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Le Chariot du Nabot

Texte de Kelora

C'était un petit chariot, mené par un cocher qui dirigeait deux juments à la robe baie, à l'encolure épaisse et à l'air docile. Le chariot, quoique ancien présentait par bien des aspects tout le confort que l'on réservait habituellement aux riches gens. Le toit, formant des arabesques, se refermait sur deux portes latérales. Agrémentées de fenêtres mais également de rideaux épais, dissimulant aux regards indiscrets les voyageurs.


À l'arrière, porté par des roues plus grandes, l'on retrouvait un coffre supposé accueillir en son sein les affaires de voyages.


Les montures lancées au petit trot, qu’elles pouvaient conserver des heures durant, chahutaient le chariot dont les roues se heurtaient à toutes les aspérités de la Grande Route, artère qui traversait le pays.


Venant tout droit du Sud, ils avaient dépassé le château royal depuis quelques heures.


Le cocher finit par marquer une halte, cela faisait une éternité qu'il sentait chaque pierre heurter la même roue et, rigoureux d'un travail correctement effectué, ressentait autant le besoin de marcher un peu que de s'acquitter des vérifications de routine. L'homme, n'était pas bien grand, il compensait ce qui lui manquait en taille par une morphologie trapue. Avec une vingtaine de centimètre en moins, on l'aurait sans nul doute surnommé le nain.


Cela l'aurait moins dérangé que de se voir affubler de celui de nabot. Des nains, il connaissait toutes les légendes, Ibrinnois de sang, il reconnaissait la férocité de leur dernier roi. D'ailleurs, avec sa masse l'homme avait repoussé nombre de brigands, et si cela ne tenait qu'à lui, se dit-il en sautant à terre, armé d'un marteau, cette roue défaillante ne lui résisterait pas non plus.


Il s'attela ainsi à réparer la roue dont l'un des rayons semblait ne tenir que par miracle. Le nabot avait rencontré nombre de personnes dans son métier, il y avait même charmé celle qui lui avait donné la joie d'avoir deux enfants. La porte s'ouvrit alors qu'il bataillait fermement avec sa roue, révélant Gabrielle.


Le nabot, fidèle et sûr, n'avait porté sur la femme qu'un bref regard, il respectait l'intimité de ses invités. Et ce, quelle que soit la raison de leur périple, mais les voyages étaient longs, et bien sûr, il devait s'occuper les méninges, alors le cocher réfléchissait le plus souvent à la même allure que ses chevaux.

À terre, ses chevaux broutant, il avait comme une perte de rythme dans ses réflexions qu'il n'expliquait pas, mais une fois sa voiture en route, son esprit voguait sur les vents de Dranig lui-même. Il considérait que c'était un signe, sans jamais briser le secret, le cocher imaginait toutes sortes de possibilités. Les femmes avaient réservé ses services pour elles seules, parce qu'il y en avait deux, quoiqu'il en doute. C'était toujours Gabrielle qui parlait, et l'autre était montée dans les ombres de sa capuche, seules ses salutations avaient confirmé que c'était bien une dame.


Gabrielle était plus grande que lui, il fallait dire qu'elles l'étaient toutes. Mais elle ne le toisait pas pour autant, il resta concentré sur son ouvrage, alors qu'elle lui parla.


- Serons-nous à l'arrêt longtemps ?


Il claqua de la langue, repensant à son épouse instantanément, celle-ci avait toujours détesté ce tic qui le caractérisait.


- Tout dépend de la roue !


Le cocher détestait lorsqu'on le faisait se presser, le voyage était long pour ses montures principalement, et une petite pause n'était pas de refus. Son père lui avait toujours appris à prendre soin des bêtes, parfois à défaut des êtres humains songeait-il avec amertume lorsqu'il était dans un mauvais soir.

Un soupir agacé accueillit sa réponse, mais le silence lui permit de reprendre son œuvre. Une voix frêle émergea depuis le fond de l'habitacle.


- Ça ira Gabrielle, ne t'en fais pas.


Il s'imagina que c'était pour une quelconque maladie qu'elle restait enfermée et que peut-être allait-elle à l'école de magie pour se faire soigner. Nul doute que s'il avait été sur son assise plutôt qu'au sol il se serait rendu compte qu'à Proncilia il y avait également des mages et que sa pensée manquait de sens.


- Allons marcher, j’ai besoin de me dégourdir.

- Ce n’est pas prudent, répliqua Gabrielle.


Mais déjà il entendit la porte de l’autre côté s’ouvrir, la femme s’approcha des montures paisibles. Sa fragilité lui sauta aux yeux, faite d’une silhouette gracile, sa robe épaisse pour résister aux premiers froids de Lanjis dissimulait à peine une constitution fragile. Des fils d’or cascadaient dans son dos, d’une teinte à peine plus foncée que sa peau laiteuse. Deux saphirs se fixèrent sur lui, l’apparence noble s’arrêtait à son regard, aussi vif que doux, il fut balayé tant il lui sembla que la femme lisait dans son esprit. Son regard se porta sur ses juments, levant une de ses mains gantées de satin céruléen, la dame – car elle ne pouvait être appelée autrement – flatta l’encolure de ses bêtes.


Son air se troubla, elle entrouvrit les lèvres, ses yeux se firent soudain plus sombres que les nuits de nouvelles lunes.


Un mouvement d’air vint dissiper le charme qui opérait, venant de Gabrielle, elle avait dégainé son arme. Quelque chose échappait à la compréhension du nabot, probablement né de la promiscuité entre la femme et sa garde. Relevant les pans de sa robe, la blonde rentra dans le chariot.


- Dégainez votre arme, cocher. Il va y avoir du grabuge.


Il ne saura jamais, bien que cela hantera son retour à Ibrin durant les longues heures de trajet, comment elles avaient su que trois bandits allaient tenter de les détrousser. Gabrielle et lui formèrent une équipe pour protéger leurs affaires et la dame qui voyageait à leurs côtés. Il s’en sortit avec une blessure somme toute dérisoire, mais il se souviendrait du nom de l’éthérée qu’il ne reverra plus sans sa capuche et du ton inquiet alors qu’ils reprenaient place, qu’avait eu la garde.


- Lucinda… ?

Gabrielle - Daredjan Shanley

Gabrielle - Daredjan Shanley

Faern'aral

Lucinda

Lucinda

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