top of page

Deux Bougies

Texte de Kyanite

Tournée dans son lit elle l’observait, le visage niché contre les draps elle prit une profonde inspiration, s’appropriant encore une fois le parfum délicat de leur amie, a cette seule pensée son corps se détendit, même à des lieux d’ici elle conservait le même pouvoir, celui d’apaiser quiconque, de mettre des mots sur vos maux, elle n’était pas Vanilius mais de son vivant elle l’avait vu plus souvent réussir à apaiser le tourment des âmes.

Les lueurs dorées dans l’obscurité continuaient de l’observer, paisible pour l’heure, cela ne saurait durer avec la nuit qui les attendait, mais peut-être que les coups et la fatigue suffiraient à alléger la malédiction qui pesaient sur eux, elle l’espérait.


 Son regard s’attarda un instant, songeant à sa découverte, un sourire étira lentement ses babines, provoquant une douleur lointaine dans sa mâchoire qu’elle ne releva pas, encore trop anesthésié par les herbes… médicinales.

Elles avaient encore beaucoup de choses à se dire, mais encore plus de temps pour le faire, ça en tout cas elle l’espérait.


Incapable de trouver le sommeil, en proie à l’angoisse des mauvais rêves, elle glissa en dehors des draps, s’avançant avec délicatesse sur les planches, semblable à une noctuelle, flottant presque, elle qui était pourtant du Renard, ses iris dorés attirés inexorablement par les flammes, toute sa vie elle l’avait passée à prendre ce qu’on lui refusait quitte à se brûler.


Ses jambes s’entrelacèrent devant elle, ses pattes vinrent rejoindre ses cuisses et elle prit le temps de se retrouver seule, non pas avec le monde, mais en tête à tête avec elle-même.


Elles étaient deux bougies.

L’une d’elle brillait faiblement, parfois même sa flamme chancelait, l’air pouvait bien la faire frémir mais elles s’en assuraient elle ne s’éteindrait jamais.

Sa patte effleura presque sa surface, sa chaleur était douce et réconfortante et celle-ci lui arracha un soupire, alors que ses pensées vagabondaient vers sa sœur de destin, elle se sentit à nouveau les doigts fermés sur l’éclat, un lent sourire se dessina de nouveau sur sa gueule, d’une tendresse qu’elle avait rarement atteinte en d’autre cas. Parce que c’était là le pouvoir de son amie.


Puis ce fut un frisson qui la parcouru alors que les mots lui parvinrent à nouveau en mémoire : « Elle me fait penser à vous. »

Offusquée aurait été le mot le plus approprié, flattée aurait été le plus juste. Elle ouvrit les yeux, eu un souffle, et ses yeux s’écarquillèrent en constatant qu’elle avait fait bouger la flamme, elle avait dû se retenir de ne pas se précipiter en avant pour lui porter assistance.


Il s’agissait d’une bougie, Jill, ne sois pas si ridicule.


L’autre était vivace, incandescente, sa flamme ne chancelait pas, elle ne faiblissait pas, presque jamais elle ne baissait la garde. Les rares fois où cela arrivait étaient trop dangereuses pour ça, quand le drame se produisait c’était l’autre flamme qui perdait un peu de son éclat et jamais elle ne se le permettrait, parce que jamais elle ne se le pardonnerait.

Elle ne vivait que pour la voir briller, jamais ou presque le commun des mortels ne l’avait connue autrement, elle s’était trouvé une raison de continuer à brûler, et la seule autre option serait de tout consumer.


Elle n’en approcherait pas sa patte, elle le savait, parce que Gabrielle ne vous réchauffait pas seulement, elle vous brûlait.


A nouveau il se dessina sur sa gueule presque naturellement, ce soir lui avait rappelé. Au fond d’elle, elle avait palpité, ce qu’elle avait vu dans le regard de Gabrielle à l’évocation de la Mora, celle qu’elle avait nourrie à Abheleim, qu’elle ignorait mais qu’elle n’avait jamais cessée de porter.


S’il trouvait qu’elle se battait bien, c’était grâce à elle. Grâce à sa Haine.

Elle l’ignorait sans doute, mais Daredjan avait sauvée Ismérie d’Abheleim, elle avait éveillé en elle la seule chose qui pouvait la protéger de sa différence et de leur violence.


Les babines retroussées, les crocs étincelants à la lueur de la bougie, elle se remémora quelques souvenirs d’une époque qu’elle ne savait pas si révolue.


Plus elles avançaient, plus le chemin lui paraissait sombre, mais comme elle l’avait si bien dit, c’est dans l’obscurité qu’elles brillaient le plus, les nomades couvertes d’or, d’une certaine manière, déjà les enfants des ombres.

Après plusieurs minutes ses pas la portèrent jusqu’à la fenêtre et sur le rebord elle déposa les deux flammes.


Le regard plongé dans les étoiles, l’Iris Lunaire pendant à son cou, elle exprima sa requête à la Gardienne des nuits.

Elles étaient liées. Elle le savait, mais l’Astre lui avait permis plus que jamais de le comprendre, elles ne s’étaient jamais vues avant, mais elles étaient liées, et en elles, Jill sentait la même flamme y briller.


Son beau-père était membre du Temple, mais pour autant elle ne savait pas prier.

Alors à sa manière si singulière, Oreilles-de-Lunes adressa sa litanie à la nuit puis avec simplicité elle se livra à elle.


« Veillez sur elles. Je ne veux pas être seule. »

Gabrielle - Daredjan Shanley

Gabrielle - Daredjan Shanley

Faern'aral

Lucinda

Lucinda

Thaumaturges

  • Logo-forumactif.png
  • Logo_Discord_2015
bottom of page