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Le Globe de Sagesse (Intégrale)

Le Globe de Sagesse (Intégrale)Texte de Kelora
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Texte de Kelora

Les examens de fin d’année se rapprochaient à grand pas, ce qui expliquait que la bibliothèque de l’école de magie était pleine à craquer. Les élèves de toutes classes et de tous les courants se côtoyaient, ils n’avaient plus aucune énergie pour participer aux vieilles querelles et l’entraide régnaient. Lena se faufila entre deux pyromanciens qui préparaient leur représentation, elle manqua d’y perdre quelques poils de ses sourcils roux.


« Eh ! Faites attention ! Y’a des livres ici. »


Ils prirent conscience de sa présence et le plus grand des deux lui répondit en rigolant.


« Détends-toi, ils sont ifuges.

— On dit ignifuge, débile, rétorqua l’autre.

— Ah… »


Lena leva les yeux au ciel, ce ne serait pas Essan qui se tromperait comme ça. Son cœur palpita lorsque la pensée traversa son esprit. L’assistant de la Professeure Hurlefreux ne lui avait pas plu au premier abord. Il n’était pas franchement beau, mais à mesure que l’année passait, ses traits disgracieux trouvaient grâce à ses yeux. 

Elle finit par trouver son amie installée à une table dans un recoin de la bibliothèque, installée sur l’un des bancs que la classe de métamorphose avait emprunté dans le réfectoire. 


« Ah te voilà ! Je pensais que tu n’arriverais plus. » Son amie avait de grands yeux noisettes qui lui donnaient un air surpris. « Tu sais que j’ai dû échanger un livre contre la place ? T’aurais pu te dépêcher.

— Oh, c’est bon ! C’est la guerre ; il faut faire des sacrifices ! » Lena agita sa main dans l’air, semblant dire que ça n’importait pas. Elle prit quelques instants à se rendre compte de sa maladresse. « Je… Pardon ! » Le mal était déjà fait et la mine de son amie s’était renfrognée avant de se baisser sur le livre qu’elle lisait. « Je suis désolée, Hyvaline. »

 

Elle haussa les épaules sans relever la tête. Rien n’aurait pu les prédestiner à devenir amies, c’était à l’occasion d’un hasard au rayon des légendes que Lena avait fait tomber un livre sur la tête d’Hyvaline. Elle y avait gagné une bosse ainsi qu’une fidèle amie qui, bien que maladroite, était toujours la première pour tout. Que ce soient des bêtises – comme lorsqu’elles avaient fait le mur pour aller au festival de Donblas – ou les révisions.


« J’ai retrouvé ça dans un de mes livres de cours, reprit Hyvaline, ce sont les annales d’il y a quatre ans pour le cours d’introduction aux énergies. Tu devrais essayer, ça te fera un bon entraînement. C’était pas le même professeur… Mais normalement ça ne doit pas avoir trop changé.

— Oh… Merci ! » Lena s’empara du parchemin qui lui tendait sa camarade avant de le consulter. Les notions sur les trois énergies primordiales étaient abordées sous forme de diverses questions. « En quoi les espèces conscientes diffèrent-elles du reste du vivant… ?

— Elle est facile, celle-ci.

— Parce qu’elles savent penser à la première personne ?

— C’est ton dernier mot, Lena ? » Hyvaline haussa les sourcils, prenant une moue menaçante. « Parce que si tu entendais penser Arm… »

D’un geste elle poussa Lena sur le côté, lui permettant d’éviter un Globe de Sagesse. En tombant, la jeune invocatrice pesta.


« Mais ça va pas de me pousser comme ça ?! » Hyvaline attrapa le Globe avec un curieux instinct que d’autres avaient péri sous l’un de ses frères. Elle fronça les sourcils, à force de passer son temps à réviser des idées saugrenues lui venaient. « Qu’est-ce que c’est ?

— Désolée, je n’étais pas sûre de réussir à l’intercepter. »


Lena se redressa en s’époussetant, toujours râleuse d’avoir fini au sol. Plutôt que de passer ses nerfs sur son amie, elle scruta la foule du regard, en quête du coupable. « C’est comme ça à chaque fois ?! Ils auraient pu me blesser ou pire, j’aurais pu mourir ici, sur un banc et rater mon examen ! 

— Tu en fais trop, soupira Hyvaline, je vais chercher à qui il appartient. »


Hyvaline avait bien besoin de s’aérer un peu et entendre son amie se plaindre l’ennuyait aujourd’hui. La futilité de Lena l’avait toujours amusée, mieux encore, elle lui permettait de penser à autre chose, mais parfois elle se sentait lasse. Elle prit une profonde inspiration, dénouant ses épaules tendues avant de se mettre à murmurer. Le vide se fit dans son esprit, tandis qu’elle sentait la magie exsuder de chacun de ses pores. Ici, personne ne sentirait le sort qu’elle lançait, la pièce était si saturée que les Assimilateurs vibraient. 


Si la plupart des élèves de l’école passaient leur scolarité sans se rendre compte de leur présence, Hyvaline les avait sentis dès sa première année. Les Assimilateurs étaient des runes invisibles, tracés sur les murs de l’école, leur objectif était simplement d’assimiler la magie. On racontait qu’à Trigorn ils avaient des boucliers d’abjuration, ici, l’énergie libérée par les sorts des élèves était intercepté par les Assimilateurs, s’accumulait dans le Foyer et alimentait ainsi tous les artefacts de l’école. 

Elle se plaça à la limite supérieure des couches de conscience des élèves, sans aller en profondeur. L’exercice n’était pas compliqué, elle se plaçait à la lisière, sans tenter de les charmer, elle les aiguillait. L’un faisait un pas de côté, l’autre s’immobilisait, et ainsi de suite. Son esprit traversait ceux de ses camarades, se créant un chemin par l’esprit plutôt que par des jeux d’épaules bien sentis.

 

La limite entre la télépathie et le contrôle de l’esprit ne tenait qu’à la nuance entre un ordre et une suggestion. Le tout était de savoir le faire sans qu’ils ne s’en rendent compte, et en cela, Hyvaline était devenue douée. Elle n’aimait pas beaucoup les autres élèves, à l’exception de quelques-uns. Ou plutôt, elle n’appréciait pas les gens de manière générale. Peut-être parce qu’elle avait subi leurs pensées intrusives pendant de longues années. Grâce à l’école, elle était désormais capable de les taire. Elle sortit de la bibliothèque avant de se rendre compte du globe de sagesse entre ses mains.


Prise dans son sort, elle avait oublié de le restituer à son propriétaire. Elle continua de l’observer. De ce qu’elle savait, c’était un artefact plutôt facile à créer pour les enchanteurs, mais extrêmement difficile à réussir. Le Directeur Legrand était également professeur d’enchantements à Proncilia, l’un des meilleurs, selon ce qu’elle avait entendu. Il aimait à rappeler aux élèves que le tout n’était pas d’enchanter ; mais de savoir comment bien enchanter. Il donnait alors à tous les étudiants de deuxième année la mission de réussir un Globe de Sagesse.


De la fumée apparut à l’intérieur du Globe, il n’était plus transparent mais trouble. Hyvaline pencha la tête, tentant de distinguer ce qu’il lui révélait. Il dévoila une série d’escaliers, descendant au travers de cinq différents jusqu’à arriver à une pièce sombre. Elle jeta un regard autour d’elle, s’assurant qu’elle était seule. 

Lentement, Hyvaline se mit en quête des escaliers. Quel secret, le Globe de Sagesse, avait-il voulu lui murmurer ?


Hyvaline sinua dans les couloirs de l'école, le globe émettait une légère vibration en continu. Sans que l'intensité de celle-ci ne puisse l'aiguiller sur la direction à prendre, elle se hissa en haut du premier qu'elle avait reconnu. C'était l'un des plus anciens de l'école de la capitale, debout au milieu de ceux-ci, Hyvaline marqua une halte. Laissant ses pensées éphémères suivre le cours qui leur plaisait, loin du carcan des études. Combien de personnes avaient foulé ces marches, avant elle ? Quels élèves, aujourd'hui devenus des figures de proue de l'ésotérique avaient commencé ici ? Un bref sourire étira ses lèvres, certainement aucun comme elle. Elle reprit sa route. On oubliait les psychistes, la plupart finisssaient rayés de l'histoire avant même d'avoir pu la marquer. Seuls les télékinésiste échappaient à cela ; encore que l'on considérât leur magie au mieux inutile. Les illusionnistes ne tenaient pas la distance face aux évocateurs, les divinateurs étaient des affabulateurs et les télépathes autant de mages noirs. 


Elle n'avait pas choisi d'être ce qu'elle était, mais s'en sortait bien, grâce au sacrifice de sa famille et grâce aux Tyrionval. Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit compte qu'elle venait de descendre une nouvelle volée de marches que lorsqu'elle finit dans une impasse. Ici, on retrouvait les réserves de nourriture de l'école, ainsi que les quelques serres que les phytomanciens préservaient en cas de siège de la capitale. Autant de souterrains que Pignoval avait créé. La plupart des membres de la capitale n'en profiteraient jamais ; c'était ainsi. Hyvaline avait eu une chance inouïe en étant remarqué par les chasseurs de tête de la famille, depuis les sols en torchis avaient été remplacés par les pavés marbrés de l'école. Ses mains, usées par les journées aux champs, étaient désormais douces. En les déposant sur le mur, au bout du couloir, déployant son sixième sens, Hyvaline put en sentir toutes les aspérités. Elle s'arrêtait aux détails, désormais. Quelque chose qu'elle n'aurait jamais fait avant. Lorsque l'on s'assurait de manger à sa faim, de passer Lanjis, la futilité devenait nécessité. Malgré ses efforts pour ne pas tomber dans ce genre de vices, il lui était plus difficile chaque année de garder la tête sur les épaules.  

 

Une brève pulsation émana de tous les murs souterrains. Attentive, elle ne s'en rendit compte que parce qu'elle le cherchait. Elle se mit à genoux face au mur, déposa le globe sur ceux-ci et appuya ses deux mains contre le mur en plus de son front. Si quelqu'un la voyait comme ça, elle serait moquée, mais voir sans souvenir était inutile. Au bout d'un temps, une deuxième, puis une troisième, puis une quatrième pulsation se firent ressentir. Il lui semblait qu'elles arrivaient à intervalles régulier, alors Hyvaline compta. Toutes les soixante-quatre secondes, la magie émettait un bref rayonnement dans les murs. Etaient-ce les Assimilateurs ? La psychiste détourna le regard vers le Globe désormais inanimé. Quel secret essayait-il de lui révéler ? Il lui manquait un escalier, et c’était une affaire de magie. Evocatrice, elle aurait essayé de faire disparaître le mur. Une psychiste seule était peu utile, l’illusionniste sans yeux à duper, le télépathe sans esprit à manipuler ou encore le divinateur sans avenir à prévoir étaient impuissants. 


Le pouvoir seul était insuffisant, tout comme les abjurateurs sans magie étaient inutiles. Peut-être était-ce une question de dépendance qui leur conférait une si terrible réputation ? Son esprit s’écartait devant l’insoluble problématique qui se présentait à elle. Ou plutôt, il prenait la fuite. D’intrusives pensées bourdonnèrent à la lisière de son esprit alors qu’elle divaguait au rythme des siennes. Elle tendit sa conscience, mais le son était brouillé. Probablement l’œuvre d’un artefact, le bruit désagréable la fit grimacer. Se redressant rapidement, récupérant le précieux globe entre ses mains, elle se faufila sur le côté et se dissimula derrière l’une des portes latérales ouvertes. Hyvaline se garda bien d’entrer dans la pièce pour s’y cacher. Par l’interstice des charnières, elle vit le Directeur Legrand s’avancer aux côtes de la professeure Hurlefreux. 

 

C’était elle qui donnait les cours à Lena, des rumeurs plutôt positives trainaient à son sujet. On disait qu’elle était exigeante mais juste. En plus, peu d’élèves avaient été blessés dans ses cours. On ne pouvait pas en dire autant de ceux du psychisme. La dernière fois, Hyvaline avait passé deux mois à l’infirmerie. Leur discussion éveilla le Globe de Sagesse. 


        – La plaie ! Cette bonne femme pourrait rendre fou n’importe qui, pesta le directeur d’un ton qu’Hyvaline n’aurait jamais pensé entendre de sa part, pas même avec les élèves les plus récalcitrants. 


        – Nos programmes doivent être rafraîchis. 


        – Et puis quoi encore ? Nous sommes la meilleure école du Royaume, c’est pour une excellente raison. 


        – Ils sont désuets. 


        – Désuets ? Lorsque vous aurez le statut d’archimage, Ennya, je vous demanderai votre avis. 


        – Ah. Evidemment, ricana la professeure avec sarcasme, c’est sans doute ce que disait le Directeur Thabeg. N’étiez-vous pas un de ses proches ? 


        – Rappelez-vous votre place, Experte. 


La professeure incanta, ils se tenaient face au mur où s’était tenue Hyvaline précédemment. Elle risqua un coup d’œil pour observer la distorsion du monde que provoquaient ses sorts. Elle croisa le regard d’acier de la professeure, et pâlit.  


Vous ne devriez pas être ici, jeune fille. 


Elle ne fit aucun signe au directeur, peut-être attendait-elle autre chose ? Etait-ce le moment pour fuir ? Ses pensées lui étaient apparues clairement. La lumière qui éclata du portail l’aveugla. 

  

Il y a un temps pour chaque chose. J’en attends toujours trois lorsque je dois découvrir des secrets. Gare à qui les révèlerait ; la connaissance s’accompagne de silence. 


Le portail accueillit le directeur et la professeure, au lieu de se fermer il resta ouvert. Hyvaline devait passer, les propos de la professeure paraissaient clairs quoiqu’énigmatiques. Un temps était de combien de temps ? Elle se plaça à découvert face au portail et se mit à compter. La réponse était évidente. Il fallait attendre soixante-quatre secondes. 


Le goût de l’interdit se mêlait à une hésitation toute légitime. Elle voulait rendre fiers ceux qui croyaient en elle, mais cela paraissait si futile par rapport à la saveur des secrets de l’école de magie. Qui plus est, la professeure semblait être en colère contre le directeur. Si Hyvaline se faisait attraper, la protègerait-elle ? Elle paria son avenir sur cette hypothèse.


Le portail fit monter une nausée que l'angoisse étouffa. Hyvaline n'était pas l'élève la plus obéissante, pour autant espionner le directeur pouvait lui coûter très cher. Son père, au mur, comptait sur elle pour étudier, pas pour briser les règles. A peine sortie, elle se glissa derrière le premier vase qu'elle croisa. Elle reconnaissait les murs du sous-sol de l'école, le vase faisait un mètre de haut. Sur celui-ci diverses runes étaient gravées. Sans oser regarder autour d'elle, elle tendit néanmoins l'oreille.


— Vous voici, ma chère. » Le ton du Directeur s'était fait suintant d'hypocrisie.  « Avez-vous fait bon voyage ?


— Aussi bon qu'il puisse l'être. Hélas, Tezca n'a pas été en mesure de venir. »


Hyvaline se recroquevilla sur elle-même, avant de prendre une lente inspiration. Elle étira son inconscient comme une toile le long des murs. Il y avait la professeure Hurlefreux et le directeur, bien sûr. Mais deux autres pensées indicibles se faisaient ressentir. L'une évoquait des mots cryptiques, dans une langue qu'Hyvaline ne reconnaissait pas, et la seconde lui semblait étouffée et difficilement compréhensible. Pourtant, elle était persuadée que ces deux voix échangeaient d'esprit à esprit.


« Comptez-vous rester ici jusqu'à la fin des temps, Directeur Legrand..? Je me ferai une joie de vous aider.


— Non, bien sûr. Serf, faites votre œuvre. »


Finalement, l’adolescente risqua un coup d’œil, son cœur avait repris un rythme plus calme. A l’instant où elle releva la tête, ce qu’elle vit le fit accélérer. Ce qu’elle voyait là avait le goût d’interdit. La femme qu’elle entendait, portait une robe d’obsidienne dont les bords se fondaient dans la masse. Sur son visage, un masque de paon dissimulait ses traits tout comme sa peau. Qu’était-elle ? Derrière elle, une sculpture toute aussi noire que sa robe trônait au milieu de la pièce. La sculpture arborait des formes abstraites mais Hyvaline finit par y reconnaître une femme. Dans ses mains, un vase qu’elle penchait sur le côté, comme prise dans l’instant avant de le verser.

 

Ce qui s’en écoulait n’était pas de l’eau, mais autre chose. Au premier abord, Hyvaline crut que c’était de l’eau bleue, puis de la fumée, sans pour autant réussir à mettre un mot sur l’arc de foudre qui s’écoulait. Le liquide – le gaz ? – se déversait aux pieds de la statue. A partir de là, des rainures creusées dans la pierre en spirale s’éloignaient vers les bords jusque sous les vases disposés à différents intervalles.


« Bien. » Le paon tendit une mallette à la professeure Hurlefreux qui se détourna. « Quel est le plus important pour l’apprentissage de la magie, Directeur ?


— La rigueur, évidemment. » De la malette, la professeure sortit une bouteille en cristal au goulot évasé ainsi qu’un calice gravé de runes éteintes. « Nous, contrairement à l’école de magie de Trigorn, avons un intérêt tout particulier à éviter des cas Brehen. » L’invocatrice remua les lèvres en plongeant le calice dans l’un des vases. « Après tout, nous avons toujours été l’un des derniers bastions résistant à l’influence d’Halbros Fossecrelle.


— Pensez-vous que j’eusse oublié l’histoire pour me la rappeler ainsi ? » Le ton du paon s’était fait venimeux, mais la professeure ne réagit pas et versa le liquide azur dans la bouteille, une fois dans celle-ci, il devient violet. « Je la connais, et mieux que vous, Directeur Legrand. Dois-je vous rappeler que je l’ai vécue ?


— Non, non.. Bien sûr. » La professeure alternait entre les différents vases, remplissant la première bouteille avant de s’en saisir d’une seconde.  « Mais c’est tout de même le cas, Conseillère. Nous pensons que seule la rigueur puisse créer de bons mages.


— Insuffisant. Cette rigueur se fait à leur détriment.


— Mais enfin, ce sont les méthodes en vigueur depuis 1212, la plupart des élèves a réussi à…


— A quoi ? Aujourd’hui les de Trencavel voguent dans le Royaume pour recruter. Les Thaumaturges des Fossecrelle continuent de recruter des mages innés que vous êtes incapables de gérer.

  

— Nous les autorisons à rester ici pour les surveiller… Ils ne sont qu’une bande d’hur..


— Sans parler des Iphurnus dont l’influence grandit. Vos pensées ne m’intéressent pas. Je vois les faits. Le directeur Thabeg a ouvert la porte à Brunehilde.


— Mais vous ne lui êtes pas venu en aide ! Vous êtes en faute aussi, Quetza. »


Cette fois la professeure leur jeta un regard, une tension naissant dans ses épaules. Elle se détourna de son vase et se plaça devant celui où était cachée Hyvaline, lui intimant le silence lorsqu’elle fit mine d’ouvrir la bouche.


« Oh. Basile. Quel sot vous faites. Les écoles et les villes sont de votre responsabilité. Nous gérons de bien plus grands problèmes. Les Cendres émergent, l’orgueil en place de raison. Certaines nous échappent. Et vous n’êtes pas capables d’en gérer deux ? » Le calme apparent de sa voix fit remonter un frisson à Hyvaline. Hypnotisée par l’étrange matière que manipulait la professeure elle ne sentit pas tout de suite la magie du paon. Le Directeur se retrouva cloué au mur par une force invisible. « Je suis Quetza. Votre existence, dans le creux de ma main. » Le froid glaça de peur le front d’Hyvaline. « Si je vous dis de marcher, vous me demandez combien de temps. Si je vous dis de lutter contre les Cendres, vous incantez. »


La professeure adressa un sourire qui se voulait rassurant à la télépathe.


Restez tranquille, Hyvaline. Nous avons encore besoin de vous.


« Fermez les yeux, Directeur, ou je me chargerai de vous rendre aveugle à tout jamais. Serf Hurlefreux, le témoin est-il là ?


— Oui. » Elle déposa la bouteille au pied du vase et déposa sa main sur l’épaule de l’adolescente avant de la guider jusqu’au directeur aux yeux fermés. « Le voici.


— Parfait. Directeur, je vous accuse de dérober à l’Assemblée des Mages, l’essence de magie pour votre profit personnel. »

  

Vous allez fouiller dans son esprit. Cherchez la scène où il m’imitait. Incantez en silence.


Elle poussa l’adolescente jusqu’au paon qui lui désigna une des bouteilles au sol.


« Buvez-en quatre gorgées. Pas une de plus, ni une de moins. »


Hyvaline respirait plus fort qu’elle ne le devrait, son cœur tentant de s’échapper entre ses lèvres. Le mouvement de tête de la professeure la rassura et elle s’empara d’une bouteille. Elle glissa le goulot à ses lèvres et but une première gorgée, une seconde… Elle se mit à tousser et manqua de vomir tandis que son sang hurlait dans ses oreilles. La main fraîche de la professeure la retint.


Vous n’en souffrirez que momentanément.


Elle se laissa choir dans l’étreinte de la professeure, ses membres paralysés se mirent à avoir de nombreux spasmes. Elle avait l’impression de mourir.


« Etes-vous certaine professeure que cette élève soit capable de tenir ?


— Je ne l’aurais jamais mis en danger, Quetza. La magie est une affaire de patience et d’acceptation ; patientez. »


Elle s’accrochait aux vêtements de la professeure, son corps tremblant. Elle aurait voulu se reposer, reprendre le portail et s’enfuir d’ici. Aucun secret ne valait de mourir pour lui, l’archimage pensait autrement. Le bras de la professeure entoura ses épaules, dans un réconfort illusoire, puisqu’elle glissa la bouteille à ses lèvres.


Encore deux et tout sera fini.


Ses dents claquaient si fort qu’il lui semblait que l’émail se brisait, la rendant incapable de parler lorsqu’elle désirait si ardemment comprendre pourquoi on lui infligeait ça. Qu’est-ce qui était dans cette bouteille ? Etait-ce sa punition ? Hyvaline repoussa la professeure, titubant jusqu’à l’un des vases. Le monde n’était qu’un assortiment géométrique de couleurs, lui faisant perdre pied dans la réalité. Les voix se mêlèrent à ses pensées.


Vous dev…


Mikitika


… Boire…


Nitlaneltoka Ennya


Hyvaline !


Le monde se mit à tourner autour d’elle, la gravité la leva au plafond et ses yeux se révulsèrent. 


Tiuikilia amo kineltoka


Elle sentit un liquide frais couler dans sa gorge ainsi que des doigts qui appuyaient entre ses mâchoires pour les maintenir ouvertes. S’étouffant dans le liquide, elle déglutit à deux reprises. La douleur s’oublia en faveur du pouvoir. Elle le sentait courir dans ses veines.


Onikatka yek


Son regard se tourna vers l’archimage au masque de paon et elle croisa son regard d’or et le besoin de l’archimage de percer les secrets du directeur. Puis, la professeure à ses côtés. Ses mains caressaient ses tempes, tentant d’apaiser son élève. L’inquiétude n’avait jamais percé la sérénité de la serf, le doute semblait inexistant. Un sourire lent étira ses lèvres et sa fierté vint gonfler la poitrine de l’adolescente. Jusqu’à présent, il lui semblait avoir été à la fois aveugle et sourde au monde, désormais il se présentait à elle dans toute sa splendeur. 

 

Hyvaline avait lu que certains étaient porteurs du don de double-vue, il leur permettait de voir les flux magiques. Elle n’avait jamais envié ce don, loin s’en fallait, elle percevait déjà des pensées qui ne lui appartenaient pas, pourquoi s’encombrer de choses à voir ? Pourtant, cette fois, elle accepta le don qui lui était fait. Lorsque les doigts de la professeure touchaient ses tempes, elle percevait l’amour qu’elle éprouvait pour son époux, et celui pour ses enfants. La foi qu’elle portait à ses élèves, et le respect pour les étudiants de l’école de magie. La voix du Directeur lui parvint.


« Vos folies ont tué une personne, Quetza. »


Il parlait d’elle sans savoir qui elle était, il ne parvenait pas à s’en attrister véritablement. Bien sûr, il voyait là un drame, comme chacun… Dessous il y avait quelque chose d’autre, une forme de satisfaction.


« Une seule ? Vous me sous-estimez, Directeur Legrand. C’est l’un de vos défauts. » La professeure l’aida à se relever, lui intimant de conserver le silence. « Mais rassurez-vous ; quand bien même auriez-vous dérobé l’Assemblée, vous ne mériteriez pas la mort. Personne ne mourra ce soir. »


Il remua mais le Directeur était toujours cloué au mur, sans oser désobéir à l’archimage, il n’ouvrait pas les yeux. Hyvaline s’avança jusqu’à lui. Ses cours lui revinrent en mémoire, par la force de l’habitude, et ils étaient superflus. La psychiste observa le bijou qui était censé la repousser, une pierre directement enchâssée dans la chair du directeur, au niveau du biceps. Il se l’était enchanté à même la peau. Elle sut qu’elle était capable de le briser avant même de se questionner, quelques heures plus tôt, sa certitude aurait été dans l’incapacité à le faire.

 

Hyvaline sollicita cette magie enfouie en elle qui répondit avec une impulsion qui manqua d’échapper à son contrôle. Elle détourna le regard vers la professeure, un instant, inquiète de faire du mal au directeur. Avait-elle lu sa crainte dans son regard, ou avait-elle parlé ? Cela n’importait pas puisqu’elle se plaça dans son dos et déposa ses mains sur les épaules de l’élève. 


L’ancre de la professeure la maintenait à flot et elle pénétra l’esprit du directeur. Le bijou avait levé des murailles en métal, aussi lisses que gigantesques autour de ses pensées et souvenirs. Elle avait suffisamment de force pour l’enfoncer, plier l’acier jusqu’à ce qu’il rompe. Ce n’était pourtant pas un mur, et elle n’était pas une personne devant lui. Il n’y avait que deux êtres de chair face à face, mais son imagination travaillait à réinterpréter la magie pour la rendre compréhensible à une mortelle.


Il avait fait un dôme, mais la terre était meuble, elle manipula son don pour créer un escalier, puis un tunnel et passer sous la protection de l’artefact. Sa professeure lui avait expliqué que c’était impossible ; il fallait croire que rien ne l’était véritablement. Elle sinua ensuite entre ses pensées, en quête de ce que lui avait demandé de rechercher la professeure.

 

Elle le vit descendre. Elle l’entendit activer un artefact pour traverser le mur. Le Foyer. Elle tenta d’en percevoir l’histoire, mais celle-ci était inexistante. Pire qu’inexistante, elle manqua de la propulser au-dessus d’un gouffre. Les mains de la professeure serrèrent ses épaules, la poussant à s’en détourner. Le directeur se dirigea au centre, les Assimilateurs transféraient l’énergie au Foyer, et celui-ci était enchanté ? Hyvaline ne comprenait plus rien. Le Directeur volait l’essence de magie, c’était une certitude désormais.


Le masque de paon la fit sursauter quand elle rebascula dans la réalité. 


« Avez-vous vu s’il avait pris de l’essence de magie ? »


En essayant de parler, sa voix mourut dans sa gorge et aucun son ne s’échappa de ses lèvres. Hyvaline aurait pu jurer voir un sourire s’étirer sur le masque. Elle acquiesça, percevant à nouveau l’étrange discussion qui se passait dans l’esprit de l’archimage.


« Pensez-vous pouvoir aller plus loin ? Plus profondément ? » Hyvaline entama d’hocher la tête, sûre d’elle avant qu’elle ne l’interrompe. « En êtes-vous véritablement sûre ? Si vous vous trompez et que vous le tuez, vous serez jugée comme n’importe quel mage. Sans traitements de faveurs, sans excuses… Quand bien même nous aurait-il trahi par avarice de pouvoir, nous ne pouvons le perdre. Alors, qu’en dites-vous ? »


Hyvaline fixa l’archimage sans savoir quoi répondre dans un premier temps. Quelle part de son assurance provenait de ce qu’elle avait bu ? On l’empêchait de parler ; si bien qu’elle n’en avait même plus besoin pour incanter. L’incantation prit lentement naissance dans ses tripes, les talons bien au sol et la serf dans son dos l’ancraient dans la réalité. Elle se propagea de son esprit à ses doigts, de ses chevilles à ses hanches et les arcs de pouvoir se rejoignirent dans sa gorge. L’assurance provenait de ce qu’elle avait bu, et de la sensation d’être un pion sur leur échiquier. Son père n’aurait jamais accepté qu’elle se laisse manipuler. Le directeur avait eu un dôme en acier de protection autour de ses songes et souvenirs. 


L’archimage était un autre morceau. Elle se retrouva dans une forêt infinie, dont la cime des arbres dépassaient les nuages. Leur écorce n’était ni de bois, ni de métal, mais d’ossements. Aux branches, suspendus, des yeux d’or en place des fruits, les feuilles remplacées par des mues de serpents. 


« Vous ne devriez pas tenter cela. »  


L’avertissement n’était pas une menace, mais un constat. Elle foulait le sol de sa conscience et le paysage d’horreur lui glaça le sang. Lorsqu’elle essaya de s’échapper, elle en fut incapable. Malgré sa tentative de se débattre dans l’étreinte du paon, ses griffes plantées la figeaient dans le paysage morbide de l’archimage. 


Restez. Restez et contemplez le prix à payer pour survivre. 


La voix venait de partout et de nulle part, son accent à couper au couteau sifflait les consonnes, chantait les voyelles. Les yeux d’or tout autour d’elle se tournèrent dans sa direction, et Hyvaline manqua de vomir tant la peur lui nouait les entrailles. 

 

Pour tromper notre destin, il nous faut l’accepter. Il faut en changer son essence pour qu’il corresponde à ce que nous devions être. Vous n’étiez supposée qu’être une paysanne, une fille de rien. La guerre aurait dû arracher votre père à l’existence. 


Tandis qu’elle écoutait, elle pouvait sentir les plumes du serpent caresser l’intérieur de son crâne. Elle fut basculée dans son propre paysage intérieur avant de ne pouvoir avancer vers l’escalier qui menait aux ténèbres de l’esprit de l’archimage.  


Les champs s’étendaient à perte de vue, en ruines et désertés de toute existence. Hyvaline sentit la révolte tonner en elle, depuis le début, elle se chargeait de le modifier, de l’arranger et d’en faire ce qu’elle voulait. Son paysage intérieur était devenue une prairie verdoyante, un lieu si accueillant que n’importe quel autre mage souhaitant le pénétrer oublierait les raisons même. 


Original. La plupart des personnes de votre âge bâtissent de quelconques forteresses qu’un trébuchet seul suffirait à réussir un siège. 


Le paysage ondulait entre la réalité et ce que l’adolescente avait voulu en faire. Les mains sur ses épaules l’ancraient et elle prit un peu de la sérénité tranquille de la professeure pour faire face au serpent à plumes qui réduisait ses efforts à néant. Peu à peu, Hyvaline remporta le bras de fer, à chaque brin d’herbe qui poussait, elle gagnait du terrain. Les yeux turquoises de la créature semblaient inhumains, bien davantage que ceux d’or. Elle déduisit que deux entités existaient, l’une réelle et l’autre pas. L’or de l’humaine et le turquoise d’autre chose. D’un coup, le serpent disparut de son esprit. 

 

La réalité la fit chanceler, maintenue debout par Ennya, l’épuisement se dissipa comme un courant d’air. Elle releva les yeux vers l’archimage, sans pouvoir parler et acquiesça d’un geste assuré. Elle avait voulu l’intimider, mais elle ne se laisserait pas faire. Elle se trompait sur toute la ligne ; Hyvaline était fière de son héritage. Il n’était guère reluisant, mais dans le monde des riches, il avait un goût de vérité qu’ils ne parvenaient même pas à imiter. L’adolescente en avait l’âge, mais s’échinait à en perdre la mentalité. 


Elle remua les épaules, se libérant de l’ancre de la professeure, contourna l’archimage pour se planter face au Directeur Legrand. S’il fallait aller plus loin, Hyvaline en était capable. Personne dans sa famille n’avait jamais développé un quelconque don magique, mais son père maniait les armes, sa mère était morte pour lui donner naissance, son don pour les plantes médicinales avait disparu avec elle. Elle repoussa la honte d’être une psychiste pour se concentrer sur l’essentiel. Obtenir les informations que l’archimage payerait en réponses. Le Directeur avait volé, le crime importait moins que les motivations derrière. 


Elle le revit se servir de l’essence, elle vit où il le cachait, elle sut avec certitude qu’il en avait bu. C’est ce qui le rendait si puissant pour un homme aussi occupé. Hyvaline poussa plus loin, pénétrant dans les couches les plus inférieures de ses souvenirs. Pour connaître chaque pensée qui l’avait traversé. C’était comme marcher sur un lac gelé. La glace fendillait sous chacun de ses pas, si elle se brisait, il mourrait psychiquement. Les victimes des psychistes passaient des années à se reconstruire, devant accepter des souvenirs morcelés. Elle progressait lentement, s’écartant lorsque la glace lui paraissait trop fine pour accueillir son poids. A la croisée des souvenirs, elle vit l’enfant qu’il fût, armé de son Globe de Sagesse qu’il avait réussi à faire. Guidé par l’artefact, il perçait d’autres secrets aujourd’hui oubliés. Une femme revenait souvent, son épouse à n’en pas douter.  

 

Le Directeur Thabeg apparut, blessé et réduit, désenchanté par la brutalité du Dragon. Sans savoir ce qu’elle cherchait, elle fut néanmoins persuadée de l’avoir trouvé lorsque les visions qu’elle piocha dans l’esprit du directeur se floutèrent. Il fallait plus de pouvoir pour tenir tête aux mages noirs dont les rangs grandissaient chaque jour ; il lui était nécessaire de boire l’essence de magie pour se maintenir au niveau des plus grands archimages. Loin de l’avarice, il avait dérobé pour tenter de protéger ce qu’il avait bâti. Comme un homme s’engage dans la guerre, il prend les armes et se dépossède de son humanité, lui s’était engagé dans une guerre plus vicieuse, il avait pris les armes et s’était dépossédé de son honneur. Les dogmes de l’Asssemblée trop stricts pour lui permettre de véritablement leur tenir tête. La Mora avait mis à mal la ville et il s’était retrouvé incapable de lutter contre elle. 


Elle cligna des yeux et se tourna vers l’archimage et souffla dans son esprit. 


Je sais. Les pensées peinaient à être poussées au travers des protections. Je sais pourquoi il l’a fait. 


Le paon se tourna vers Ennya.  


« Nous partons ; attendez-moi dans son bureau avec le directeur. » Dans son dos, celui-ci retomba sur le sol lentement, comme sur un nuage et inconscient. « Vous, avec moi. » 


Hyvaline lui emboîta le pas, déterminée à comprendre à quoi tout ceci rimait et pourquoi le Globe de Sagesse lui avait révélé ces secrets à découvrir.


L’archimage Quetza était installée face à elle, sa longue robe noire avait pris la couleur brune du fauteuil. Un feu violet crépitait dans l’âtre de la cheminée. Elles avaient rapidement quitté le sanctuaire du Foyer pour se placer dans cette salle. Lorsque l’archimage le lui avait indiqué, Hyvaline avait pris place sur l’assise à côté d’elle, s’asseyant sur le rebord, prête à se lever. Le paysage des arbres aux yeux ne parvenait pas à s’effacer de son esprit et cultivait la méfiance de l’adolescente. Quetza finit par avoir l’air humain lorsqu’elle étira ses jambes, au plus proche du feu et releva ses mains à son masque, la tête basculée en arrière. L’adolescente, pour autant, ne baissa pas sa garde et attendit qu’elle initie la conversation. Du peu qu’elle avait vu, le paon semblait utiliser à son avantage les mots d’autrui. Hyvaline avait conscience qu’elle ne maniait pas la langue aussi bien que le directeur, et comptait bien conserver son avantage.


« Comment s’est manifesté votre don pour la première fois, Hyvaline ?


— … Eh bien… » Prise au dépourvue, le paon avait attaqué sous un angle que l’adolescente n’avait pas prévu. Elle bégaya quelques instants avant de prendre une profonde inspiration. Elle plaça ses mains bien à plat sur ses jambes. « Je ne m’en souviens pas.


— Cherchez, en ce cas, au lieu de me faire perdre mon temps.


— Mais ! » Hyvaline bouillonnait, elle avait découvert les secrets du Directeur pour l’archimage, et celle-ci se permettait de lui dire que c’était elle qui lui faisait perdre son temps ? Nul doute qu’il était précieux. « Je vous ai aidée !


— Que vaut votre aide, puisque vous n’aviez point le choix ? Je n’ai pas à me sentir reconnaissante de si peu.


— Sans moi…

 

— Sans vous, Hyvaline, j’aurais trouvé un autre psychiste. Personne n’est irremplaçable, quoique ces sots en pensent. » Sa voix se fit plus grave, comme celle d’un conteur, et bientôt elle entendit l’accent du serpent dans ses mots. « Le mal de ce siècle, de petits hommes qui jacassent plus forts. Leur égocentrisme les faisant se penser indispensables, alors que n’importe qui pourrait les surpasser avec un peu de jugeote. Ils désirent si ardemment les clefs du Royaume pour assouvir ce besoin inextinguible de pouvoir. Il n’y a qu’à boire sans soif qu’il a de la saveur.


— De… De quoi parlez-vous ?


— De la soif de pouvoir, pour sûr. Le pouvoir est multiple, les mages, pensent à celui de la magie. Les politiciens, à celui de l’influence. Les marchands, à celui de l’or. Les érudits à celui de la connaissance. Il a autant de facettes que de personnes existent sur cette terre.


— Je ne comprends pas.


— Quelle est la première manifestation de votre don ?


— … J’étais trop jeune pour m’en souvenir. Je me souviens.. Toujours d’avoir entendu des gens qui ne parlaient pas. Je pensais que tout le monde était comme ça. C’est mon père qui s’est rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond, alors on a fait des essais.


—  Est-il doué de magie ?


— Non.


— Et d’autres membres de notre famille ?


— Ce ne sont que des ouvriers des champs, vous savez. Nous n’avons pas de grands mages dans notre famille. Je ne connais pas trop le côté de ma mère, elle est décédée quand… Je suis née. »


L’archimage se tut, observant quelques minutes de silence. A mesure de la discussion, Hyvaline s’était à la fois détendue et agacée.


« Nous naissons pour voir mourir nos parents, mais si jeune… C’est un poids qui ne nous quitte jamais vraiment. » Lorsqu’elle entrouvrit la bouche, Hyvaline se ressiasit, elle ne pouvait décemment pas poser davantage de questions à l’archimage, elle ne tenait pas à ce qu’elle l’envoie de nouveau sur les roses.

 

« Je ne la connaissais pas vraiment. On s’y habitue. Pourquoi m’avez-vous amenée ici ?


— La Serf Ennya m’a laissé entendre qu’il serait de bon goût de répondre à vos interrogations.


— A toutes ? » La psychiste n’avait pas pu s’en empêcher, son ton avait été railleur. « Je me doute que non. Le secret…


— Est à la fois la solution, et une problématique.


— Oui, enfin, il n’y a que ceux qui les détiennent qui disent ça, soupira Hyvaline.


— Avez-vous d’autres inepties à dire ou voulez-vous poser vos questions, jeune fille ? »


Hyvaline serra les poings sur ses cuisses, blessée sans pouvoir en expliquer les raisons profondes. Elle réfléchit quelques instants, incertaine de savoir par laquelle commencer.


« Pourquoi ne m’avez-vous pas interrogée concernant ce que j’ai découvert ?


— Si vous aviez découvert quelque chose de terrible, vous auriez été agitée. Vous ne l’êtes pas, si cela ne vous surprend pas, il n’y a guère d’urgence.


— Qu’est-ce que j’ai bu ?


— En ressentez-vous encore les effets ? » Hyvaline acquiesça, sentant encore le monde avec une acuité toute différente. Bien que les voix qui provenaient de l’archimage s’étaient faites murmurantes. « Aujourd’hui, nous la nommons Essence de magie, mais elle a eu autant de noms qu’il y a eu d’époques. Les potions de mana sont supposées imiter son effet, sans grande réussite. Elle ne fait pas qu’offrir une nouvelle réserve d’énergie, mais stimule la magie, elle améliore le lien entre le mage et la magie présente en toute chose. L’art est de concentrer quelque chose de volatile en un élément que nous pouvons manipuler.


— Un artefact le fait. » Face au silence qui s’étendait, Hyvaline crut bon de préciser. « La statue.


— C’est le mal de ce millénaire que de qualifier chaque objet chargé de magie artefact. Cette statue n’est pas plus un artefact que le Héraut Sylvestre.


— Mais… C’est la définition.

 

— Je n’ai jamais été d’accord avec ce précepte de l’Assemblée. Ce besoin de mettre un mot générique sur tous les objets de pouvoir pose un problème majeur que vous n’êtes plus capable d’en discriminer les nuances. Connaissez-vous l’histoire du Héraut Sylvestre ?


— Non.


— Tout est à refaire dans cette école. Connaissez-vous celle du Calice de Saléos ?


— … Non.


— Celle du Fléau des Mages ?


— Vaguement.


— Mais que vous apprennent-ils ?, s’agaça l’archimage.


— Je… Je ne suis pas une enchanteresse, nous n’avons pas à les connaître outre mesure.


— La magie n’est pas qu’un outil. C’est une essence, chaque magie que nous manipulons, nous la marquons de notre Soi. Ils nomment cela une signature magique, vous devez le savoir. Bien, il n’y a pas que le Soi qui le marque, mais également l’objectif. Une magie lancée avec un but de mort, fusse-t-il de la mort de personnes maléfiques, sera vicié. C’est le cas du Fléau des Mages. Celui du Héraut Sylvestre, qui servit à repousser des hordes d’orcs est moins direct ; mais l’objectif demeure dans l’affrontement. D’ailleurs, les porteurs finirent par s’affronter et le dernier en date connut un destin cruel. L’essence du dessein marque autant que celui du Soi.


— Quel était l’objectif du Foyer ?


— N’y pensez plus. Le secret du Foyer est une pierre qui, une fois déplacée, pourrait faire chuter un édifice entier. »


Hyvaline demeura silencieuse, presque interdite. Depuis qu’elle avait vu le gouffre, quelque chose la dévorait de l’intérieur pour découvrir ce qu’était le Foyer. Peut-être était-ce la femme qui demeurait sous ce masque.


« Pourquoi le Globe de Sagesse m’a-t-il mené à vous ? »


Le silence de Quetza lui parut durer une éternité.  L’archimage demeurait installée, la main négligemment posée sur l’accoudoir, le regard plongé dans les flammes violettes. Sa tête s’inclina vers l’avant, affligée du poids du masque qu’elle arborait. Hyvaline, encore sensibilisée par l’essence de magie, pouvait entendre les voix s’affronter au fond de son esprit. S’invectivant dans une langue qu’elle était incapable de comprendre. Bientôt, elle devina, sur les tons employés que la discussion portait sur la quantité d’informations qu’elle accepterait de lui révéler. Enfin, elle redressa la tête, ses épaules se rejetèrent en arrière et Quetza lui parut grandir de plusieurs dizaines de centimètres.


« Le temps est une chose étrange. Willanjis l’a créé de manière à ce qu’il puisse se distordre selon son bon vouloir. Soyez heureuse, Hyvaline, et il s’échappera de vos doigts. Soyez malheureuse, il s’étiolera dans un miasme de désespoir. Vous ne deviendrez jamais une grande archimage, quand bien même seriez-vous la plus douée des psychistes. Vous ne serez jamais plus qu’une personne dénigrée entre nos griffes. Pour autant, nous avons besoin de l’aide de personnes communes, de personnes que nous préférerions voir disparaître pour la mise en péril inconsciente de l’édifice que nous avons bâti.


» Depuis bien plus longtemps que l’Assemblée n’existe, nous œuvrons à rétablir un lien que nous avons dû briser. La magie est sauvage. Personne ne vous le dira en ces termes, car personne ne se souvient de ce qui se déroula, des centaines d’années plus tôt. Nul ne saurait dévoiler sa sauvagerie sans en être victime. Vous êtes une preuve de cette sauvagerie.

 

» Vous êtes une mage innée. Une sorcière qui n’a jamais eu aucun ancêtre maîtrisant les arts occultes. Votre don est indompté, fier et féroce. Il ne connaît aucun maître, car vous n’en êtes qu’un vecteur. Vous, comme tous les sorciers dans votre genre, êtes un agent de cette magie. Vous n’êtes point une Sentraneau dont les hauts faits furent voués à l’oubli par les Iphurnus. Point même, une Zigual, qui subira le même sort. Vous n’êtes guère une Fossecrelle, qui vouèrent leur corps et leur âme sur l’autel du pouvoir. Vous n’êtes personne, et en cela, votre don ne pourra jamais être confiné par un nom.


» La toile tissée est ainsi faite que le Globe de Sagesse fut enchanté par l’un des mages innés qui est à l’école. Il sera alors remis, par la providence et par la sauvagerie jusqu’à vous. Puisque les secrets dont je suis porteuse, permettent à cette magie de ne pas vous déshumaniser. »


Pendant plusieurs minutes Hyvaline resta silencieuse, ses pensées voguaient au flot des révélations de l’archimage. Celle-ci se redressa, les interrompant d’un bruissement de tissus. Quetza se pencha vers elle, plongeant ses yeux d’or jusque dans les tréfonds de son âme. Elle était pourtant loin d’y reconnaître là une psychiste, sans pour autant y voir une étrangère. Ses doigts gantés glissèrent sous son menton, lui infligeant une caresse qui la fit frissonner d’effroi. 


Le paon s’agita, glissant sur le masque dans un mouvement reptilien. « Hyvaline. » Son ton avait de nouveau un léger accent, ses yeux dorés brillaient dans la nuit. « Désormais, vous devez me révéler ce que vous avez appris. »


Tout ce qui se déroula ensuite, se résuma aux flammes qui crépitaient et aux flammes violettes dans lesquelles un chien l’observait. 


Elle s’éveilla au fin fond de son lit, les souvenirs troubles de la soirée de la veille se clarifièrent à mesure qu’elle évacuait les brumes de Dranigba. Hyvaline leva les poings à ses yeux et les frotta, un réflexe de l’enfance dont elle n’était jamais parvenue à se débarrasser. Le soleil filtrait au travers des persiennes de la chambre qu’elle partageait avec trois autres étudiantes. Des paravents séparaient les différents lits et leur offrait l’illusion de l’intimité.

 

La psychiste tendit ses sens autour d’elle, si l’effet de ce qu’elle avait consommé la veille s’était dissipé, ils semblaient presque alourdis. Comme si les solliciter lui était devenu à la fois plus et moins naturel. Les paradoxes au réveil lui faisaient monter une migraine de bon matin, elle grommela, pestant contre elle-même de s’être laissé endormir par la vipère. Elle eût beau chercher, son don ne repérait personne. Ou alors elle était sourde magiquement, comme cela lui était arrivée après un examen particulièrement corsé où elle avait que trop sollicité son don, ou bien elle était seule. 


Ce que la magie ne pouvait découvrir, ses yeux le lui confirmeraient. Dans la chaleur de ses couettes, l’adolescente se tourna sur le côté. Les examens étaient bientôt et elle traînait au lit. Ils ne les annuleraient pas à cause de ce qu’elle avait découvert. Il lui fallait rendre son père fier, lui qui se démenait pour lui offrir une éducation à laquelle ils n’avaient pas les moyens de lui faire prétendre. Quand bien même les mots de l’archimage rendaient ses appuis sur ses convictions instables, elle ne pouvait rester ici. 


Qu’avait-elle voulu dire en qualifiant sa magie de sauvage ? La seule fois où elle l’avait été, c’était lorsqu’elle était bien plus jeune. Ce n’était pas rare, selon ses professeurs, que des jeunes gens manifestent des dons quand personne de leur famille n’en avait déjà fait montre. 


Elle se redressa assise, en s’étirant, les bras levés bien haut. Encore habillée avec sa tenue de la veille, elle tenta d’en lisser les plis maladroitement. Puis, lentement, en glissant ses pieds nus dans des chaussons qui traînaient sous son lit, elle se traîna jusqu’au lit de l’une de ses voisines. Personne. Hyvaline inspecta les autres lits, avant d’en déduire qu’elle était bel et bien seule. Habituellement, cela l’aurait réjouie au-delà des mots, à vivre à l’école on en oubliait bien souvent ce que cela faisait d’être seul. Ces instants étaient précieux. Pourtant, elle se sentit si inquiète qu’elle en ouvrit grand la fenêtre, inquiète que l’heure lui ait échappée. 


Eblouie par l’astre haut dans le ciel, un vent de panique l’envahie. Elle avait perdu de précieuses heures qu'elle aurait pu prendre à réviser. Elle se rhabilla à la hâte, fit un brin de toilette pour tenter de se donner figure humaine – il fallait bien avouer qu’elle serait bien retournée se coucher. Avant de filer à toute vitesse hors de sa chambre. Dans sa précipitation, l’adolescente n’avait pas vu, sur sa table de nuit, une missive pliée laissée là à son attention.


Hyvaline débarqua dans la bibliothèque, essoufflée par sa course, elle prit quelques instants pour se remettre avant de devoir traverser l’effervescence des élèves. Il lui semblait qu’elle s’était absentée plusieurs semaines, pourtant cela faisait à peine une journée. Le silence assourdissant l’alarma. Si l’effort était devenu plus naturel avec le temps, c’était comme garder un poing fermé en son cœur, pour réfréner son pouvoir, elle l’oubliait mais en avait toujours conscience. Baigner dans les pensées mal ordonnées la dégoûtait, et elle préférait s’en prémunir. La plupart des personnes n’avaient jamais travaillé à organiser leur esprit, ce n’était pas quelque chose de nécessaire à la survie. Elle-même, si sa vie avait été normale, son esprit aurait été un bureau recouvert de papiers qui s’envolaient à chaque réflexion.


Elle n’avait pas été choisie, et les mots de l’archimage brouillaient encore davantage les pistes de réflexions qui auraient pu expliquer l’existence de son don. Il n’y avait jamais eu de question de choix, dans cette histoire, seulement de fatalité. Certains vivaient l’absence de magie comme telle, d’autres sa présence et elle… Elle se situait au milieu, sans trop savoir ce qu’il en était. C’était comme ça, depuis le début de son existence, sa vie avait été rythmée par ça. S’en affranchir serait comme perdre une part de ce qui faisait son individualité.


Après quelques instants, elle sentit quelque chose se dénouer au fond d’elle, les pensées étaient un murmure lointain. Quelque chose avait changé, sans pouvoir l’identifier, elle percevait les pensées avec une acuité différente. Ils ne la submergeaient pas. Elle capta son nom, en provenance de Lena qui s’interrogeait sur son absence. Rien que cela, était une exception. C’était comme entendre une personne à dix mètres dans le fameux marché du festival de Donblas.

 

Son don agissait de manière étrange, aussi, Hyvaline n’essaya pas de percer la foule par le biais de l’esprit et dût s’en remettre à la bonne vieille méthode. Elle manqua de heurter une première personne, puis un élève qui avait raté sa transformation et se retrouvait affublé de cheveux de plumes. Elle détourna rapidement le regard, tandis que le souvenir du paon de l’archimage s’imposait à elle. Finalement, de nouveau échevelée elle rencontra Lena.


« Ah ! Hyvaline ! »


L’apprentie invocatrice bondit vers elle, et l’entoura dans une étreinte qui mit mal à l’aise l’adolescente. Maladroitement, elle tapota son épaule.


« Où étais-tu passée ? Tu m’avais dit que tu reviendrais ! Je me suis inquiétée, mais les professeurs ont refusé de m’écouter. Tu ne disparais jamais d’habitude. Que s’est-il passé ? Non, parce que moi, seule, je me suis retrouvée avec… »


Lena prit le temps de lui conter tout ce qui lui était passé, dans des détails improbables qui assommaient Hyvaline. Qu’est-ce qu’elle parlait ! Elles s’installèrent à une table – négociée à prix d’or. Elle lui adressa un sourire impressionné, submergée par le flot de paroles. On pouvait lui accorder qu’elle ne se perdait jamais entre ses digressions, elle revenait toujours à son postulat de départ, à condition d’avoir une heure devant soi.


« Oh, et j’ai même demandé à Essan… » Un sourire rêveur s’étira sur ses lèvres et ses pensées devinrent mielleuses, boutant Hyvaline hors de son esprit, qui fuyait le pathos de son amie. « Je l’ai croisé quand je te cherchais au réfectoire. Il faut bien qu’il prenne du repos, de temps à autres, la professeure Hurlefreux est très exigeante. Si tu veux mon avis, c’est pas un hasard si un seul de ses enfants a choisi la magie et en plus… » Lena se pencha vers elle et reprit un peu plus bas, comme si elle proférait une insulte honteuse. « … Un abjurateur !


— Peut-être que ses autres enfants n’avaient pas de don.

  

— Impossible !, ricana son amie, Selon ma mère, elle est trop puissante pour que ses enfants n’aient pas hérité. » Hyvaline réprima une grimace, se composant un air neutre. Pour sûr, la réputation de la professeure Hurlefreux, comme de tous les autres professeurs de Proncilia n’était plus à faire. La mère de Lena était également plutôt reconnue, si elle en croyait les rumeurs. « Alors, je pense qu’ils ont juste trop peur qu’elle les surveille toute la journée. 


— Tu sais comment Essan est arrivé à l’école, d’ailleurs ?


— Pas vraiment. Il n’aime pas trop en parler, à chaque fois il évite le sujet ou tu sais comme il fait. » Oh, Hyvaline savait parfaitement comment il faisait, ce qui n’empêcha pas son amie de continuer. « Il fait son petit sourire avant de me faire parler. C’est vraiment un coup en traître, ça.


— Tu sais, tu n’es pas obligée de te laisser faire. Tu peux lui poser d’autres questions. Il comprendrait peut-être qu’il te plaît.


— Me plaire, n’importe quoi ! » Hyvaline lâcha un rire devant la dénégation trop appuyée pour être honnête, sentant le monde redevenir normal sous ses pieds. « Enfin, je suppose qu’il n’est pas bien né. Ses parents ne sont jamais venus à l’école… Oh pardon, je voulais pas dire que vous êtes mal nés…


— Bah. » Elle balaya l’air de la main, peu touchée par ses mots. « Tu sais, ce n’est pas un gros mot. Il m’est arrivé… » 


Sa voix se coupa brutalement, lui faisant monter une quinte de toux. Hyvaline s’accrocha à la table, tandis que la toux prenait tant en force, que son amie lui tendit sa propre gourde pour qu’elle puisse se désaltérer. 


Gare à qui les révèlerait ; la connaissance s’accompagne de silence.

 

C’était ce que la professeure lui avait dit. Si Hyvaline sentait qu’elle pouvait forcer pour le dévoiler, le sort qui se déclenchait en elle n’était pas si puissant, ce n’était pas une malédiction. Elle prétexta qu’à cause de l’anxiété, elle avait tenté de voir son père à la milice et qu’ils l’avaient enfermé. La méconnaissance de Lena lui fit gober tout rond son mensonge. Elle passa l’après-midi à réviser, puis son amie alla se coucher, et Hyvaline resta dans la bibliothèque qui ne désemplissait pas. Il lui fallait rattraper son retard, les examens n’attendaient jamais, pas même l’année où un élève était décédé. Rien ne devait la détourner de rendre son paternel fier d’elle.


Alors que les oiseaux chantaient dehors, et qu’il lui restait qu’une paire d’heures à dormir, Hyvaline rentra sans un bruit avec sa bougie presque entièrement consumée dans ses quartiers, provoquant quelques grognements de ses colocataires. En la déposant sur la table de nuit, elle remarqua la missive. Elle se fit violence pour ne pas la lire tout de suite, glissa sa robe de chambre et récupéra son carnet de notes. Allongée, remontant les couettes sous son menton, elle finit par la saisir du bout des doigts, craignant ce qu’elle contenait. 


« Hyvaline,

Je vous présente toutes mes excuses pour ce qu’il s’est passé hier. Sachez que vos informations nous ont permis de pouvoir recadrer l’utilisation d’une denrée précieuse pour l’Assemblée des Mages. Vous ne serez plus inquiétée par ces événements, et je ne vous solliciterai plus. Si d’aventure cela ne vous convenait pas, projetez-vous un drane de pleine lune jusque dans la salle que vous avez découvert.

Serf Ennya Hurlefreux. »


A peine eût-elle fini de la lire que la missive disparu, téléportée dans un autre lieu. Ses doigts crépitaient encore du pouvoir du glyphe qui avait été utilisé. En levant la tête vers la fenêtre, Hyvaline ne sût pas ce qu’elle ferait lorsque viendrait le temps. Traniria était encore loin, elle quitta ses rêveries pour se reconcentrer : les théories séculaires n’attendraient pas plus longtemps.

Essan

Essan

Aucune faction connue

Hyvaline Chorvier

Hyvaline Chorvier

Serfs de l'Occulte

Ennya Hurlefreux

Ennya Hurlefreux

Assemblée des Mages / Serfs de l'Occulte

Quetza

Quetza

Lignage

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