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Phase décroissante
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Pleine lune
18.2°C
Partiellement nuageux
4.1°C
Couvert
[Claire] Les yeux de sang
Texte de Ràlas
Une nuit noire, sans lunes. Elle sera la dernière. Ses pas empruntent la voie de sa volonté, la cape couvre son chef, aux couleurs de ses iris, sauvage comme l’enfant. Bercé par la nuit, le Rossignol s’approche. Guidé par la nuit, des souvenirs ou des rêves, il viendra. Aucun loquet ne suffira, le Rossignol trouvera sa voie. Les yeux de sang se poseront sur les gardiens de la cage, et leur force ne saurait aller à l’encontre de sa volonté. Cette nuit sera la dernière, le Rossignol ouvrira la cage et emportera l’oiseau. Il l'emmènera et lui rappellera comment voler.
Les yeux de sang se posèrent sur la jeune fille, écroulée sur la table, la tête couchée sur ses bras, eux-mêmes reposant sur d’innombrables morceaux de papier, le regard perdu entre l’inconscience et la réalité. Elle observait la cape sans la regarder, comme si elle avait été consciente de sa présence, sans se rendre compte qu’elle l’était réellement. Elle-même ne croyait pas vraiment en la réalisation de ce qu’elle avait écrit. Au milieu de centaines de feuilles, ce morceau-là semblait avoir inquiété ceux qui l’avaient retenu ici. Au milieu de centaines de récits écrits par une enfant hallucinée, quelles étaient les chances pour que tout cela ne soit dû qu'au hasard ?
La cape s’approcha de l’enfant, et cette dernière préféra éviter une réponse dont elle ne comprenait pas les implications. Une main gantée redressa lentement la jeune fille contre la chaise, sans qu’elle ne réagisse vraiment. Les yeux de sang se tournèrent vers l’encensoir, dans lequel les restes de feuilles rouges séchées laissaient encore échapper quelques émanations de fumées. Le regard revint sur l’enfant droguée, avant de se diriger vers l’armoire, puis ses pas ne l’y guidèrent. La cape en ouvrit les portes et en observa le contenu. Les feuilles rouges séchées furent entassées dans un sac en toile de jute que la cape renfila en bandoulière avant de s’approcher de la jeune fille.
« Je ne sais pas si tu m’entends, mais je vais t’emmener avec moi, loin d’ici. Je ne sais pas ce qu’ils t’ont fait, mais quelqu’un t’aidera. Tu n’auras plus à subir tout ça. »
Après un court instant à attendre une réaction qui ne venait pas, la cape rouge attrapa doucement l’enfant pour l’installer sur son dos. Sans le savoir, les yeux de sang emmenaient avec eux l’oiseau libéré de sa cage. Aucune porte ni aucune force n’avait pu l'en empêcher. Alors qu’elle laissait les corps des gardiens derrière elles, devant s'étendait une nuit noire, sans lunes. L’enfant souriait, elle savait que bientôt, grâce à cette cape, elle se rappellerait comment voler.
« Tu es le Rossignol.
-Qu’est-ce que tu marmonnes ? T’es enfin de retour ? »
Un silence seul accueillit ses questions, alors la cape continua simplement sa route dans la nuit.
« Je m’appelle Aurore, et toi ? »
À nouveau, la nuit seule répondit à la cape, jusqu'à ce qu’une faible voix n’émerge enfin, après un temps.
« Claire »