Non-loin de l'arbre de Neth, à un ponton, une hutte apparaîtra avec un toit entièrement couvert de peinture bleutée. Celle-ci n'est autre que la demeure de Savannah.
L'extérieur ne paye guère de mine, comme la plupart des huttes, mais en pénétrant à l'intérieur un bourdonnement magique d'artefacts entassés vous assaillera de toutes part... Puis, deux divans aussi rembourrés que confortables vous révéleront l'influence de l'Astre qui vit en ce lieu - pour avoir réussi à les faire descendre jusqu'ici.
Des verres aux joailleries plus onéreuses les unes que les autres seront remplis en votre honneur par l'Astre qui se faufilera de chaque côte des teintures qui couvrent chaque espace disponiblke de la pièce et autres rideaux dont le velour richement brodé fascinera quiconque connaît le prix des textiles.
D'aucuns vous parleraient de la légende de l'Horloge de Savannah, mais sans jamais évoquer les termes.
Entre les tentures, une silhouette féline émergea, elle avait délaissé son habituelle capuche qui protégeait le sommet de son crâne en faveur d’un drapé en soie, la friction avec son pelage provoquant un murmure à chacun de ses déplacements.
Elle écarta la tête, profitant des trompe-l’œil de ses appartements pour surgir derrière la griffe qui s’était faufilée après quelques mois d’absence. Ce n’était pas que l’Astre ne s’en souciait pas, elle ronronnait intérieurement à l’idée de pouvoir retrouver les oreilles de lunes, simplement elle n’était pas pressée.
L’astre était rarement pressé par quoique ce soit à l’exception de ses envies, une vie guidée par les jours qui s’enchaînaient les uns après les autres, ce qu’elle ne trouvait pas dans cette vie serait présent dans la suivante. Et elle savait qu’elle retrouverait les croissants de lune.
"Savannah ? Je suis de retour."
Elle continua d’avancer à pattes de velours, protégée dans sa demeure qui, loin d’être un bastion, accueillait chaque membre de la Nébuleuse comme son propriétaire, balayant d’un revers de patte la notion d’appartenance en poussières.
« Bonjour, Jill. » Un sourire étira ses crocs alors qu’elle continuait d’avancer dans son dos, un sourire étirant ses babines. Sans lâcher du regard la silhouette à nouveau retrouvée.
L’enchantement avait repris, pourtant elle n’avait jamais pu lui répondre « Enchantée. » En fixant le fond de ses yeux, Savannah avait reconnu une part d’elle oubliée, la même flamme. Neth les avaient guidées sur le même chemin et les guideraient encore. Qu’elle ne reste qu’un instant ou pour plusieurs jours, qu’importait.
« As-tu fait bon voyage ? »
Elle laissa glisser sa phrase de ses babines en chatouillant du bout de ses griffes l’épaule de son invité ici chez elle jusqu’à s’installer sur l’un des divans, après l’avoir dépassée, dans un prélassement tout à fait félin.
Jill ne s'était jamais attachée à un endroit, bien trop éprise de sa liberté elle allait et venait, laissant derrière elle des proches pour certains dans l'attente de son retour, d'autres ne s'imaginant ne la revoir qu'au détour d'une rencontre fortuite. Certains demeuraient dans les habitudesde Jill, par égard et affection qu'elle éprouvait pour eux : Les Thaumaturges, principalement Lucinda. Mais aussi Gabrielle, les deux bougies qu'elle espérait toujours retrouver à chacun de ses retours dans la capitale. Mais depuis plus d'un an à présent, par la volonté de Neth et la grâce du destin, Oreilles de Lunes avait retrouvé dans cette vie les étoiles dont elle avait assurément fait partit dans une autre, celles qui brillaient dans les nuits de la Capitale : Les membres de la Nébuleuse. Elle avait autrefois craint de les perdre, une plus que les autres, celle qui illuminait son ciel lorsque ses pensées se tendaient dans sa direction, une étoile jumelle qui rien ne saurait séparer d'elle, ni les morts, ni les vies. Une âme jumelle, soeur, que Jill se faisait un plaisir de retrouver, après tout ce temps passé loin d'elle, à vagabonder au delà des confins d'un rêve d'utopie transformé en cauchemar par quelques représentants d'un peuple qu'elle craignait autant qu'elle haïssait aujourd'hui : Les Léonins.
Lorsque le rêve avait été sauvé par Jwill et ses compagnons, elle avait pris la décision de se concentrer à nouveau sur elle, sur ses proches, sur ses frères et soeurs de la Nébuleuse et de la fraternité. Gabrielle avait raison, ses dons n'avaient pas vocation à sauver le monde, ce n'était pas sa responsabilité. Elle avait une mission qu'elle n'avait toujours pas honorée au sein de la Nébuleuse, elle devait retrouver un livre, et elle le ferait.
... Mais avant ça, elle devait retrouver celle qui lui avait fait découvrir la chose la plus délicieuse qui soit : Les divans.
A mesure qu'elle progressait dans le Domaine de la Nébuleuse un sourire étira ses babines, son regard vif se mit à illuminer ses yeux dorés, Jill ne se sentait aussi bien à aucun autre endroit qu'ici. Elle n'avait aucune maison au Domaine, comme nul par ailleurs, pourtant elle se sentait chez elle ici plus qu'à n'importe quel autre endroit, à l'exception peut-être des pattes de Gaby. Elle pénétra dans la hutte de l'Astre, s'humidifia les babines et tandis qu'elle s'approchait avec nonchalance des divans, les moustaches frétillantes d'impatience, les yeux pétillants, elle prononça un nom qui lui semblait toujours rouler doucement sur la langue comme une caresse : "Savannah ? Je suis de retour."
Le sourire dans sa voix était l'une des choses les plus authentiques que Jill portait sur elle.