L'eau et le poisson

« Tu mias vaincu Meln… t- tu deviens le nouveau dieu de la pêche, concéda une voix virile.

– Miahahah ! C’est effectivement l’heure de prendre ta retraite Zandaros mais il te reste encore les eaux, l’amour et la vérité, répondit un shaamah en état de grâce, ne sois pas si triste !»

Ce dernier tenait dans sa patte une truite d’or et dans l’autre une canne à pêche. Derrière lui se trouvait une gigantesque montagne de cette même espèce. Il était visiblement très fier de lui et faisait face à un autre shaamah, d’âge mur celui-ci, barbu et très musculeux qui était doté d’un trident menaçant. Derrière lui se trouvaient trois malheureuses truites qui expliquaient son air abattu.

Le sentiment de devoir accompli s’emparait de Meln à mesure qu’un sourire béat se glissait sur ses babines.

Les rêves sont toujours fascinants. D’un point de vue externe, Meln était allongé sur le côté, légèrement sur le ventre. Son oreiller à hauteur de poitrine sur lequel reposait également sa tête était étreint avec tendresse et abandon entre ses pattes. Seul le sourire béat transparaissait, laissant penser que le confort de l’auberge karasane après une dure traversée du désert était la meilleure chose au monde.

Ses oreilles frétillèrent un court instant et ses paupières s’ouvrirent. Il jeta de brefs coups d’œil à sa chambre, largement éclairée par le soleil matinal, en attendant que sa conscience ne revienne à lui.

Son sourire était resté lorsqu’il réalisa la situation. Aussitôt son air redevint sérieux et il soupira.

Il repensa aux quelques bribes de son rêve dont il se souvenait encore.

« Ça n’a vraiment aucun sens », déclara-t-il en secouant sa tête.

Cela ne l’empêcha cependant pas de penser que ça lui conviendrait tout à fait si les choses étaient amenées à évoluer de la sorte.

Karasa éveillait des souvenirs en lui. C’était une ville qui lui avait fait oublier la pêche, à lutter pour sa survie, empêtré dans des histoires de tapis.

La pêche était sa passion mais elle était, par la suite, devenue plus que ça : un art de vivre. En repensant à ces épisodes il remit en question la raison de sa distanciation passée. Etait-ce vraiment car il n’avait plus le temps ?...

Il pensa intensément avant de se souvenir qu’il n’y avait pas de poisson en plein milieu du désert.

« Ca doit être ça… , conclut-il.

Au bout de quelques longues secondes écoulées à s’assurer que tout était logique, il en en vint à la conclusion inexorable que non.

« Mais je ne suis pas parti à l’aventure pour pêcher ! L’aventure ne finit jamais… et la pêche est une aventure.

...

Tout compte fait il vaudrait mieux que je cache ma progression de Zandaros et que je ne gagne jamais. »

Les pensées étaient comme l’eau s’échappant d’un pot en argile fissuré ; aussitôt un trou bouché, un autre laissait s’échapper le liquide. Voulait-on être un pot solide pour autant ?

« … mais à ce moment là il faudrait que j’invente un système de moulinet. »