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Reprendre sa vie

Reprendre sa vieTexte de Kyanite
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Texte de Kyanite

« Mes très chers parents,

 

J’espère que tout le monde conserve une santé excellente de votre côté, lorsque vous en aurez l’occasion pourriez-vous saluer de ma part Camille et Fanny ? Je crains de ne pouvoir me déplacer à nouveau à vos côtés avant un long moment. Je me souviens de notre accord passé, mais les choses deviennent trop dangereuses ici pour que je vous mette en danger, mais laissez-moi plutôt vous expliquer ce dont ma vie est faite depuis peu.


Il remua les doigts, cherchant à retrouver des sensations qui s’étaient dissipées depuis que la maudite porte l’avait brûlé, sans succès. Une sensation que Serhan n’avait jamais connue jusqu’alors. Il eut un souffle du nez agacé. Et ils s’étonnaient, tous si heureux d’accueillir le changement qu’il n’en fit pas de même.


Un procès a chamboulé le paysage de la magie en un instant, de manière potentiellement irréversible. J’ai parfois tâché dans mes courriers précédents de vous épargner l’intensité de cette nouvelle vie, ne m’en voulez pas je vous prie, peut-être n’auriez vous pas été en mesure d’en accepter une autre version.


Une famille que notre Royaume a connu par le passé mais dont nous avons perdu tout souvenir, en cause mes employeurs de l’Assemblée, a refait surface en nous invitant dans son fort dont les ébènes gardent précieusement le secret, sur une île désolée, chaque pas et chacun de ses occupants ou presque, nous rappelant que nous sommes responsables de ne pas avoir agis. Moi plus que les autres, puisque j’ai rejoint l’Assemblée. Moi plus que les autres, bien sûr, qui ait rejoint les Serfs il y’a de ça quatre ans. On me reproche à présent de ne pas vouloir les aider. 


Comment pourrais-je vouloir réparer les erreurs que je n’ai pas commis, de ceux qui ne cessent de représenter à mes yeux une menace à peine voilée, que même les garants de l’équilibre prennent pour plus dangereuse que les Iphurnus et leurs mages noirs ? En cela, Mélusine avait raison. Ils risquent bien plus de bouleverser notre équilibre, c’est là tout le problème. Tous semblent oublier, mais Mélusine je ne puis lui en tenir rigueur, elle demeure biaisée comme tout un chacun, que cette histoire n’avait encore jusque là qu’une seule facette. Puisque la suite, loin de vous convaincre de mon point, devrait vous convaincre que Vesperae telle que nous la connaissons n’a simplement jamais existée.


Les dents serrées il contemplait la missive, disposée à côté de ses croquis, de ses dessins et de ses réflexions, d’une main il en fit tourner les pages pour mieux se remémorer les événements plus récents, pour la première fois depuis longtemps il demeurait incapable de contrôler ses pensées, emporté dans une ferveur d’écrire et transporté par une rage soudaine contre le monde.


Notre monde repose sur de fausses fondations, ce que vous croyez impérissable, comme je l’ai cru durant des siècles, ce que nous faisons, ce que nous avons bâti, tout ceci peut s’effondrer comme un château de cartes, mais cela vous n’est pas sans l’ignorer, vous ignorez encore simplement les raisons qui provoqueront l’effondrement de notre société telle que nous la connaissons.


Mes chers parents, je ne reviendrais pas. Je ne serais pas l’héritier que vous aviez espéré, confiez l’exploitation à Camille jusqu’à ce que le monde s’effondre par l’action de quelques ignorants un peu trop présomptueux et hardis. Moi je ne suis pas un héros, je ne le souhaite pas. Je ne pourrais plus jamais reprendre la vie normale à laquelle j’aspire depuis que cette malédiction s’est réveillée en moi. Pourquoi ? Parce que j’ai acquis la conscience que le monde repose plus souvent qu’on ne le croit sur les épaules de cinq inconscients mortels, d’un pile ou face chanceux qui pourrait condamner Vesperae aussi simplement que l’ouverture du mauvais coffre.


Que des entités insoupçonnées pour lesquelles je travaille aujourd’hui, vivent depuis la nuit des temps et complote quand nous mourrons chaque jour que les dieux font.


Comment croire à un quelconque équilibre du monde quand ces individus frôlent les mêmes parcelles terrestres que nous ?


Père, mère, je suis un mage, ce foutu pouvoir me condamne.


Puisse les De Trencavel l’emporter, comme le souhaiterait Mélusine, elle est aussi complètement inconsciente que les autres de ce que sa famille serait capable de faire une fois avec le pouvoir, ainsi peut-être trouverais-je enfin la tranquillité, loin du service obligatoire aux magnats du pouvoir. Et demain John le boulanger aura des branches sur lesquelles les oiseaux viendront se poser, mais ne vous en surprenez pas. C'est le changement souhaitable.


Par ailleurs je le souhaite de toutes mes forces, je ne veux plus de ses pouvoirs que je demeure incapable de comprendre, puisqu’ils ne me veulent pas non plus. J’ai contemplé mon reflet, j’ai accepté mes travers, pourtant il se refuse encore à moi, qu’avez-vous à dire de ça, Concilière ? Poursuivez vos efforts ? Balivernes. 


On ne maîtrisera jamais vraiment la magie, nous sommes incapables de comprendre la plupart des choses qui nous entourent, pourquoi en serait-il différent d’une force si primaire ? Les De Trencavel ont raison à ce sujet, mais ils ont tort sur un autre point, ce n’est pas en nous plongeant dans l’éther jusqu’à en mourir, qu’on devient plus proche de son mana, quand je vous regarde la seule brèche que je constate c’est la fracture de l’esprit.


Les mages m’effraient par leur démesure, vous savez ? Ces gens qui ne s’étonnent plus de la moindre prophétie, qui ramassent les objets maudits ou enchantés dans la plus grande insouciance, considérant que le destin les a placé là pour celui qui l’observera. Cyrha est à part, d’une certaine manière, elle ne doit pas son insouciance à la magie, mais je crains qu’un jour elle soit plus proche des leurs que des nôtres, d’une certaine manière elle l’est déjà. Jusque là notre différence n’a jamais joué contre nous. Puisse le futur me prouver qu’elle conservera une part de raison, parce que c’est tout ce que j’ai dans ce paysage étouffant sur fond de mise en garde de fin des temps.


Les sept, les huit, les ombres, les ébènes, les calices, les Mères, tout leurs semblables, ceux qui hantent mes nuits aussi sûrement que les hurlements de ceux qui rôtissent des mines de Minghelle aux grottes de Gathol.


Je ne reprendrais jamais l’héritage familial. Je suis des leurs et plus des vôtres. Je ne peux rien y faire.


Mais j’en suis désolé.


Le parchemin s’était enflammé sous ses doigts, réduisant à néant l’effort d’écriture qui ne l’avait pourtant pas détendu, et d’un souffle il avait dispersé les braises.


Dans la nuit, alors que le sommeil avait fini par apaiser un corps agité, il avait cru rêver les mots ne lui appartenant pas qui avaient effleuré la frontière de sa conscience « Pardon ».


Pourtant au réveil il n’aurait que ce mot sur le bout des lèvres en contemplant ses doigts calcinés par la magie.


Serhan Mandrovin

Serhan Mandrovin

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