

42.0%
Phase croissante

91.1%
Phase croissante


14.1°C
Partiellement nuageux


1.3°C
Couvert
Le quotidien
Texte de TeTrOs
Nava dernier j’ai trouvé un travail. Les de la Bruyère embauchaient des balayeurs de rue ; ce n’est pas très bien payé, mais je suis logé. Il parait, de ce qu’en disent les autres, qu’ils y gagnent en attirant plus de monde dans la capitale.
Mon père m’avait souvent dit que balayer rendait intelligent, alors j’ai accepté. Il me manque un peu maintenant que je suis parti de la ferme. Mais peut-être était-ce parce que j’enviais surtout ces érudits de Proncilia au fond de moi.
Le marché se termine bientôt, je vais encore devoir ramasser ce que tous ces ingrats vont laisser trainer : matériel cassé, fruits pourris et autres immondices.
Ah, je suis dur, j’ai aussi trouvé quelques pièces de cuivre l’autre jour. J’espère que ça sera aussi le cas cette fois.
…Je me suis encore réjoui trop tôt, les première gouttes sont là, à crépiter sporadiquement sur les pavés. Elles aident à les lustrer mais rendent le travail bien plus pénible car la poussière colle au balai par endroit seulement et ne suit plus mes mouvements.
Bien sûr il ne pleut pas suffisamment pour tout emporter dans les rigoles, alors je continue.
Mon dos me faisait un mal de chien le soir des premiers jours, mais maintenant ça va mieux. J’étais pourtant habitué à soulevé lourd mais là… c’est différent. Je fais des efforts sans vraiment pouvoir me défouler, ni me reposer. La tâche est juste comme ça… répétitive.
J’ai testé plusieurs postures : les premières me donnaient l’air du plus acharné des travailleurs, les secondes se sont progressivement adaptées à ce que j’étais capable de maintenir.
Celle que j’adopte en ce moment est la plus supportable, celle que j’appelle du « balayeur assimilé » : buste droit, petits mouvements latéraux des branchettes sur le sol de façon à paraitre détaché de la saleté que je manipule.
Les gens me croisent, certains me dévisagent, y compris parmi mes co-balayeurs, la plupart sont indifférents. Mon visage s’indiffère à ces stimuli, mon esprit s’aiguise. Je commence à bien connaître la capitale, je l’ai scrutée de plusieurs professions.
« B’jour M’dame ! La bonne journée ! » lançais-je de temps à autres pour me distraire.
Moi, Démonio, obtiens souvent des réponses.
A pousser mon petit tas de poussière qui grandit toujours un peu plus vers le Weane, je me surprends à sourire. Le vent fait s’en envoler une partie vers des hauteurs que je ne visualise plus. Ma main en visière pour me protéger des quelques gouttelettes, je scrute le ciel et j’imagine cette poussière encore volatile se poser sur la tête de ces gens absents de la réalité.
Il fait froid, mes doigts se dessèchent, mes mains s’engourdissent comme mes pensées. J’ai cependant l’habitude de l’effort. Il fait partie de moi, cela n’a pas changé.
Parfois je me demande si j’ai bien fait de quitter les champs.
Je pense quelquefois à ces hauteurs tempétueuses qui acheminent la poussière. Je pense quelquefois à cette frénésie des Hommes. Je prends le temps de balayer devant moi. Je prends le temps de m’oublier mais de me sublimer à la fois.
L’éternité surgit çà et là.