Le Venin
Texte de Kyanite
Le miroir aquatique lui renvoyait son reflet, ses longs cheveux blonds qui étaient passés proche du sacrifice pour se voir libérer des griffes d’un de leurs nouveaux ennemis. Il passa machinalement ses doigts fins au travers de ceux-ci, quelques gouttelettes venant accompagner son mouvement.
Il s’attarda un instant sur ses yeux, noisettes, changeants, rieurs le plus souvent et brutalement expressifs en cet instant, sa peau mate sur laquelle roulait quelques gouttes.
Mais surtout, son sourire. Le plus souvent charmeur, parfois moqueur, plus rarement sarcastique et froid. Son corps tout entier s’était crispé mais il avait opté pour aimable et amusé. Décomplexé, se laissant porter par le vent. Toutefois il lui avait fait remarquer.
Qu’avait-il dit, déjà ? Quelque chose comme « Vous avez changé Zevran. » et il a souri, lui offrant une nouvelle répartie hasardeuse selon laquelle peut-être son masque était-il enfin tombé.
Encore un mensonge, il ne soignait que trop bien les apparences, le masque c’était fissuré, mais il n’était pas tombé.
Son poing s’abattit sur son reflet. Il ne pouvait plus supporter de voir ce sourire hypocrite figé sur ce visage qui lui appartenait, une vive douleur fit tressauter ses muscles.
Elle l’avait mordue et il s’était immiscé dans sa chair
Il fit tout son possible pour se concentrer sur sa respiration, le réprimer au plus profond de lui, organiser ses idées. Il plongea pour se refroidir l’esprit, cela devait faire le plus grand bien à Mishë mais c’était aussi une manière pour lui d’exorciser ses démons. Longtemps il resta sous la surface, oubliant le monde extérieur, songeant qu’il pouvait simplement rester là, loin des tumultes dans lequel il s’était lui-même immergé.
Mais le souffle fini par lui manquer, et il dû revenir à réalité.
Il n’était pas apaisé, il était encore plus enragé.
« Déjà un, plus que trois. »
Leurs ennemis avaient déjà récupéré un artefact. Par leur faute, il avait laissé Nils convaincre Adèle et leurs ennuis deviendraient bientôt insurmontables.
Il avait fait une promesse, la regrettait-il aujourd’hui ? Il n’en savait rien. Jamais elle ne lui avait demandé quoique ce soit, il avait baissé sa garde, il avait dit ses mots.
Aujourd’hui il était rongé par la culpabilité.
Il se frayait un chemin au travers de ses veines.
Après sa mort, après leurs morts, il s’était décidé de ne plus jamais s’attacher à personne, ne plus ouvrir son cœur pour ne plus être blessé. Il s’en était rapproché, il avait apprécié, espéré, et comme bien souvent la vie ne lui avait laissé que la sensation amère d’avoir encore échoué.
Il était le seul, seul à comprendre à quel point le temps leur était compté. Qui était-elle pour eux ? S’étaient-ils jurés de la protéger ? Cette promesse il lui avait faite, il se l’était faite à lui-même, et de toutes les personnes qu’il s’était juré de ne jamais trahir, il était en tête de liste.
Insidieusement il prit le pas sur ses pensées.
Mais plus grave, encore, il avait emmené ses hommes dans cette expédition, dans les méandres de ce donjon, il n’en avait encore parlé à personne, mais il le savait. Au fond de lui il en était persuadé. Ils avaient été trahis.
Cette femme avait été envoyée par leur ennemi, parce que quelqu’un leur avait dit.
Il repassa un à un les visages dans son esprit… Qui était-il ? Lequel de ces hommes en qui il n’avait placé que quelques jours sa confiance en avait abusé pour les poignarder ? Quand il le trouverait, il lui réserverait un sort bien pire que celui de Rehnya et de Tedeus.
Lentement, il l’écorcherait, et il laisserait la pire partie de son être prendre le relais.
Il avait déjà gangréné ses pensées, maintenant il emplissait son cœur.
Il observait son reflet, il était calme, désormais.
Ses yeux dorés fixant la surface de l’eau, un fin sourire étirant ses lèvres. Il fallait enquêter, espionner, traquer, ne rien laisser paraître.
Il sauverait Livia, et ensuite il disparaîtrait de sa vie pour ne plus jamais le ressentir à nouveau.
Zevran l’avait laissé s’échapper, il était aller chercher au plus profond de lui ce qui ne demandait alors qu’à sortir, qui rôdait dans l’obscurité et il lui avait ouvert grand les bras.
A ses oreilles ce fut une douce mélodie.
Le doux son de la Vengeance.
Le Venin de la Haine.