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Nelly raconte sa vie au coin du feu

Nelly raconte sa vie au coin du feuTexte de Kelora
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Texte de Kelora

Installées dans le salon de Brida, son verre aussi pétillant que son regard, elle s’en abreuva d’une gorgée comme moi de ses yeux. « Je ne m’arrête plus de parler. » Son ton rieur releva un sourire sur mes lèvres, pouvait-elle ne jamais cesser que j’en serais satisfaite. « Tu ne m’as jamais raconté. » Je laissai le liquide tourner dans mon verre, pensivement. La question qui finissait toujours par venir, le temps de conter et narrer ce que chacun appelait son histoire. Laquelle ? Les yeux à demi-clos, j’appuyai la tête sur le haut du fauteuil.


« Je ne sais jamais comment répondre à ça, soupirai-je, offrant mon visage à la chaleur du feu qui crépitait à ma gauche.

— Avec tes maux, rétorqua-t-elle, rien de plus compliqué, par le début.

— Par le début, lequel ?

— Ton premier souvenir.

— Ah. Je me souviens d’une fosse, gigantesque. Dedans, des créatures monstrueuses, chimères démoniaques d’anciennes lignées de démon. Là-bas, la lave était alors la seule chose qui bougeait. Ils s’étaient tous figés. » Je bus une gorgée, les bulles éclatèrent sur mon palais. « Puis les affrontements. »


Je finis par tourner la tête vers Brida, l’accoudoir du fauteuil sous mes doigts me semblait solide. Son expression, les sourcils froncés et ses lèvres pincées me fit monter un nouveau sourire.


— Quand ?

— Je ne sais pas. Pas cette vie. » Son trouble se répercuta sur son visage, pas de surprise mais plutôt l’exercice d’appréhender ce que je me refusais à dire. J’avais appris à le taire, pas à le raconter. Je me forçais à me reprendre. « Je suis née dans un village, en voyant la couleur de mes cheveux et de mes yeux, mes tuteurs crurent que j’étais maudite. Ils m’apprirent alors à le dissimuler. Ce qui ne fonctionna pas, mes cheveux même teints en bruns ont toujours poussé aussi vite. Et mes yeux quant à eux, aucune potion ne fonctionna pour en costumer la teinte de brun. »

Elle s’était installée à son tour et m’écoutait sans mot dire. Je réprimais mon malaise pour continuer le récit de cette étrangère.


« Je fus par conséquence plutôt en marge des autres enfants du village, ce qui n’était pas pour me déplaire, en vérité. Dès que je fus en âge de comprendre mes rêves, j’entamai de multiples cauchemars. Mes parents, certains que j’avais été maudite à la naissance, appelèrent divers médecins au début, puis lorsqu’ils en furent incapables, ils appelèrent prêtres, charlatans et autres mages. J’étais aussi normale que je pouvais l’être, s’ils cherchaient une maladie : j’étais en pleine forme. S’ils investiguaient sur une malédiction : je fus à chaque fois purifiée par les charlatans et bénie par les prêtres. Les mages, quant à eux, réagirent bien différemment. Les premiers prétendirent que je fus une pyromancienne de naissance à la température de mon corps, algomancienne à mon tempérament, je balayai l’air de la main, lassée comme dans ce souvenir, en somme chacun avait une solution inefficace. Mes nuits étaient rythmées par les souvenirs de la Fosse, mes jours par le fait de dissimuler mon apparence et mes soirées à entendre mes tuteurs discuter de mon cas. »


« Je ne me souviens que mal des années. Elles se noient dans le miasme des souvenirs. Tu m’en pardonneras, Brida, mais je crois que j’étais encore une enfant. Je fis la rencontre d’une nouvelle mage invitée pour trouver la solution à mon problème. A peine m’eusse-t-elle vu et entendu expliquer mes cauchemars qu’elle déclara qu’il n’y avait aucun problème. » Un sourire vint étirer mes lèvres, à nouveau. « Et que par conséquent, elle n’avait pas de solution à mon cas. Mes parents, usés par les visites… d’incapables ? C’était ainsi qu’ils les qualifiaient, se mirent à crier. Assise sur ce canapé, je n’écoutais pas tout et observait la femme. Je songeai alors à ce que je ferai après cela, ces histoires m’ennuyaient. J’avais accepté bien avant eux ma différence, comme je te le disais, je m’en accommodais fort bien. »

« La mage ne chercha à aucun moment à se défendre. Lorsqu’ils l’invectivèrent en la traitant d’incapable je sentis, pour la première fois de cette existence, le prodige de la magie. Le feu me murmura quelques paroles tandis que des éclats de couleurs que j’oubliai une seconde plus tard surgissaient derrière mes yeux. Ils furent figés, par un mouvement de la main de cette femme. Elle se nommait Sélène, elle m’expliqua ce que d’autres avaient voulu me dire sans en être capables. Sur le divan à côté de moi, mes tuteurs immobilisés durant ce qui me sembla être une heure, elle me révéla que j’étais hantée par le souvenir de mes anciennes vies. Selon elle, les anciennes vies étaient dues à des reliquats de magie, que mon pouvoir était d’exception. Sa main sur mes cheveux fit disparaître la teinture grossière que je leur appliquais. Elle me proposa de la rejoindre, pour qu’elle m’enseigne ce qu’il y avait à savoir. Ses mots me tentèrent, cela va sans dire. Je refusai. »


« Encore aujourd’hui je ne sais pas vraiment pourquoi un refus traversa mes lèvres à ce moment, je m’étais rarement sentie si bien. Dans ses yeux, l’acceptation brûlait de s’étendre jusqu’à moi, son sourire avenant était sincère. Une fois qu’elle eut disparu, mes parents libérés, nous ne parlâmes jamais plus de cela. Avaient-ils seulement entendu ce que nous avions dit ? Peut-être, ils me laissèrent tranquille suite à cela, et je commandais des ouvrages. J’avais refusé sa proposition, mais alors qu’elle me parlait et m’expliquait, loin des termes de pyromancie, d’enchantement, supposés nous restreindre dans une branche, je compris certaines choses et pu m’appuyer sur cela pour découvrir ce qui me rendait différente. »


« Je laissai tomber les teintures et de me couper les cheveux. A mesure que j’usais de magie le parme se fit lavande, je ne sais pas de quelle manière ce processus survint, mais chaque matin je me réveillai avec les cheveux un peu plus longs et plus pâles. » J’haussai les épaules, cette question m’avait taraudée, mes multiples tentatives pour en entendre la réponse furent soldées par des échecs. « A mesure que je m’améliorais, je m’en allai de chez mes tuteurs. »

Je m’interrompis, le crépitement du feu me distrayant de souvenirs qui, aujourd’hui encore, m’étaient difficile à appréhender.


« Mon départ fut étrange. Je… Enfin. Je ne sais pas vraiment ce qu’il m’en coûta véritablement, puisque je n’avais pour eux que l’appréciation que l’on a pour des colocataires et la reconnaissance de l’aide qu’ils m’apportèrent. Peut-être est-ce dû à ma propre bêtise, ou à la vie que je menai chez eux. Je ne revins jamais, ces adieux avaient suffi. Je prenais alors conscience que je devais continuer ma route seule. Quelque chose, dans cette solitude m’appelait. Cela peut paraître étrange, je l’entends, mais tout comme j’eus l’instinct d’accepter tes missions toutes plus saugrenues les unes que les autres…

— Tu ne me facilitais pas la tâche, répliqua Brida.

— Non, c’est vrai. » Je bus une nouvelle gorgée. « Je voyageais, usant de caravanes marchandes et apprenant à me débrouiller. Je compris, plus tard, que cette injonction à la solitude me créait les bases d’un tempérament solide, de ceux où l’on ne se surprend qu’en silence. Être prête à tout. C’était ainsi : je ne savais pas où j’allais, mais je pressentais que ce chemin était bon. Evidemment, combien de fois ne me trompé-je pas et dans quels déboires mon adolescence et mes jeunes années ne m’emmenèrent-ils pas ? »


« La pire fut sans doute cette fois où, en quête de magie, je m’en fus dans un village, réputé pour sa connaissance de quelconques arts occultes qui constituait la principale raison de mes déplacements. Je m’en fus et ils me découvrirent de quelconques prédispositions. Choyée comme je l’étais, je ne vis pas l’étau du piège qui se refermait déjà. Je finis préposée au sacrifice pour l’invocation d’un quelconque dieu païen, ou démon. Finalement, je parvins à m’en libérer grâce à l’action de Sélène. Je fus possédée, à la suite de cela, par une entité maléfique dont je me purifiai grâce à un Temple. »


En réalité, l’histoire avait été plus complexe, mais je préférais ne pas m’étendre, pour le moment. Plus tard, ce serait une histoire que je lui conterai, s’il fallait procéder à quelques concessions, je n’en tirai aucun plaisir. C’était trop tôt, ce risque de l’éloigner de moi était trop grand. Je marquai une pause, déposant mon verre sur la table et reprit mon récit.

« Je vécus ainsi de recherches en recherches, jusqu’à découvrir ce que je ferais réellement de mes dons, les objets portaient des histoires et je choisis d’aller là. Comme la solitude m’avait appelée, les ouvrages et artefacts le firent. Je n’aimais pas tant l’acte d’enchanter, quoique ce fut lucratif et me permis de lier l’utile à l’agréable que de révéler à tous l’histoire qu’ils portaient. »


« Puis, lorsque l’accumulation me dépassa, je ne puis me résoudre à les vendre. Il me semblait les salir, les déshonorer et réduire ce qu’ils étaient à quelques pièces. J’entamai alors de nouvelles recherches, entre vies antérieures, essences magiques, je m’expérimentai à repérer chaque once, chaque détail, tout. Je remis chacun des artefacts à leurs propriétaires. »


Brida la resservit avant de se resservir, Nelly la remercia d’un sourire et alors qu’elle se décidait à s’arrêter, l’exploratrice lui fit signe de poursuivre d’un sourire qui mêlait la curiosité à la brûlure de commenter.


« L’assemblée des mages décréta leurs diplômes, je dus alors entamer de quelconques recherches, pour favoriser ma pérennité financière. Lorsque je sus que Sélène en faisait partie, j’abandonnai et continuai en espérant que ma réputation suffise. Malgré le temps, elle semblait toujours rôder non-loin. »


« Lors de la débâcle des nains, mes recherches m’avaient menée à Ibrin, aussi étais-je déjà sur place. Je finis par leur remettre un artefact, je les suivis, trop absorbée par ce qui me poussait à les découvrir pour me rendre compte que j’étais leur ennemie. Les négociations se soldèrent par des échecs, mais lorsque je leur vins en aide, ils finirent par accepter que je le leur remette. J’appris plus tard leur défaite face à un dragon, mais mes pas m’avaient menée ailleurs. »

« Je fis la rencontre de Livia, par les Thaumaturges et œuvrait pour l’aider à affiner sa théorie, m’octroyant une information sur les artefacts et les enchantements qu’ils pouvaient recueillir pour les préserver. »


« Enfin, je remis un artefact à Lucinda. Elle m’incita à ne pas rejoindre les Thaumaturges sans vraiment me donner les raisons. Je le voulais, vraiment, ce qui fut la solitude, la méfiance de Sélène, ou tout le reste, s’imposa à nouveau à moi. A force d’insistance et avec une promesse de rester en marge, elle finit par accepter. »


« Cette expérience auprès d’eux… » Je fermai les yeux, pensant à mes frères et sœurs et à ce qui conférait notre pouvoir. « J’avais pu le voir, notre cœur, l’artefact de notre Fraternité et ce qui l’habitait était autre chose, ce qui existait en lui n’était pas l’œuvre de celle, qui je le découvrirai plus tard, avait bâti notre fraternité. La magie, méritait-elle seulement ce nom ? Cet art ancestral, venu des tréfonds de notre histoire, méritait autre chose. Je le réparai, avec l’aide de mes consœurs.

— Et tu fais toujours des cauchemars.

— Oui. » La tête tournée vers elle, je l’observai, je ne pouvais lui dissimuler cela, car dans ces instants, nous pouvions être dangereuses.

Brida Mellia

Brida Mellia

Aucune faction connue

Nelly Mellia

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