Rivière Pourpre

Aleister progressait dans une mer de sang. Il n'avait aucun souvenir de comment il s'était retrouvé là, il ne s'était même pas posé la question.

Il marchait.

Il marchait parce qu'il savait que c'était la seule chose à faire, continuer son chemin, toujours regarder devant soi, ne pas se soucier du sang qui lui arrivait désormais aux genoux et l'empêchait de progresser à un rythme rapide, qui tâchait ses vêtements, le rendant poisseux et sale.

Continuer à marcher. Le long des couloirs de pierre de l'édifice qu'il avait reconnu sans mal il les avait aperçu, du coin de l'œil, jamais il n'aurait du regarder. Ils étaient là, ils l'observaient, le jugeaient.

Des elfes, des humains, des shaamahs, sales, attachés aux parois du Manoir, ils le détestait, ils usaient le peu de salive qui leur restait pour cracher sur son passage.

Il ne s'en souciait plus, il voulait sortir d'ici, sortir à tout prix, marcher plus vite. Toujours plus vite.

Son corps faiblissait, ses mouvements ralentissait, combien d'heures avait-il passer ici ? A marcher tout droit ? A l'horizon une mer de sang qui ne cessait de s'étendre.

Il s'arrêta pour se reposer, un instant, il baissa la tête pour ne pas avoir à affronter leurs regards, et c'est là qu'il les vit. Les corps.

Flottants à la surface. Il chercha à fuir leur vision, mais il y'en avait partout, des centaines, flottants à la surface dans une rivière pourpre.

Il se mit à courir, courir aussi loin qu'il pouvait, aussi longtemps qu'il le pouvait. Il entendait leurs voix se répercuter dans sa tête, des hommes, des femmes, des enfants.

Tu es un monstre...

C'est ta faute...

Un Iphurnus...

Tu n'es pas à la hauteur....

Tu ne le mérite pas...

Son sacrifice...

Ils se sont sacrifiés...

Pour toi....

Tu n'es pas à la hauteur

Tu es faible...

Tu ne mérite pas leurs sacrifices...

...Mage noir...

- LAISSEZ-MOI !

Il hurla. Il hurla encore plus fort quand ils se saisirent de lui, tentant de l'entraîner sous la surface liquide, il se débattait, incapable de s'en défaire, leur voix continuant à le hanter, quand bien même il était désormais entrain de se noyer.

Tu ne mérite pas leurs sacrifices...

Il réussi à se débattre, à sortir la tête de la mer rouge, reprenant son souffle, cherchant l'air, son regard encore flou perçu alors sa silhouette. Il se tenait face à lui, il le toisait, alors que sa vision redevenait claire il reconnu ses traits, il était déçu. Il l'avait déçu, encore une fois.

Les mots de son aîné arrachèrent un gémissement à Aleister.

Tu n'es pas à la hauteur. 

Les mains se saisirent à nouveau de lui, lui susurrant qu'ils étaient morts en vain, qu'ils étaient morts à cause de lui.

Et c'est en hurlant qu'il se réveilla, tremblant, en sueur, mais toujours en parfaite santé dans les locaux de la Commanderie.