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Blizzard de Vengeance
Texte de Kelora
17 persu 1107 - Journal d'Elena
Et voilà, voilà les derniers souvenirs que j'aurais des sarosans. De cette communauté que j'aime. Le seul souvenir en sera cela. Non pas que je me plaise à en juger le résultat, que cela fonctionne serait le strict minimum, je ne peux accepter les pavés sanglants du chemin pour y arriver.
Je n'ai jamais cru les reproches de Ghendry et de mon père sur les Éphémères. Je n'ai pas cru lorsqu'ils me parlaient de leur avarice que les Éphémères ne vivaient que pour détruire le monde sur lequel ils existaient.
Non, jamais.
Aujourd'hui, pourtant je doute, quel bien cela apportera-t-il que de paver le monde de guerre et de sang, faire par la peur ce qui pourrait être induit par autre chose.
Tenir en respect plutôt que de l'inspirer, un chemin plus rapide mais plus coûteux. Il désire un monde de paix pour sa descendance, il souhaite unir. Mais les idéaux bâtis sur des squelettes, perdent leur valeur. On oubliera, de la reconstruction de Sarosa, tous les membres qui en furent acteur, pour ne voir que le Conquérant. S'il réussi. Car ce n'est même pas là une évidence.
Je ne peux continuer mon deuil, leur souvenir est terni par cette folie de conquête. Ses enfants, iront-ils mourir pour les volontés d'un autre ? Combien de peuples souffriront de son idéal d'union ? Le dernier souvenir de Helstave, ses héritiers et son épouse s'envolera sur un bûcher et je resterai là. Incapable de vieillir comme eux. De pouvoir profiter d'une brève mais enrichissante vie. Je suis condamnée à être spectatrice de ce qu'ils feront. Willanjis et Vanilius se rient-ils du malheur qu'ils engendrent ?
Bien sûr, ils s'en réjouissent. Torturer les âmes de toute leur aigreur est ce qui les anime.
Qu'importe le reste. Qu'importe qui l'a mérité ou non, car si cela avait été juste, je ne leur aurais pas survécu. Pourquoi ma vie est-elle si longue quand la leur se meurt en un clignement d'œil ? À peine le temps d'enfin les apprécier que leur corps se fait bouffer par les vers et que la guerre d'un autre vient leur demander de se sacrifier.
Je ne participerai pas à cette guerre. Hors de question que je traque ces peuplades pour le compte d'un conquérant. Je m'y refuse, car qu'il échoue ou qu'il réussisse n'a aucun importance, la guerre est un échec par son essence même.
Pour autant, j'ai que trop vu la mort, j'en suis lasse de voir les gens que j'aime être arrachés par Vanilius. J'ai essayé. J'ai essayé d'être bonne et juste, de profiter de ces instants que nous avons arraché aux griffes de Vanilius.
J'ai essayé, mais j'ai raté. J'ai l'impression que de plaies que rien ne peut refermer, mon sang, mon envie et tout ce qui fait de moi Elena se répand.
Je refuse d'être spectatrice, je refuse d'y prendre part, je refuse d'essayer pour mieux me blesser ensuite. J'ai assez enduré pour toute une existence, de leur souffrance, parfois plus douloureuse pour moi que pour eux, quand c'est l'oubli qui vient les frapper. Quand leur esprit se meurt en laissant une coquille vide de souvenirs, régressant tout ce qu'ils furent.
Je devrais accepter leur guerre, car elle est raisonnable, mais irraisonnée. Et si je ne l'accepte pas, c'est ma race. C'est parce que je ne suis pas humaine, pourtant j'aurais préféré. Ils avaient quelque chose de réel. Aujourd'hui, ils ne sont rien de plus que des monstres avides de gloire et de pouvoir.
Je croyais en eux, pire encore, je les aimais. Et Willanjis a détruit cela. Il a souillé l'ultime image que j'avais de l'humanité. Je la tuerai, pour me libérer de lui, j'en étranglerai jusqu'à la dernière trace. Je ne veux plus avoir à subir ses affres. Je ne voulais pas être égoïste, me souvenir d'eux était la dernière chose que je puisse faire.
Mais s'il faut me souvenir de tant de souffrances, autant qu'ils en vaillent la peine. Et ce n'est plus le cas. Ce sera la dernière fois que j'écrirai, tu n'es qu'un terrible souvenir qui me hante chaque jour. Un cruel rappel du temps qui passe dont je n'aurais plus besoin. Viens ma nouvelle existence, sans humains, et puisque les dieux ont lié la mort à mon être, que je suive leurs volontés et qu'ils paient le prix de la guerre des hommes.
Je ne peux me venger d'eux, car je vois dans leurs yeux tous ceux que j'ai chéri. D'autres sont tout aussi maléfiques et je n'aurais aucun remords à faire ce qui doit être fait.
Que périssent les monstres, et que la mort soit dans mon sillage, comme elle l'a toujours été. Mais cette fois, je ne serais pas une spectatrice subissant. Et le seul moyen de ne plus être la victime est de devenir le bourreau.
Mon unique désir n'a jamais été que d'être comme eux, et que Narthe m'en soit témoin, cela m'est impossible. Je vengerai les hommes, et moi. Adieu journal, que ces pensées ne soient jamais révélées.