait son existence, la tolérait et l’épaulait. À ses côtés, l’armure brutalisait de ses solerets les pavés poussiéreux des catacombes du Temple de Vanilius, sa lame dégainée les frôlait :


« La prêtresse a exigé d’obtenir le résultat de nos investigations. »


Ruhani lui jeta un coup d’œil avant d’en revenir à sa progression, sans interrompre une seule fois sa prière, mais la paladine n’attendait aucune réponse, le fait se suffisait à lui seul.


« Que ton ombre apaise mes brûlures,

Que mes yeux se ferment aux souillures,

Qu’ainsi ta cape me guide… »


Depuis le vol de la Nébuleuse, le Temple s'était fait un point d'honneur à changer la porte. Les idoles et œuvres de vénérations se muaient en divers sceaux de pouvoir, injonctions divines à la protection de l’un des sanctuaires de Vanilius. Un lieu que nul ne pouvait arpenter, sans faire partie du Temple depuis de nombreuses années.


Ruhani se souvenait encore de sa première entrée ici, tout comme du vent d’appréhension, face à ce lieu éventré par les mortels, en dépit de toutes les croyances et marques de respect dues aux morts. Si elle sentait le pouvoir divin et put interrompre sa prière en pénétrant les lieux, ses épaules s’affligèrent de ses propres échecs jadis et présents. L’une des multiples protections s’abattit sur elle, sans exception aucune : qui voulait entrer, devait s’en montrer digne.


Même la paladine, d’ordinaire impassible s’arrêta et expira entre ses dents de quelconques paroles face aux incartades que la poussaient à commettre la nécessité.


« Un nécromancien protégé, mille tourments offerts, scanda Ruhani, d’un ton sentencieux où poignait une virgule d’amusement.

— Causez-en au Croque-Mort.

— Touché. »


Ruhani se redressa et continua son avancée, non sans jeter une œillade à la relique entre ses doigts couverts de fines coupures. Voilà qu’elle se retrouvait bien désœuvrée face à la présence du Guide et de tous ses tourments. Si c’était un animal, il se serait recroquevillé dans un coin en implorant de sortir. L’objet n’étant qu’un objet, il ne bougea pas, mais cessa de l’asticoter de ses tentatives désespérées de glaner un peu plus de pouvoirs.


Elle releva les yeux pour s’intéresser aux lieux, marquant un temps d’arrêt pour lutter contre sa fascination face au rituel. Installée ici, l’une des oracles du Temple aux yeux bandés psalmodiait d’une voix rauque une ode aux grands-prêtres décédés dont les tombeaux ornaient chacun des murs. Çà et là, leur souvenir et leurs actes se dépeignaient en des peintures ou sculptures offertes par le Temple de Brastos. Au milieu de la pièce se trouvait un autel vers lequel elle orienta la procession.


La paladine se détacha d’elle et s’approcha de l’Oracle, murmurant à son oreille diverses informations. C’était une vieille femme, aux mains tremblantes et à la mémoire défaillante dont le corps s’échinait à demeurer vivant quand, Ruhani le comprit en voyant la main de la paladine se déposer sur son épaule, l’esprit appelait de tout cœur la mort.


De ses connaissances, l’Oracle était déjà là, avant même que la prêtresse ou la paladine ne rejoignent les ordres. Son existence s’étirait dans le temps, se moquant même de Willanjis et, ignorée par la mort, sa foi n’en ressortait que grandie. Elle perçut le timbre de la voix de la paladine qui soufflait à son oreille quelques bribes d’informations sur ce qui se déroulerait.


L’oracle tourna la tête vers Ruhani, qui se mordit la joue pour s’empêcher de proférer la plaisanterie qui venait de traverser son esprit, et elle inclina la tête. Un sourire étira les profondes rides et éclairci son visage lorsque l’oracle se redressa.


La prêtresse eut mal au dos rien que d’entendre le sien craquer, depuis combien de temps au juste se tenait-elle assise ici ? Une éternité, sans nul doute. Aude glissa ses doigts sous son bras pour l’y aider.


« Je vais vous aider, affirma l’Oracle.

— Vous… Vous êtes sûre ? Non pas que je craigne vos compétences…

— Et dans le pire des cas, j’invoquerai Vanilius lui-même par ma mort, pesta la vieille. Ne commencez pas à discuter, prêtresse.

— Willanjis vous garde, répliqua Ruhani, un sourire aux lèvres. »


L’Oracle gloussa :


« Il ne m’imposerait pas de visites, si c’était le cas. »


Ruhani décida, pour elle-même ou tout autre psychiste trainant dans ses pensées, qu’elle adorait la vieille femme. Elles se retrouvèrent toutes trois autour de l’autel, la paladine non loin de l’Oracle et de l’autre côté de la table la prêtresse.


La boîte était fermée, mais toutes pouvaient en sentir la magie qui s’échappait, de manière bien différente : pour Aude c’était une sueur désagréable, pour Ruhani, une journée sans un sourire, et pour la dernière, un simple souvenir.


« Ce n’est pas un phylactère, établit la vieille femme.

— Non, nous supposons un objet qui servait…

— Un objet ne sert pas. Seuls les fidèles des Dieux ou des Rois le font.

— Oui, bien sûr. Et tous les maîtres d’esclaves.

— Je n’en ai plus vu depuis de nombreuses années. Le fait est que l’objet ne sert pas. »


Aude réprima un air amusé en observant la prêtresse tourmentée par toutes ses plaisanteries gardées sous silence.


« Bien. Il avait pour fonction — puisque nous sommes érudites, ici, choisissons élégamment nos mots pour parler de cette immondice — de nourrir le pouvoir d’un nécromancien, à distance. L’objet aurait appartenu à Fendlion, Seigneur de son prénom.

» En somme, cette chose va nous sauter au visage pour tenter de se défendre et serait à l’origine, selon la prêtresse de Danava, une relique de Vanilius. Non pas comme… »


Vous, Madame Oracle. Par les dieux, Ruhani s’était mordu la langue si fort qu’elle sentait le goût du fer tapisser son palais. Le regard glacial de la paladine s’était illuminé, très légèrement, il ne fallait pas que celle-ci se retrouve trop souriante sous peine de perdre toute sa sordide crédibilité. Déjà qu’elle était blonde.


Elle se racla la gorge :


« Bien. Voilà. Une relique. Il faut donc détruire le maléfice sans altérer l’objet, pour qu’il puisse être évalué par le suaire archiviste. »


Ruhani leva les yeux vers les différentes tombes qui tapissaient les murs et s’imagina y reposer, veiller à son tour sur les vivants une fois le voile passé. L’idée lui plaisait mais son ambition demeurait silencieuse.


Le silence s’éternisa et l’Oracle attendait, probablement davantage la mort que le début du rituel. Ruhani, quant à elle, se prépara, vénérant le Guide quelques minutes supplémentaires. Elle ne craignait pas la boîte, ni même ce qui se trouvait à l’intérieur, mais ici entre les corps de tous les grands-prêtres, elle subissait de plein fouet une pression désagréable qui engourdissait ses doigts.


Elle déposa finalement sa main sur la boîte et psalmodia à son tour, les yeux fermés. Elle implora le guide de lui conférer la force de détruire ce qui était contraire à l’ordre. Peu à peu, son corps s’emplit de ce pouvoir qu’elle ne comprenait pas tout à fait. La mort était une œuvre froide et rigide, sous sa main bouillonnait une vitalité contraire à ce monde. La vie précédait la mort, le contraire était impossible. Qu’il soit Seigneur, ou un simple nécromancien, la créature responsable de la souillure de la relique s’astreignit à devenir un simple monstre à ses yeux. Les nuances, nécessités et tourments poussant les serviteurs au mal, disparurent.


Un premier gémissement s’échappa de ses lèvres lorsque le combat se déclara entre l’ordre et le chaos. La brûlure envahissait tout son être qui devenait un pont croulant sous le poids des entités divine et chaotique. Ses paupières chatouillaient ses oreilles et ses orteils remontaient dans son dos : son corps pour champ de bataille.


Malgré tout, Ruhani ne ressentait aucune peur. En incomber la faute au Temple et aux multiples essais face à la terreur des tourments de l’âme serait inexact. Déjà, plus jeune, elle ne la rencontrait qu’à de très rares occasions. Téméraire dès son premier souvenir, la crainte de la mort ne parvint jamais à s’imposer, lui provoquant une étrange fascination jumelée à un respect. Pour cette raison, parmi bien d’autres, la botaniste se mua en aspirante, puis en prêtresse.


Elle se tordait, mais se tenait droite. Ses doigts séparaient ses articulations et le long de ses os, grattaient des rats, porteurs de pestes et de gangrène. Peut-être ses rêves de devenir un suaire, puis une grande prêtresse devaient s’interrompre, selon la volonté du Guide.


Au feu qui désunissait son être s’opposa la glace qui rétablit l’ordre. Une main fraîche effleura sa peau, dissociée de sa chair et la ferveur désespérée de sa prière retentit en un hurlement à ses oreilles. Pourtant, elle ne hurlait pas.


Dans les échos de leurs prières, chantaient les banshees apaisées qu’elle se voyait renvoyer à Vanilius, dans les râles de leurs gorges abîmées par les flammes s’imposaient les ultimes agonies de ceux qui charmèrent la mort.


Le pouvoir implosa, la relique demeura, et de ses déflagrations : un ennemi tangible jaillit. La paladine redressa son arme et lança le combat au son de la prière de Ruhani. Elle tourmentait désormais la chose présente au fond de la relique quand l’Oracle s’interrompit. Sa vision pesa à son cœur, comme si Ruhani devenait un enfant esseulé pleurant l’abandon de son parent. Les visions divines ne promettaient que les issues de combat et lesquels devaient être menés, pas leur déroulement. Cela ne venait que de l’anonyme, qui troqua son nom contre un peu de tranquillité d’esprit, offrant sa prescience à la paladine.


Quand l’Oracle disait gauche, elle se déplaçait à droite ; quand elle murmurait droite, elle frappait à gauche. La paladine devint l’instrument de l’Oracle, au service de ses volontés divines. Ou, peut-être n’était-ce qu’une affaire de confiance.


La créature inspirée de ce pouvoir n’était pas cohérente, Ruhani, bien plus tard, dut la décrire : elle déclara qu’elle avait trois mains au début, et cinq à la fin quand la paladine en coupa deux. Elle affirma l’avoir vue verte, mais être certaine qu’elle fut translucide. Elle conclut que ce n’était qu’une incarnation du pouvoir et qu’en cela, elle n’existait pas. Simplement les parallèles de leurs esprits réunis pour interpréter ce qui ne pouvait l’être.


Ruhani referma la boîte, soustrayant à son seul regard, la vision de la relique. L’oracle était toujours aveugle, pour ce qu’elle en savait, et Aude :


« C’est une fausse.

— Ah. L’expertise la plus rapide du siècle.

— C’est une fausse : l’objet n’a pas de foi à faire faiblir pour offrir aux ennemis l’avantage sur lui.

— Tu t’ennuyais à ce point ?

— Non. Je tenais seulement à participer à sa destruction. »


Elles marchaient désormais dans les couloirs, abandonnant l’Oracle derrière elles qui reprit ses psalmodies sans plus se soucier d’elles.


« Peut-être est-ce un défi qu’il nous a laissé. »


Les solerets claquèrent en réponse, à cinq reprises, avant que la paladine ne commente :


« Laissez les défis aux autres dieux, Vanilius n’a pas le temps pour ces inepties.

— Parlant de temps, comptes-tu me dire comment cet homme vous a contactées ?

— Comptez-vous le cacher sur votre rapport ?

— Je préciserai que je me dois d’être muette comme une tombe à ce sujet. Je suis sûre que ça plaira au Temple de Danava. »


Elles venaient de remonter à la surface et la boîte ne blessa plus la prêtresse, elles s’apprêtèrent à se quitter quand Aude se retourna vers Ruhani :


« L’un de ses ancêtres était un parent d’un associé de sa meurtrière. Il a demandé à avoir une fin de vie digne et dénuée d’aucun risque de nécromancie. » La paladine fixa quelques instants la boîte, avant d’afficher un sourire froid. « Je serai partie pour les trois prochaines semaines, je dois accomplir une mission.

— Pour le Temple ?

— Pour la mort. »


La paladine quitta la prêtresse sans ajouter un mot et celle-ci secoua lentement la tête. Elle en revint à ses affaires immédiates et avança dans les chambres du temple, pour toquer à la porte du suaire archiviste. Nul n’était imperméable aux afflictions divines, et, songea Ruhani avec un sourire amusé : certaines jambes de bois se retrouvaient avec bien plus d’histoire que certains hommes de sa connaissance. Si ce n’était pas une conscience, au moins méritaient-elles de servir.


Le suaire ressemblait en tout point à un berger ayant connu de nombreuses années de travail avant qu’une mauvaise blessure ne vienne arracher sa main. Ruhani l’imaginait sans mal au coin d’un feu, contant à ses petits-fils de quelconques histoires de loups dévorant les moutons. C’était un homme avec une certaine présence qui se calfeutrait dans la salle des archives dès qu’il en avait l’occasion. Puisqu’il était archiviste, cela signifiait : tout le temps.


Installé à son bureau en sapin, l’œil serti d’un monocle et son grand bâton disposé à côté de lui, ses cheveux blancs étaient attachés en un chignon dissimulaient une tonsure bien avancée. Il releva la tête dans sa direction et retira son monocle. Ruhani déposa la boîte sur le plateau :


« J’ai quelque chose, pour vous. »


Il lorgna la boîte, son œil gauche voilé par un quelconque combat mais l’œil droit aussi vif que celui d’un enfant.


« Dites-moi tout, lui ordonna-t-il d’une voix de bariton en ouvrant avec la douceur que l’on réservait aux nourrissons la boîte. »


Ruhani s’installa confortablement et déroba l’une des bouteilles ainsi qu’un verre poussiéreux pour se servir. Aussi, commença-t-elle en ponctuant son récit de différentes remarques de peu d’intérêt, à lui conter ce qu’elle savait de cette relique.


Un homme de la famille Tybegath, déchue de son or depuis la chute de Gathol, le légua à l’Ordre de Vie et Mort qui venaient pour lui offrir la dignité d’un départ serein. La prêtresse Cathleen et la paladine Aude se chargèrent toutes deux, en dépit des événements qui harcelaient le monde, de se concentrer sur la mort d’un seul homme.


Il avait retrouvé, caché au sein de l’un des coffres de la Fondation du Sablier, un objet ayant appartenu à ses ancêtres. Celui-ci, scellé dans une boîte, lui inspira une crainte si profonde qu’il le remisa dans le coffre, sans plus y toucher, plusieurs décennies. A peine avait-il tenu l’objet dans ses mains, qu’il s’était senti affaibli. Si profondément affaibli que dix pas suffirent à le faire tomber. Sur les conseils de son épouse, il l’abandonna dans le coffre.


Mais elle était partie, aussi, il se retrouvait seul dans une grande demeure que seuls ses enfants et petits-enfants égayaient par leurs sourires. Il vivait dans un petit village, non loin de Sarosa, accoudé au château du roi et, quand sa famille dut partir pour affaires puis son épouse, un an plus tôt pour le royaume du guide, les jours s’écoulèrent dans l’attente de leur visite prochaine.


Il refusa de déménager avec eux, et avant la visite de l’Ordre déclara une fête durant laquelle son fils lui rappela cette étrange boîte. Il en parla aux deux membres de Vie et Mort, et accepta de la leur léguer, refusant de faire reposer pareil poids sur les épaules de ses enfants, à une condition : qu’il soit enterré, à moindre coût pour sa famille, avec toutes les protections possibles contre la nécromancie.


A la fin de son récit, le suaire manipulait délicatement l’objet entre ses doigts osseux et plissés. Ce n’était qu’une simple broche en cuivre ornée d’un encapé. L’objet ne payait guère de mine, à première vue, si ancien qu’il se pliait à la moindre pression. Ruhani reprit :


« Nous l’avons purifié mais quelque chose me laisse à penser que cela pourrait être l’une des reliques du Grand-Prêtre Fend-la-Mort. L’objet me semble suffisamment ancien et si j’en crois les marques, sur le côté… Oui, juste ici. Cela pourrait correspondre à l’ère démoniaque, les peuples libres de la montagne. »


Il continua de faire tourner l’objet entre ses doigts puis le remisa à l’intérieur de la boîte, au milieu du velours noir qui le protégea toutes ces années durant. Dans un froissement de tunique, le suaire inspecta chacune de ses étagères, une idée en tête. Ruhani croisa les bras et sirota une nouvelle gorgée de son verre, la gorge sèche par son récit.


« A quoi pensez-vous ?

— Oh. » Il tourna la tête, la regardant avec cet air étonné de celui qui n’avait pas entendu quelqu’un, surprit qu’il soit là. « Cela me fait penser à cette vieille histoire.. Je crois qu’elle n’est plus enseignée pour votre génération. » Génération sonna tel un glas, comme si Ruhani elle-même devait se sentir honteuse, voire se confondre en excuses, d’être née à la mauvaise ère. « La légende de celui qui périt mille fois.

— Je la connais, intervint Ruhani. Ma génération est aussi curieuse que pénible.

— Alors pourquoi cette question ? »


Ruhani l’observa fouiller dans ses étagères en dodelinant la tête. L’histoire parlait bien d’un homme, idole des morts, né avec le don de pouvoir parler aux fantômes. Elle se souvenait même de la mention du prêtre qui lui avait tout enseigné : un ramassis de foutaises que même le plus vil nécromancien ne pourrait croire.


« Pour meubler. Je crains les grands espaces vides. »


Il ne lui jeta pas un regard, imperméable et se saisit finalement d’un ouvrage au moment où Ruhani remuait sur sa chaise, le dos raide. Comment l’oracle avait pu tenir tant de temps ?


« Ah voilà. Je l’ai ! » Il s’installa lourdement sur la chaise et appuya son bâton sur le côté pour feuilleter le carnet. A l’envers, Ruhani pouvait deviner de l’ancien patois, parlé entre le Sarousan et le commun. Un langage béni par Vanilius tant chaque souvenir était systématiquement désagréable. Il marmonnait des mots sans aucun sens, lisant en diagonale avec son monocle fermement tenu. « De cuivre se para celui qui ne périssait plus, attisant et appelant la mort par la simple stature de son être mal protégé. Et aucun des démons, de Zalaksmilson qu’il renvoya, au Jumeau qu’il scella ne parvint à le libérer de son fardeau.

— Il n’est pas affaire de broche.

— Mais il est mort embroché.

— Si tous les hommes morts embrochés après avoir échappé à la mort sont des légendes de Vanilius, nous allons devoir agrandir les archives. Non pas que ça me dérange, entendons-nous.

— Enfin, prêtresse, pourfendu a été dit pour chaque ennemi et lui : embroché. Ce n’est pas un hasard. Fend-la-mort n’avait pas une broche mais une médaille. »


Ruhani se contenta de lui lancer une mine dubitative. S’il fallait accepter qu’une médaille soit une broche, cela paraissait hautement plus probable qu’un homme mort embroché en armure de cuivre ait en réalité porté une broche.


« Comment le confirmer ?

— Je vais l’étudier et en faire un ouvrage ! Voilà une riche idée, vous serez cité, bien sûr. Dans les remerciements. »


La prêtresse termina son verre et le déposa sur la table dans un poc victorieux.


« Hélas, le Temple de Danava tient à avoir le rapport le plus complet possible à son sujet et le plus tôt que Willanjis le veuille. En attendant les remerciements, vous n’aurez qu’à me donner le résultat de vos inspections. » Il plissa les yeux et Ruhani lui rendit son regard, quoiqu’intimidée par sa stature, elle n’en montra aucun signe. « Je pourrais vous aider à l’écrire, si vous le désirez. »


Elle avisa la boîte puis lui adressa un sourire avant de quitter la salle des archives. Le berger avait pris de l’âge, et s’était mué en un terrible voleur de trouvailles, ce dont elle ne se serait pas souciée, si sa volonté de devenir suaire à son tour n’en dépendait pas.

Ruhani

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Temple de Vanilius

Aude

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