Quelques heures plus tôt.
Le dragon poussa les portes de son antre. Les mains recouvertes de sang et une odeur de brûlé dans son sillage n’avaient pas suffit à émousser la rage qui l’habitait. Déjà, avant, elle haïssait les ombromanciens et leurs associés. Des couards qui se dissimulaient dans les ombres, incapables de sortir hors de leur domaine impie.
Le feu crépitait encore en elle, sa flamberge lui insufflait de sombres pensées. Le dragon se retenait de faire déferler l’envers sur Vesperae pour la retrouver, et le temps qui s’écoulait rendait chaque jour sa mort plus tangible, probablement trop.
Il lui fallait prendre une décision, faire un choix et s’assurer que l’œuvre de Danyah n’en soit pas souillée. Tout ce qui commençait devait trouver une fin. Sur son bureau, en parfait état, trônait sur un coussin de soie un cristal. Son devoir avait été un rempart contre le dragon qui ne cessait jamais de rugir en elle, un bouclier levé à la face de sa corruption et de ses griffes profondément plantées dans son âme.
Depuis, cela avait été une lutte de chaque instant, un contrôle d’acier à imposer à celle qui chantait la mort en elle. L’assemblée ne la lâchait pas du regard et ses excursions seraient bientôt remarquées, ils tenteraient de reprendre l’ascendant sur l’école. De rebâtir leur censure sur la magie noire, de rendre ces enfants déjà stupides encore plus insipides qu’ils ne l’étaient en leur dissimulant la réalité de ce monde.
Ils renforçaient les cendres par leurs exactions et créaient des générations de mages incapables de se sortir du domaine des ombres, incapables d’appréhender le véritable pouvoir de la corruption. Ce pouvoir n’était pas une âme souillée, il n’était pas un simple meurtre, il était bien plus profond que ça, si vicieux que depuis la nuit des temps des personnes tombaient sous son contrôle. Elle la première.
Plus tard, dans la forêt.
La directrice avait troqué sa tenue pour une autre, nettoyé ses cheveux que le temps et la mort avaient blanchis. Pour une fois, elle n’avait pas dissimulé ses cornes, pas plus celle qui était brisée que celle qui faisait encore son œuvre et leur ivoire marbré de veines noires captaient les éclats de Danava.
La flamberge à sa ceinture, vidée de son maléfice, s’était apaisée et son murmure presque inaudible demeurait incompréhensible. Cela ne l’avait pas apaisée, mais avait enfermé le dragon au fond de son esprit. Elle attrapa le cristal qui s’illumina légèrement avant de se rapprocher du campement de Faern’aral.
Les causes désespérées méritaient des mesures drastiques. Pour les mener à bien, il fallait quelqu’un de suffisamment aliéné pour accepter d’en porter le poids et prendre les risques inhérents. Ils représentaient la cure pour ceux qui fautaient, et des rumeurs qui lui avaient été reportés, les membres gangrénés qui couraient encore n’étaient plus leurs associés.
Elle se présenta aux portes du campement et s’arrêta, observant autour d’elle, déployant l’affinité qu’elle avait pour la terre pour surveiller les alentours. La main déposée sur son arme, elle chercha du regard les gardes qui protégeaient le camp des intrus. Il était temps qu’elle rencontre Eldarion avant de prendre davantage de risques.
Devant le camp, laissant son pouvoir rôder autour d'elle autant pour s'annoncer que pour prédire qui viendrait à sa rencontre, Brunehilde Richetour attendit que les chasseurs de mages viennent à sa rencontre.
« J'ai moi aussi eu grand plaisir à discuter avec vous, ces occasions se font trop rares à mon goût, mais vous êtes quelqu'un de plus occupé que jamais, maintenant. Le Clan saura se souvenir des liens et de la cause qui nous unissent et je n'oublierais pas les nôtres. »
Elle tourna la tête aux propos de l’âme de Faern’aral, et éprouva à nouveau l’absence du symbole à son doigt. Les symboles avaient leur importance, qu’ils soient matériels ou non. Toute l’histoire en était jonchée : les gens mourraient pour les symboles aussi volontiers que pour leurs pères et mères. Combien de personnes seraient prêtes à mourir pour retrouver la Sphère de Vie et assurer ainsi à leur héritage une vie pérenne ? Tout comme Yvan Iphurnus avait été prêt à mourir pour venger la destruction du Calice de Saléos. Elle espérait qu’il s’en souviendrait.
« Ces liens m’honorent, ainsi que l’école de magie. Votre ordre a pérennisé des années durant et vous demeurez ceux qui réussirent à se défaire de la plaie qu’est la corruption. Leur rareté fait leur valeur. »
Bons, comme mauvais, avaient besoin de ces symboles. Eldarion pouvait représenter celui d’un renouveau pour la guilde des chasseurs de mages. Elle l’observa écarter le pan de la tente, avant de lever les yeux vers lui.
« Puisse le retour dans votre ville être sans tumulte, je vous ferais parvenir une bouteille d'hydromel que seul Cirel est en mesure de produire pour sceller à nouveau notre accord. Et peut-être que l'occasion se présentera de venir le boire à Trigorn, cette fois. » Son regard bleu s'irradia d'une légère lueur amusée « C'était un plaisir de vous recevoir, Brunehilde. »
« Il le sera. Je la conserverai jusqu’à ce que vous trouviez la route de Trigorn. Merci pour votre accueil et votre présence. » Elle inclina la tête, laissant son mouvement signifier ce qu’elle ne révéla pas. Il serait sans doute déjà trop tard lorsqu’il viendrait.
Elle sortit de la tente et s’éloigna du camp, resserrant sa prise sur le pommeau de sa flamberge, la magie répondit comme à son habitude avec une impatience qui se mêlait à son calme apparent.
Des décennies à parfaire son contrôle, à ne jamais lancer des sorts majeurs pour ne plus entendre le chant du pouvoir résonner à ses oreilles, mais elle était désormais prête à faire ce qu’il fallait pour protéger les siens et détruire Amecareth Iphurnus. Il était la peste, contaminait tout ce qu’il touchait pour en faire des monstres dénués de sentiments. Aleister en souffrait et peinait chaque jour un peu plus à lutter contre son influence. Un jour, il serait trop tard. Mais cette vermine continuait inlassablement de se terrer dans un des trous sordides que même Nagash aurait répudié.
Le dragon espérait qu’il s’en souviendrait, pour tuer le monstre, il lui faudrait en devenir un. Et si elle devait périr au fil d’une arme, elle voulait que ce soit celle de l’âme de Faern’aral.
« Le Royaume et l’Assemblée sont deux alliés qui n’ont plus rien en commun que le besoin mutuel l’un de l’autre. Ils s’épaulent et s’entraident mais l’échange a été brisé il y a bien longtemps, bien avant la guerre civile qui a menacé le Royaume en 1252. Ils sont deux étrangers, ne parlant pas la même langue et en cela doivent demeurer neutres pour ne pas perdre les avantages de l’un ou de l’autre. »
« Ils ne s’élèveront pas contre l’Assemblée, ni prendront par pour elle sauf s’il y a un cas de force majeur, ce que l’Assemblée évitera à tout prix. » Eldarion écouta avec intérêt le propos de la Directrice, joignant à nouveau ses mains, l'air pensif un instant. Ne pas avoir à composer avec le Royaume était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Seul le temps répondrait à cette délicate question : Quel intérêt ferait le plus pencher la balance.
A nouveau son regard s'était posé sur Brunehilde qui était redevenue la Directrice aux milles affaires encore à régler. En retour de son sourire qu'il prit là pour une déclaration sans aucun mot prononcé, il sourit lui aussi.
« Mes excuses, je vais devoir vous laisser. Certaines affaires requièrent mon attention. Merci, Eldarion pour votre temps. Si Faern’aral a besoin de quoique ce soit, nous demeurons présents. Et moi également, discuter avec vous est toujours un plaisir. »
Terminant sa chope il s'était levé à son tour, dans un geste respectueux il lui avait répondu, inclinant la tête. « J'ai moi aussi eu grand plaisir à discuter avec vous, ces occasions se font trop rares à mon goût, mais vous êtes quelqu'un de plus occupé que jamais, maintenant. Le Clan saura se souvenir des liens et de la cause qui nous unissent et je n'oublierais pas les nôtres. » Il reposa son regard sur la directrice, la voyant s'éloigner. De quelques pas il vint la rejoindre, dressant le bras dans sa direction, de sa main il écarta le pan de tente pour lui offrir le passage, avant de baisser les yeux vers celle qu'il dépassait après tout d'une bonne dizaine de centimètres. « Puisse le retour dans votre ville être sans tumulte, je vous ferais parvenir une bouteille d'hydromel que seul Cirel est en mesure de produire pour sceller à nouveau notre accord. Et peut-être que l'occasion se présentera de venir le boire à Trigorn, cette fois. » Son regard bleu s'irradia d'une légère lueur amusée « C'était un plaisir de vous recevoir, Brunehilde. »
Un bref sourire étira les lèvres de la directrice lorsqu’elle vit l’elfe perdre ses moyens pour ce qu’il s’agissait de boire, mais ne fit aucune remarque.
« Et j'imagine que c'est de là que naissent en partie les tensions. Le contrôle leur échappant. »
D’un geste de tête, elle acquiesça. Le contrôle était une part essentielle du pouvoir, pour certains plus que d’autres. Une fois que le contrôle avait été perdu une fois, il était impossible d’oublier le chant entêtant du pouvoir.
« Avez-vous une idée de la manière dont se positionne votre Royaume au regard de l'Assemblée ? Lorsque ce qui doit se produire se produira … Un instant le regard d'Eldarion s'était voilé, Et que le Clan fera face à eux aux côtés des héritiers désignés de votre volonté et de celle de Jourdain Danyah, devrons-nous compter avec son implication ? »
Un bref instant elle demeura songeuse. Puis elle but une gorgée de son verre avant de le reposer sur ce qui s’approchait le plus d’une table dans la toile de tente.
« Le Royaume et l’Assemblée sont deux alliés qui n’ont plus rien en commun que le besoin mutuel l’un de l’autre. Ils s’épaulent et s’entraident mais l’échange a été brisé il y a bien longtemps, bien avant la guerre civile qui a menacé le Royaume en 1252. Ils sont deux étrangers, ne parlant pas la même langue et en cela doivent demeurer neutres pour ne pas perdre les avantages de l’un ou de l’autre. »
Elle prit quelques instants et finit par compléter.
« Ils ne s’élèveront pas contre l’Assemblée, ni prendront par pour elle sauf s’il y a un cas de force majeur, ce que l’Assemblée évitera à tout prix. »
Puis, lentement, ses épaules s’étaient de nouveau tendues face aux tâches qu’il lui restait à faire, elle accorda un sourire sincère à Eldarion.
« Mes excuses, je vais devoir vous laisser. Certaines affaires requièrent mon attention. Merci, Eldarion pour votre temps. Si Faern’aral a besoin de quoique ce soit, nous demeurons présents. Et moi également, discuter avec vous est toujours un plaisir. »
Elle se redressa et inclina la tête en raccrochant la flamberge à sa ceinture, l'arrière goût de l'hydromel elfique encore sur son palais la faisait regretter de partir, mais déjà elle reculait de quelques pas. Les regrets n'avaient jamais empêché le Dragon de faire quoique ce soit.
« Cirel n’est pas réputée pour ses boissons, mais je ne suis pas de ces palais difficiles pour autant. » Elle le remercia d’un signe de tête et attrapa sa tasse entre ses deux mains. « Bien que Brastos aurait été de votre ascendance et que vous deviez lui rendre honneur. » La remarque de la Directrice fit naître un léger sourire sur le visage de l'abjurateur, était-ce vraiment une pointe d'humour qu'il avait perçu ? S'était-il laissé à penser l'air amusé. Décidément le camp réussissait un peu trop bien à Brunehilde pour qu'elle ne s'y attarde, mais ce n'est pas lui qui allait s'en plaindre. Bien qu'il ait toujours entretenu des rapports cordiaux et égaux avec l'intégralité des membres du Clan, à l'exception de quelques uns qui n'en faisait à présent plus partit, il eut une pensée pour Ehmyr Kraver, partit trop tard. Nombreux étaient ceux qui le considérait déjà avant même qu'il ne devienne le meneur de Faern'aral comme un sage, un guide, pour son expérience de vie, son tempérament mais aussi pour le lot d'épreuves qu'il avait eut à surmonter en lien avec la magie. Seule Galadriel, peut-être, échappait encore à la règle. En ça Brunehilde présentait quelque chose de rafraichissant, à son échelle son existence ne représentait qu'une dizaine d'années dans la vie d'un elfe, mais pour les hommes elle avait fort vécu et son passé la rendait plus riche en de nombreuses matières qu'un livre sur le sujet. Avec la Directrice un véritable rapport d'équité et de respect s'était construit et elle lui avait pour l'heure plus apporté qu'il n'en avait été capable. Un doux sentiment. — Je continue de temps à autres, lorsque mes disponibilités vont de pair avec cela. A cet effet, nous avons recruté deux nouveaux professeurs. Une femme se décrivant anti-mage – pour peu que cela ait un quelconque sens, le terme d’abjurateur devait être trop complexe d’élocution, je présume. » Eldarion n'avait pas souvent été familier des plaisanteries acerbes, le plus souvent dirigées à son encontre il avait fini par écouter ce qui lui semblait le plus pertinent entre le murmure du mana et les insinuations douteuses au sujet de son don. Et il avait fait ce choix il y'a fort longtemps. Mais lorsque la Directrice évoqua cette nouvelle professeure, tandis qu'il était entrain de boire le premier, s'assurant que l'hydromel n'avait pas été altéré d'une quelconque manière, un rire le saisit, pour garder la face et ne pas provoquer d'incident diplomatique il fit le choix de s'étouffer derrière sa main, plutôt que de recracher le meilleur hydromel de sa tente au visage de Brunehilde. Après plusieurs quintes de toux qu'il avait habilement étouffé dans son poing, il n'avait jamais appris malgré ses années de solitude à diminuer le pouvoir de la magie du rire, il réussi à se reprendre et à conserver le peu de dignité que l'hydromel lui avait laissé. S'excusant dans un geste. « Diane, malgré ses impératifs au Mur, dispense des cours d’histoire de la magie en plus des autres. Et nous avons recruter une historienne qui, loin d’être mage, a suffisamment d’expertise dans le domaine pour correspondre à mes attentes. » Toutefois attentif a ses propos, il acquiesça, se demandant tout en se remettant de ses émotions quels critères aussi rigides soient-ils pouvaient bien être ceux de la Directrice. « Je me concentre, depuis, sur les élèves de la classe des armées. Sans le suivi de l’Assemblée, nous sommes désormais capables de mettre nos propres critères pour l’intégration. Nous basons la plupart des évaluations sur le contrôle et les sorts de neutralisation. Un pyromancien devra être capable d’absorber les flammes, s’il veut rejoindre et non pas seulement de projeter une boule de feu. »
« L’Assemblée exige des experts qu’ils soient capables d’inventer un sort, nous n’avons pas les mêmes considérations avec cette classe et j’estime qu’ils seront un peu équilibrés ainsi en finalité. » Involontairement Eldarion avait fait replonger la conversation dans les problématiques qui avaient amenés Brunehilde à se présenter ici. Pour autant et c'était une évidence à son attitude, le dragon n'abandonnerait jamais le combat quoiqu'il en coûte et ce jusqu'à la dernière seconde de sa vie. Brunehilde Richetour partirait debout, non sans avoir tout essayé. C'est en tout cas l'idée qu'il s'en faisait. « Et j'imagine que c'est de là que naissent en partie les tensions. Le contrôle leur échappant. » Il avait repris une gorgée, précautionneusement cette fois et tout s'était admirablement passé. « Avez-vous une idée de la manière dont se positionne votre Royaume au regard de l'Assemblée ? Lorsque ce qui doit se produire se produira … Un instant le regard d'Eldarion s'était voilé, Et que le Clan fera face à eux aux côtés des héritiers désignés de votre volonté et de celle de Jourdain Danyah, devrons-nous compter avec son implication ? » Finalement il décida de dissiper tout doutes qui pourraient persister au sujet de la guerre idéologique à venir, c'était une décision prise seul, mais qu'il devrait présenter devant ses frères d'armes.
"Je n'ai rien contre les excentriques, en tout cas, je le crois. Mais je vous fais confiance et préfère suivre vos recommandations, vous la connaissez mieux que moi."
Richetour se contenta d’arquer un sourcil en l’observant se lever. Qu’il apprécie les excentriques, quand elle voyait le fonctionnement de Faern’aral ne la surprenait pas, mais elle ravala cette remarque acerbe sur les membres du clan.
« J’ose espérer que celui-ci sera à votre goût. Mais sachez que si ce n’est pas le cas je ne tiens pas à ce que Cirel porte toute la responsabilité de mon échec. »
Elle jaugea d’un œil ambré la bouteille et les chopes qu’il apportait auprès d’elle. A une époque plus lointaine, elle ne crachait pas sur le goût de certains aliments, désormais elle s’affranchissait de ce genre de plaisirs éphémères mais surtout de tout ce qui pouvait éroder son contrôle ou ses sens. Cette fois ferait exception à la règle.
« Cirel n’est pas réputée pour ses boissons, mais je ne suis pas de ces palais difficiles pour autant. » Elle le remercia d’un signe de tête et attrapa sa tasse entre ses deux mains. « Bien que Brastos aurait été de votre ascendance et que vous deviez lui rendre honneur. »
Aucun sourire n’étira ses lèvres et son propos avait été sec, mais la métallurgiste laissa un peu de chaleur au travers de son regard d’acier, signifiant que c’était une plaisanterie, ou une simple moquerie. L’expressivité de Richetour n’avait que peu de gammes dans ce domaine.
« Continuez-vous à donner des cours malgré vos nouvelles responsabilités ? J’avais cru comprendre qu’à la résolution des événements de Trigorn vous aviez ouvert une nouvelle classe, en accord avec les armées du Roi. Qu’en est-il ?
— Je continue de temps à autres, lorsque mes disponibilités vont de pair avec cela. A cet effet, nous avons recruté deux nouveaux professeurs. Une femme se décrivant anti-mage – pour peu que cela ait un quelconque sens, le terme d’abjurateur devait être trop complexe d’élocution, je présume. » La directrice ne cacha pas ce qu’elle pensait de ce genre de personnes, les doués en tout, experts en rien. « Diane, malgré ses impératifs au Mur, dispense des cours d’histoire de la magie en plus des autres. Et nous avons recruter une historienne qui, loin d’être mage, a suffisamment d’expertise dans le domaine pour correspondre à mes attentes. » C’était une prêtresse de Dranig et elle avait lu nombre de ses ouvrages avant. Dommage qu’elle fût aussi détestable, mais ce n’était pas le dragon qui allait le lui reprocher.
Elle leva sa chope vers celle d’Eldarion et but une gorgée, appréciant la chaleur qui se répandait sur son palais et en profita pour incliner la tête, semblant dire que ce n’était pas mauvais.
« Je me concentre, depuis, sur les élèves de la classe des armées. Sans le suivi de l’Assemblée, nous sommes désormais capables de mettre nos propres critères pour l’intégration. Nous basons la plupart des évaluations sur le contrôle et les sorts de neutralisation. Un pyromancien devra être capable d’absorber les flammes, s’il veut rejoindre et non pas seulement de projeter une boule de feu. » Un bref mouvement remua la commissure de ses lèvres. « L’Assemblée exige des experts qu’ils soient capables d’inventer un sort, nous n’avons pas les mêmes considérations avec cette classe et j’estime qu’ils seront un peu équilibrés ainsi en finalité. »
« Adwarin a fait partie de ceux qui avaient entamé les négociations avec les mages, lors du conseil, je suppose que sa jeunesse lui permettra d’avoir un œil neuf sur les événements à venir. Je ne connais guère Galadriel, mais je ne doute pas que vous fassiez le bon choix, et c’est un bon parallèle avec son expérience et son vécu. »
Eldarion acquiesça à son propos, lui et Galadriel avaient des différences notables de perception mais tout deux avaient subis les affres des affrontements lors de la Grande Fracture et il la pensait plus à même que n’importe qui d’autre de remplir ce rôle.
« Il me semblerait plus prudent de leur offrir un moyen de vous contacter, je crains que Diane ne surgisse dans votre tente au beau milieu d’un vortex, c’est une excentrique. »
Il souffla du nez à cette remarque, serait-ce une forme d’appréciation de sa part ? Il n’avait pas souvent entendu Brunehilde s’épancher sur la nature de ses relations avec qui que ce soit. Elle avait présenté Eddard comme un choix à la fois stratégique et de confiance, Diane quant à elle était une excentrique, se pouvait-il qu’elle soit simplement… Une amie ? "Je n'ai rien contre les excentriques, en tout cas, je le crois. Mais je vous fais confiance et préfère suivre vos recommandations, vous la connaissez mieux que moi." Eldarion ne s’attarda pas sur l’idée, se levant alors qu’elle acceptait sa proposition, il ne sentait plus le poids du regard de la Directrice quant bien même il était planté sur lui. L’atmosphère se faisait à présent moins pesante face à la charge qui s’était en partie levée de ses épaules.
Pour la première fois elle s’était débarrassée de son arme, un signe de détente qu’il n’espérait plus de sa part.
« J’ose espérer que celui-ci sera à votre goût. Mais sachez que si ce n’est pas le cas je ne tiens pas à ce que Cirel porte toute la responsabilité de mon échec. »
L’elfe s’empara de deux chopes qu’il entreprit de nettoyer brièvement, puis de la bouteille et vint servir la Directrice et enfin lui-même avant de lui confier la sienne.
Il convenait malgré les circonstances de poursuivre la conversation loin des préoccupations qui pouvaient les accabler.
« Continuez-vous à donner des cours malgré vos nouvelles responsabilités ? J’avais cru comprendre qu’à la résolution des événements de Trigorn vous aviez ouvert une nouvelle classe, en accord avec les armées du Roi. Qu’en est-il ? »
La nouvelle situation de Richetour, avec qui il n’avait jamais échangé encore à ce sujet, faute d’occasion de retrouvailles l’intriguait tout autant que les répercussions du Conseil des Mages qui avait tant causé de tort. Il avait tendu sa chope dans la direction de Richetour, dans l'espoir de trinquer avec elle, comme dans un nouveau geste de conciliation entre les deux facettes de la même cause qu'ils représentaient ou simplement parce que c'est ce que la coutume exigeait.
Brunehilde suivit du regard la surprise à peine effleurer ses traits à son dernier propos, mais ne s’attarda pas sur celle-ci outre mesure puisqu’il finit par parler.
« Concernant le Vice-Directeur Eddard, ainsi que Diane de Saphan, nous serons en mesure de leur fournir si nécessaire un artefact sommaire permettant de nous contacter en cas de besoin. Bien que j’imagine qu’ils n’en aient guère besoin. »
De l’amusement traversa les traits de la directrice, sans qu’il ne fasse frémir la commissure de ses lèvres pour autant. Il fallait bien avouer qu’elle imaginait très bien ce que ferait de Saphan avec ses manières d’invocatrice, si elle devait contacter Faern’aral. Berengar finirait harponné dans une longue discussion aux arguments fallacieux avec cette dernière.
« Dans l’éventualité ou Adwarin Carahel se sent à nouveau digne d’occuper une fonction dirigeante je le laisserais aspirer à un rôle de lieutenant malgré l’échec essuyé durant la fracture interne à Faern’aral. Personne d’autre ne porte plus que lui le fardeau d’avoir été biaisé par ses sentiments et il ne demeure pas le seul responsable. Adwarin conserve en lui, malgré sa jeunesse, le sang du héros. Il est le fils et l’héritier de Daeron dans son œuvre, c’est une symbolique importante, tout d’abord. Mais ensuite il ne fut indéniablement pas choisi au hasard par son père, qui malgré son jeune âge à su percevoir en lui des qualités de meneur. Pour autant, il se doit d’être mieux accompagné qu’il ne le fut jadis. Et craignant qu’il ne cède sous le poids des responsabilités et de la faute, je continuerais à garder la tête du Clan. »
Elle avait entendu parler d’Adwarin Carahel, et avait lu au sujet de Daeron. Une figure emblématique comme l’avait souligné Eldarion dans la fracture de Cirel, une figure qui avait été capable de retenir l’archimage. C’était un cours qu’elle n’abordait que lorsque les élèves étaient plus âgés, plus assidus. Une part importante de l’histoire qui révélait une notion vitale, à ses yeux, dans l’apprentissage de la magie. Nul, quelque soit le pouvoir, quelle que soit la puissance, quelque soit l’héritage, n’était intouchable. Les meilleurs élèves parvenaient à en déduire le plus important, qui manipulait la magie pour commettre des crimes, en payait le prix.
« Mon second choix se porte sur Galadriel Marethari. Elle fut contemporaine de la Grande Fracture de Cirel et mon élève en tant qu’abjuratrice bien que mon aînée. Galadriel a toujours fait passer son devoir et les intérêts du plus grand nombre avant toute autre chose. C’est une guérisseuse, un élément indispensable pour le Clan. Elle dispose d’une approche différente de la plupart des elfes au sujet de la magie, au sein même de Faern’aral et pense probablement le plus grand bien de vos écoles, même si elle ne l’évoque pas. C’est une vision divergente qui sera utile pour me conseiller, une personne de confiance, inspirant le respect et une alliée de notre cause depuis fort longtemps. »
Richetour acquiesça, placer des guérisseurs à la tête de quelconques factions, ou tout du moins, les placer en support, lui avait toujours semblé être une bonne idée. S’il y avait des morts, cela pèserait directement sur leur conscience. Tous n’étaient pas exempts de torts, bien entendu, nul ne l’était – à l’exception des quelques incapables de prendre une décision.
« Mais puisque nous sommes là et bien que les circonstances soient ce qu’elles sont, souhaitez-vous goûter de l’hydromel elfique, Brunehilde ? »
Elle détourna le regard vers la bouteille qui avait attiré l’attention de l’âme de Faern’aral et en revint à lui.
« Adwarin a fait partie de ceux qui avaient entamé les négociations avec les mages, lors du conseil, je suppose que sa jeunesse lui permettra d’avoir un œil neuf sur les événements à venir. Je ne connais guère Galadriel, mais je ne doute pas que vous fassiez le bon choix, et c’est un bon parallèle avec son expérience et son vécu. »
Elle ne s’étendit pas en commentaires, sur ces choix, il serait bien malvenu pour elle de le faire.
« Il me semblerait plus prudent de leur offrir un moyen de vous contacter, je crains que Diane ne surgisse dans votre tente au beau milieu d’un vortex, c’est une excentrique. »
Se saisissant de son fourreau, elle le décrocha de sa ceinture et déposa son arme face à elle au sol.
« De l’hydromel elfique, dites-vous ? Cela fait des années que je n’en ai pas bu, ce serait avec plaisir. »
Elle déposa les mains sur ses genoux et planta son regard sur Eldarion.
« Votre soutien honore l’école et les préceptes que nous tentons de défendre, Eldarion. » Elle inclina à son tour la tête, avec le respect qu’elle avait pour les chasseurs et la reconnaissance qu’elle n’exprimerait jamais. « L’union de nos ordres, comme elle le fut lors du conseil des mages, protègera les générations à venir des intrigues politiques dans lesquelles les êtres de pouvoir se complaisent. Bien qu’elles soient moins intolérables que celles sous-jacentes. L’Assemblée a ses propres… » La directrice eut un rictus. « … Principes pour se prémunir du chant de pouvoir. J’espère simplement que vous n’aurez jamais à les apercevoir. »
Les sourcils du Maître Abjurateur se froncèrent un instant à l’évocation des principes de l’Assemblée, mais tant qu’il n’y était pas directement confronté il n’irait pas creuser dans cette direction. Pour une fois il était inutile de se faire d’un ennemi quelqu’un qui avait tout pour l’être demain.
« J’en informerai le Vice-Directeur ainsi que Diane de Saphan qui seront vos principaux interlocuteurs lorsque le temps viendra de protéger les institutions. Les elfes avaient toutes les raisons de se tenir éloignés des territoires humains, après l’insulte du détournement du fleuve Weane. Mais plusieurs générations ont passé, chez les humains, depuis cet événement et avec chaque naissance change la vision du monde, pour le meilleur ou pour le pire. »
La mention de Saphan lui arracha un faible sourire et le bout d’histoire relevé par Richetour lui fit clore les yeux d’un léger amusement. La professeure passionnée par l’histoire du Royaume se réveillait, mais il fallait lui donner raison, c’était une perception que certains elfes ne possédaient pas malgré des centaines d’années de vie et ces années en étant probablement la cause, l’humanité évoluait. Bien plus rapidement que le peuple elfique.
« Je suis néanmoins surprise de vous savoir seul à la tête de Faern’aral. Avez-vous déjà une idée de ceux que vous choisirez pour vous épauler ? » « Je suppose que vous avez déjà quelques idées. »
Il rouvrit les yeux pour l’observer, à nouveau, il ne dissimula pas particulièrement sa surprise que Brunehilde s’intéresse à la structure interne du Clan mais se décida à ne pas lui faire part de cela, se contentant de lui répondre. « Concernant le Vice-Directeur Eddard, ainsi que Diane de Saphan, nous serons en mesure de leur fournir si nécessaire un artefact sommaire permettant de nous contacter en cas de besoin. Bien que j’imagine qu’ils n’en aient guère besoin. »
Après tout, c’était eux l’école de magie.
Dans un geste lent il joignit ses mains avant de contempler un bref instant la tente, son regard s’était posé sur un hydromel qu’il proposerait ensuite à Brunehilde, puisqu’elle semblait souhaiter lui faire la conversation sur un ton… plus léger, chose qui n’était pas pour lui déplaire, ils n’avaient à son souvenir jamais eu vraiment le temps de discuter de choses et d’autres qui ne concernaient pas le destin du monde.
« Dans l’éventualité ou Adwarin Carahel se sent à nouveau digne d’occuper une fonction dirigeante je le laisserais aspirer à un rôle de lieutenant malgré l’échec essuyé durant la fracture interne à Faern’aral. Personne d’autre ne porte plus que lui le fardeau d’avoir été biaisé par ses sentiments et il ne demeure pas le seul responsable. Adwarin conserve en lui, malgré sa jeunesse, le sang du héros.
Il est le fils et l’héritier de Daeron dans son œuvre, c’est une symbolique importante, tout d’abord. Mais ensuite il ne fut indéniablement pas choisi au hasard par son père, qui malgré son jeune âge à su percevoir en lui des qualités de meneur. Pour autant, il se doit d’être mieux accompagné qu’il ne le fut jadis. Et craignant qu’il ne cède sous le poids des responsabilités et de la faute, je continuerais à garder la tête du Clan. » L’elfe laissa passer quelques instants avant de renchérir.
« Mon second choix se porte sur Galadriel Marethari. Elle fut contemporaine de la Grande Fracture de Cirel et mon élève en tant qu’abjuratrice bien que mon aînée. Galadriel a toujours fait passer son devoir et les intérêts du plus grand nombre avant toute autre chose. »
Eldarion avait choisi de taire volontairement les choix de Galadriel, des décisions qu’elle assumait seule et dont il ne revenait qu’à elle de parler. « C’est une guérisseuse, un élément indispensable pour le Clan. Elle dispose d’une approche différente de la plupart des elfes au sujet de la magie, au sein même de Faern’aral et pense probablement le plus grand bien de vos écoles, même si elle ne l’évoque pas. C’est une vision divergente qui sera utile pour me conseiller, une personne de confiance, inspirant le respect et une alliée de notre cause depuis fort longtemps. »
Le cérémoniel avait laissé la place à une détente plus grande tandis qu’il avait déclaré : « Mais puisque nous sommes là et bien que les circonstances soient ce qu’elles sont, souhaitez-vous goûter de l’hydromel elfique, Brunehilde ? »
Richetour remua pensivement les doigts sur ses jambes, éprouvant le membre fantôme de la chevalière à son doigt, baissant un instant les yeux vers celle-ci. Lorsque l’âme de Faern’aral lui répondit, son attention se focalisa sur lui.
« Notre peuple a longtemps choisis d’ignorer les humains, ce qui fut une erreur. En résultat nombre de guerres et de conflits que nous pensions éviter en nous tenant à l’écart. Mais votre Royaume a évolué sur le même continent que la Cité Mère et nous avons été confrontés à des ennemis communs nombre de fois, encore aujourd’hui. »
Depuis toujours l’histoire avait été un des piliers de son existence, y découvrir les existences mêlées de ceux qui la marquèrent qu’elle n’avait pas connu. Si elle avait été quelqu’un d’autre et si son passé n’avait pas été souillé de ses propres échecs on aurait appelé ça curiosité. Dans les faits, cela tenait plus d’une obsession, savoir ce que chaque année avait traversé, investiguer sur les grains de sables qui faisaient des dunes que les tempêtes soulevaient. C’était sans doute ce qui l’avait toujours inclinée vers les longs-vivants ; ils l’avaient vécu.
« Faern’aral ne représente pas Cirel et ne compte pas tomber dans les mêmes travers qu’elle par orgueil. Notre expérience des temps et notre longévité, notre connaissance de l’histoire ne nous a pas permis d’échapper aux erreurs et ne nous a pas préparé à les combattre lorsqu’elles se sont présentées à nous. »
Elle suivit le mouvement de sa main avant d’observer les cicatrices sans la retenue de la politesse, au point où elle en était, la politesse était plus proche de l’insulte que d’autre chose. Lorsque l’on était poursuivi par les âmes d’autant de victimes que Brunehilde, la politesse n’était plus une notion importante.
Les elfes avaient toujours été secrets mais au vu de la proximité de la déesse de la beauté, il ne devait y avoir rien de glorieux à hériter de telles séquelles, quand bien même seraient-elles les marques de l’histoire, porteuse de majuscule ou non.
« Par conséquent il est impensable de croire que sans une aide extérieure les générations futures parviendront à s’extirper du mal si ils ne sont pas avertis de la dangerosité que la magie peut représenter. Ceux qui souhaitent conserver le pouvoir à tout prix sont un fléau, nul ne sait ce qu’ils seront capables de faire pour cela, quant bien même seraient-ils animés des meilleures intentions. »
Son esprit divagua vers les artefacts qu’elle conservait en sécurité, il lui faudrait prendre soin de les remettre entre des mains capables de les conserver. L’Assemblée ne verrait sans doute pas d’un très bon œil de recevoir l’inventaire complet des séquelles de l’histoire que l’historienne avait conservé, pire encore, elle préférait que ces objets ne soient jamais en présence de certains de leurs membres et malgré tout le respect qu’elle portait à Diane de Saphan, elle ne lui laisserait pas cet héritage.
« Je réitère mon soutien dans votre projet, en tant que chef de Faern’aral et en tant qu’Eldarion Hyamendacil. »
Le mouvement du chef de Faern’aral positionna Richetour dans une situation inconfortable. Elle devait se prémunir de sa propre chute, tant qu’elle en était consciente et avant qu’elle n’atteigne définitivement le point de non-retour. Le respect de ses pairs revenait à remuer le couteau dans le dos de ceux qui lui avaient survécu et ceux qui périssaient par Amecareth qui lui avait échappé ; son absence l’irritait plus que de raisons.
« Puisque Jozan Ghaerys compte quitter ses fonctions pour opérer un changement de vie et qu’Adwarin Carahel a rendu ses responsabilités… Je demeure l’unique décideur du Clan. »
L’organisation interne de Faern’aral n’était pas connue de tous sans être un secret pour autant, aussi Richetour l’observa quelques secondes, fronçant les sourcils.
« Votre soutien honore l’école et les préceptes que nous tentons de défendre, Eldarion. » Elle inclina à son tour la tête, avec le respect qu’elle avait pour les chasseurs et la reconnaissance qu’elle n’exprimerait jamais. « L’union de nos ordres, comme elle le fut lors du conseil des mages, protègera les générations à venir des intrigues politiques dans lesquelles les êtres de pouvoir se complaisent. Bien qu’elles soient moins intolérables que celles sous-jacentes. L’Assemblée a ses propres… » La directrice eut un rictus. « … Principes pour se prémunir du chant de pouvoir. J’espère simplement que vous n’aurez jamais à les apercevoir. »
« J’en informerai le Vice-Directeur ainsi que Diane de Saphan qui seront vos principaux interlocuteurs lorsque le temps viendra de protéger les institutions. Les elfes avaient toutes les raisons de se tenir éloignés des territoires humains, après l’insulte du détournement du fleuve Weane. Mais plusieurs générations ont passé, chez les humains, depuis cet événement et avec chaque naissance change la vision du monde, pour le meilleur ou pour le pire. »
Il fallait protéger le meilleur, et se préparer à la destruction du pire. Les héritiers du pire devraient faire leurs propres choix, et tant qu’elle en était capable, elle protégerait leurs intérêts et les laisserait prendre leurs décisions. S’ils fautaient, ils finiraient sous terre aux côtés d’Ethan Brehen et elle porterait une fois de plus le poids de leurs exactions, une goutte dans l’infinité qui ne cessait jamais de s’étendre des siennes.
« Je suis néanmoins surprise de vous savoir seul à la tête de Faern’aral. Avez-vous déjà une idée de ceux que vous choisirez pour vous épauler ? »
Elle ne désirait pas vraiment de nom, mais à mesure de la discussion, l’appel s’était fait moins prégnant. Au milieu des abjurateurs, même le dragon en elle savait qu’il ne serait pas en mesure de s’en sortir seul. Déjà, il évaluait la marche à suivre, le moyen de faire plier Brunehilde à ses volontés inextinguibles, Livia en premier, Amecareth en second. Se sacrifier pour la survie de l’un et la mort de l’autre était une option envisageable pour la directrice, en observant Eldarion, elle savait que certains l’arrêteraient si elle ne parvenait pas à traverser cette tempête sans perdre le nord des yeux. Son pouce ne rencontra aucune chevalière tandis qu’elle cherchait à la toucher.
« Je suppose que vous avez déjà quelques idées. »
« Eddard fait partie des Thaumaturges, comme il fut un soldat et un pirate avant cela. Ils ont déjà déroulé un procès contre lui, un procès qu'ils savaient perdu d'avance. Parce que s'il était un pirate, il libérait des esclaves dont la pratique est interdite dans ce Royaume. Entendez-moi bien, Eldarion, il a été le seul membre à briser le pacte qui le reliait à Rehnya. » Sa main se glissa autour de sa flamberge, raffermissant sa prise tandis que les toxines de la haine faisaient flamboyer ses yeux. Eldarion percevait nettement les émotions de Brunehilde Richetour, le contrôle de ses émotions commençait à manquer, combien de temps pouvait-on demeurer ainsi, ses sentiments cadenassés à l’intérieur de soi ? Mais plus important, qu’arriverait-il quand les verrous qui maintiennent les ombres que Brunehilde porte en elle ne seraient plus assez solides pour cela ?
« Votre ordre ne serait jamais inquiété par Eddard, au sujet de la magie. Il n'a jamais utilisé sa magie que comme ses armes, une prolongation de son bras. »
C’était une vision partagée par de nombreux chasseurs du Clan, quant bien même la plupart d’entre eux étaient d’origine elfique, des parias qui voyaient la magie autrement que comme une extension de soi. Des parias au sein de la société elfique dont Daeron avait fait une famille unie autour d’une cause.
« Ne vous méprenez pas. Je ne serais pas venue si je n'avais pas été certaine que seule votre présence pourrait l'aider à tenir bon. » Un bref sourire étira les lèvres pincées de la directrice, tandis qu'elle complétait avec une once de sarcasme et une autre d'amusement.
« Je ne vous demanderai pas de jouer sur l'échiquier du pouvoir, simplement de représenter un garde-fou. Les archimages ont des lois qui régissent les combats, mais nous autres n'avons rien de tel. Eddard ou moi-même ne sommes pas suffisamment puissants pour en avoir besoin, selon eux. »
Il observa plus longuement le dragon et son regard se fit amuser à mesure que les paroles étaient prononcées, elle avait souri. C’était suffisamment surprenant pour être relevé.
Un garde-fou, oui. Faern’aral pouvait être ce rempart face à l’Assemblée, c’était l’essence des chasseurs que Daeron avait voulu offrir au monde lorsqu’il l’avait créé. Un Rempart Abjurateur contre toutes les formes de corruption liée à la magie.
« L'assemblée n'est pas un mal par essence, ils nous détestent à raison car nous échappons à leur contrôle. Quelle ironie que je me doive de les défendre, ils sont sans doute tout ce dont vous vous méfiez. Le sang dans leurs veines a été remplacé par la magie, mais aussi égoïstes soient-ils, ils ne sont pas une menace pour l'intégrité du monde. Simplement, pour les générations futures que vous verrez naître et périr, ils ne doivent plus posséder les écoles à ce point. »
Et Brunehilde avait raison, encore une fois. Il se méfiait de ceux qui pourchassait le pouvoir pour le pouvoir, ils représentaient un mal en soi. La description qu’elle lui fit de l’Assemblée fit glisser ses propres doigts sur son cou dans un mouvement pensif, tandis que son échine s’hérissait et qu’il repensait avec une certaine horreur à ce qu’il avait ressentit face à l’archimage de la Grande Fracture. Une énergie qui échappait à sa compréhension.
Depuis la conversation qu’il avait échangé avec la Directrice autour des flammes, Eldarion avait vu sa vision évoluer, il ne devait plus seulement être un spectateur des conflits lorsque Faern’aral se comportait comme un bourreau. Il ne fallait pas se contenter de punir, il leur fallait prévenir et enseigner. Leur devoir était de protéger les générations à venir des propriétés néfastes de la magie.
« L’Assemblée des Mages a ordonné la destruction de nombreuses clefs de notre sombre histoire. Ils détruisirent tous les ouvrages consacrés à l’étude de la magie noire et ainsi nous démunirent d’une possibilité de les comprendre. Ils lancèrent l’ordre de tuer tous les membres de familles de mages noirs : les Casadeus, les Fossecrelle et firent part de la chute de Nagash Iphurnus. Leur pensée est telle que la magie noire disparaissant des esprits, inaccessible pour le commun des mortels, ne pourrait jamais – jamais – redevenir la menace qu’elle fut durant la période des Cendres.
» Nous ne partageons pas cette vision. Je considère qu’ignorer le mal ne le rend que plus terrifiant, peut-être est-ce parce que je fus moi-même une part de ce mal, ou peut-être car j’ai toujours préféré la vérité aussi douloureuse soit-elle. Ce qu’ils font mettra en danger notre monde, notre existence et jusqu’à la morale du monde, pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce qu’ils craignent de perdre leurs appuis sur le monde. Le monde qu’ils désirent ne peut être conquis s’ils vous affrontent. Je ne vous demande pas de prendre les armes mais de le soutenir lorsque je ne serais plus là pour faire rempart. Si l’existence ne se charge pas de moi avant, l’Assemblée me fera tomber. La dernière volonté de Danyah fut de protéger les élèves, et je tiens à ce que cette volonté me survive. »
Le chef de Faern’aral l’avait écouté sans l’interrompre, s’imprégnant de ses sentiments, de ses pensées. C’était quelque chose de revigorant d’entrevoir de son plein gré une ouverture dans la carapace imprenable de la métallurgiste.
Il laissa encore un instant les propos de la Directrice prendre racine en lui, sa réponse éclore à la lisère de son esprit avant de répandre par ses mots, les fruits de ses propres réflexions.
« Notre peuple a longtemps choisis d’ignorer les humains, ce qui fut une erreur. En résultat nombre de guerres et de conflits que nous pensions éviter en nous tenant à l’écart. Mais votre Royaume a évolué sur le même continent que la Cité Mère et nous avons été confrontés à des ennemis communs nombre de fois, encore aujourd’hui.
Faern’aral ne représente pas Cirel et ne compte pas tomber dans les mêmes travers qu’elle par orgueil. Notre expérience des temps et notre longévité, notre connaissance de l’histoire ne nous a pas permis d’échapper aux erreurs et ne nous a pas préparé à les combattre lorsqu’elles se sont présentées à nous. »
A nouveau Eldarion avait effleuré la cicatrice sur son cou, souvenir impérissable de la magie la plus abjecte qu’il n’ait jamais eu l’occasion de ressentir, bien pire encore que la magie noire, mais jamais il ne confierait un tel savoir à qui que ce soit. Si la magie noire ne pouvait être ignorée, ce fléau devrait rester un secret aussi longtemps que cela lui était possible de le garder. Un secret qui attirerait bien trop de convoitises, par chance Brizza était bien trop dévorée par l’ambition et la tentation des arcanes pour se risquer à apprendre ses tours à qui que ce soit.
« Par conséquent il est impensable de croire que sans une aide extérieure les générations futures parviendront à s’extirper du mal si ils ne sont pas avertis de la dangerosité que la magie peut représenter. Ceux qui souhaitent conserver le pouvoir à tout prix sont un fléau, nul ne sait ce qu’ils seront capables de faire pour cela, quant bien même seraient-ils animés des meilleures intentions. »
« Je réitère mon soutien dans votre projet, en tant que chef de Faern’aral et en tant qu’Eldarion Hyamendacil. »
Il inclina légèrement la tête en signe de respect envers celle qui était parvenue à le convaincre de prendre le destin de Faern’aral en main, sans jamais que cela ne soit intentionnel à son humble avis.
« Puisque Jozan Ghaerys compte quitter ses fonctions pour opérer un changement de vie et qu’Adwarin Carahel a rendu ses responsabilités… Je demeure l’unique décideur du Clan. »
Peut-être était-il en train de commettre lui-même les erreurs qu’Adwarin avait commis avant lui en ne sollicitant pas l’avis de celui qui avait été son lieutenant et frère. Il se rendrait peut-être compte un jour qu’il avait eu tort de suivre ce qu’il considérait être la voie de la raison en s’engageant dans un conflit contre une institution du Royaume.
Mais pour la première fois de son existence, Eldarion prenait une décision sans tergiverser et n'eut pas le sentiment de commettre un parjure.
Brunehilde le laissa parler, déposant ses mains à plat sur ses jambes. Le contrôle était intrinsèque et la lutte qu’elle menait contre tous les gestes parasites qui lui venaient était le reflet du sien qui s’étiolait. Ses doigts se crispèrent et ses yeux se mirent à flamboyer, tandis que sa mâchoire se serrait tandis qu’elle lui offrait une écoute attentive.
Peu à peu, le contrôle d’acier du dragon fit son œuvre, et les muscles de son corps cessèrent de ses crisper par intermittence. Il résidait en si peu de choses, en des pensées intrusives qu’il ne fallait pas rejeter, mais simplement laisser couler. En l’image mentale qu’elle s’en faisait et que jamais elle ne dévoilerait, le dragon détestait jusqu’à l’idée de devenir sentimentale. Pourtant, ce qui l’avait mené ici en était bien l’origine. Elle n’avait pas d’alliés, des subordonnés à la limite. Le dragon était seul et protégeait jalousement les trésors qui survivaient encore aujourd’hui.
Mais lorsque l’âme face à la nécromancienne lui assura d’être à ses côtés, Brunehilde garda le silence quelques instants et elle prit son temps pour répondre.
« Eddard fait partie des Thaumaturges, comme il fut un soldat et un pirate avant cela. Ils ont déjà déroulé un procès contre lui, un procès qu'ils savaient perdu d'avance. Parce que s'il était un pirate, il libérait des esclaves dont la pratique est interdite dans ce Royaume. Entendez-moi bien, Eldarion, il a été le seul membre à briser le pacte qui le reliait à Rehnya. » Sa main se glissa autour de sa flamberge, raffermissant sa prise tandis que les toxines de la haine faisaient flamboyer ses yeux. « Votre ordre ne serait jamais inquiété par Eddard, au sujet de la magie. Il n'a jamais utilisé sa magie que comme ses armes, une prolongation de son bras. »
Richetour avait choisi Eddard par politique, mais il était resté en place pour son absence d'inclinaison pour la magie. Il préférait les élèves aux arts occultes, ce qui était un point commun avec Danyah.
« Ne vous méprenez pas. Je ne serais pas venue si je n'avais pas été certaine que seule votre présence pourrait l'aider à tenir bon. » Un bref sourire étira les lèvres pincées de la directrice, tandis qu'elle complétait avec une once de sarcasme et une autre d'amusement. « Je ne vous demanderai pas de jouer sur l'échiquier du pouvoir, simplement de représenter un garde-fou. Les archimages ont des lois qui régissent les combats, mais nous autres n'avons rien de tel. Eddard ou moi-même ne sommes pas suffisamment puissants pour en avoir besoin, selon eux. »
Puis le sourire se fana, laissant place à la lassitude de la guerrière face à la politique. « L'assemblée n'est pas un mal par essence, ils nous détestent à raison car nous échappons à leur contrôle. Quelle ironie que je me doive de les défendre, ils sont sans doute tout ce dont vous vous méfiez. Le sang dans leurs veines a été remplacé par la magie, mais aussi égoïstes soient-ils, ils ne sont pas une menace pour l'intégrité du monde. Simplement, pour les générations futures que vous verrez naître et périr, ils ne doivent plus posséder les écoles à ce point. »
Elle prit quelques instants et se décida à en révéler davantage, après tout, ils devraient un jour venir la chercher pour l’assommer du glas de Vanilius, ou peut-être Aude s’en chargerait-elle. L’idée pâma son palais d’un goût sucré.
« L’Assemblée des Mages a ordonné la destruction de nombreuses clefs de notre sombre histoire. Ils détruisirent tous les ouvrages consacrés à l’étude de la magie noire et ainsi nous démunirent d’une possibilité de les comprendre. Ils lancèrent l’ordre de tuer tous les membres de familles de mages noirs : les Casadeus, les Fossecrelle et firent part de la chute de Nagash Iphurnus. Leur pensée est telle que la magie noire disparaissant des esprits, inaccessible pour le commun des mortels, ne pourrait jamais – jamais – redevenir la menace qu’elle fut durant la période des Cendres.
» Nous ne partageons pas cette vision. Je considère qu’ignorer le mal ne le rend que plus terrifiant, peut-être est-ce parce que je fus moi-même une part de ce mal, ou peut-être car j’ai toujours préféré la vérité aussi douloureuse soit-elle. Ce qu’ils font mettra en danger notre monde, notre existence et jusqu’à la morale du monde, pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce qu’ils craignent de perdre leurs appuis sur le monde. Le monde qu’ils désirent ne peut être conquis s’ils vous affrontent. Je ne vous demande pas de prendre les armes mais de le soutenir lorsque je ne serais plus là pour faire rempart. Si l’existence ne se charge pas de moi avant, l’Assemblée me fera tomber. La dernière volonté de Danyah fut de protéger les élèves, et je tiens à ce que cette volonté me survive. »
Le dragon déposa de nouveau ses mains sur ses jambes, et un bref sourire étira ses traits las et fermés. Quelque chose en elle se dénouait, car si ce qu'elle prévoyait de faire était mauvais par essence, elle avait, depuis qu'elle était devenue directrice, la sensation de faire enfin quelque chose de juste.
La raideur de la Directrice manqua d’arracher un sourire à Eldarion, mais il devait se montrer digne de son statut de chef et ne pas laisser penser à leur invité qu’il pouvait se gausser d’elle pour une raison ou une autre. Surtout au regard de l’invité en question. Les premiers mots avaient été prononcés et ils ne suffirent pas à rassurer Eldarion, l’absence d’urgence aurait dû le conforter lui qui se refusait à prendre quelconque décision hâtive, mais une menace qui prenait le temps d’agir sciemment représentait le plus souvent un risque plus grand. C’était exactement ce qui les empêchait de mettre la main sur l’Araignée depuis toutes ses années passées dans le Royaume des Roland, sa méthodologie.
« L’école de magie de Trigorn rencontre quelques difficultés avec les instances magiques du Royaume. Ils n’apprécient guère le début d’indépendance que nous avons, ni les méthodes que nous appliquons ; c’est réciproque. Je ne vous apprends rien en vous disant que le changement s’accompagne de doléances dont on se passerait bien volontiers. Un contexte que ne devrait pas nécessiter une quelconque action de votre part. »
Et un contexte qui ne plaisait guère à l’elfe, il avait toujours été dans sa cité natale un solitaire, s’étant tenu loin des conflits de toutes sortes jusqu’à la Grande Fracture, sa seule intervention lui avait presque coûté la vie. La politique, surtout humaine, était bien une chose dont il avait à cœur de se passer et qui n’entrait pas dans les considérations de Faern’aral. Mais puisqu’il s’agissait de Brunehilde Richetour et qu’il disposait de toute sa confiance, tout en lui ayant assuré qu’ils n’auraient pas à intervenir il se contenta d’opiner du chef tout en la laissant poursuivre.
Le regard doré du dragon plongea sur lui, dans l’intensité de ses prunelles d’or il crut discerner un conflit intérieur. Sa main se crispa un instant, ses doigts se refermèrent dans un mouvement lent sur sa cuisse avant de se desserrer plus calmement. Il pourrait lui proposer son aide, elle la refuserait assurément. Elle était ici par nécessité et c’était déjà beaucoup que de quérir l’aide du Clan, il avait perçu sans mal l’effort que cela avait nécessité à la directrice pour finalement dévoiler ce qu’elle attendait de Faern’aral.
Une chose qu’on aurait pu résumer de cette manière : Ne vous souciez de rien, mais si quelque chose devait m’arriver rangez-vous du côté de ceux qui resteront.
Le Maître abjurateur vint clore ses paupières le temps d’une réflexion, pesant ses mots pour exprimer correctement sa pensée et ne pas montrer signe de refus de cette demande d’aide qui ne se reproduirait probablement plus en cas de fermeture d’esprit.
« Le Vice-Directeur Eddard, important membre des Thaumaturges. », il n’avait pas pris la responsabilité d’être chef du clan pour traiter des affaires politiques humaines, mais si la diplomatie l’exigeait …
« Les Thaumaturges nous ont été d’une grande aide par le passé, nous serions prêts à leur rendre ce service. »
Il ne fit aucune mention quant à l’élève disparue, si la Directrice avait décidé de s’en charger seule c’était probablement pour une raison amplement justifiée.
« La responsabilité de notre Clan est de garantir l’intégrité de Vesperae face à l’utilisation néfaste de la magie. Mais je ne vous apprends rien. Mais l’assemblée représente une part tolérée par votre Royaume des régisseurs de la magie. Nous ne serions face à eux que des étrangers, chasseurs et non politiciens, cherchant à œuvrer pour maintenir en place un Vice-Directeur dont le groupe n’est pas à ma connaissance reconnue par les autorités et soutenu par une personnalité controversée ? »
Il laissa passer un temps, profitant de ce délai pour inspirer un bref instant.
« Comprenez-moi bien, Brunehilde. Je ne vous refuse pas notre aide. Et votre confiance m’est plus précieuse que celle de l’Assemblée. Vous semblez dénuée d’alliés sur qui vous reposer. Pensez-vous vraiment que l’Assemblée représente un danger magique, nécessitant que nous prenions partit en terrain hostile ? »
A son tour l’âme de Faern’aral planta dans son regard celui de la Directrice.
« Si vous me l’assurez, sachez que nous serons à ses côtés lors du funeste jour. »
Mais puisse t’il ne pas arriver pour l’heure. Eldarion ne connaissait pas bien Brunehilde, tout comme il ne connaissait que très peu les mœurs magiques du Royaume, la politique, les complots et autres intrigues n'étaient pas leurs armes ni leurs champ de bataille. Ils se contentaient sur leur route de défaire les mages qui semaient le chaos, mais pour une raison qu’il ignorait la Directrice lui semblait être avec le Thaumaturge l’une des rares personnalités souhaitant défendre son école contre une force inarrêtable et intérieure.
Brunehilde était une paria, il l’avait été toute sa vie. A ses yeux il existait entre eux malgré leur distance une compréhension tacite.
En progressant dans le camp, le calme sonna comme une mélodie agréable aux oreilles de la directrice, par rapport à l’agitation constante qui régnait au sein de l’école. Le brouhaha lui avait fait douter de la bonne idée de Danyah, si elle s’était trompée à ce sujet, elle ne parvenait toujours pas à s’habituer au capharnaüm que représentait une bibliothèque pour les élèves.
Elle fit l’effort de ne pas s’intéresser à ce qu’il y avait autour d’elle, de récolter le moins d’informations possibles sur le camp. D’ordinaire, elle aurait scruté et mémorisé tout ce qui l’entourait, mais pas cette fois. Le regard posé sur la nuque du gardien de Faern’aral, elle progressait dans le camp, sans se soucier de la gêne qu’elle pourrait lui faire sentir.
Le dragon ravala son pouvoir, jugeant que cela pouvait paraître comme une provocation aux yeux de certains membres de l’ordre jusqu’à arriver à une tente pas plus différente qu’une autre. Lorsque Berengar lui annonça son départ, la directrice inclina la tête et pénétra dans la tente, sans plus s’attarder en politesse.
Son regard acéré se planta sur Eldarion qui se tenait debout, et contrairement au reste du camp, laissa coulisser son regard sur les différents objets, des chopes aux effets personnels, sans oublier le bâton et le sabre. Elle déposa la main sur sa propre arme, dans un geste né de l’habitude, plutôt que pour le menacer, avant d’en revenir à l’elfe en inclinant la tête à son tour.
Le souvenir de la dernière discussion flotta à la lisère de son esprit, après avoir détruit l’écume des profondeurs. Depuis, ils ne s’étaient pas revus, mais les rumeurs allaient et venaient, aussi n’était-elle pas surprise d’avoir appris qu’il était devenu le chef de Faern’aral.
Les traits tirés elle n’esquissa pas l’ombre d’un sourire sans le lâcher du regard tandis qu’il bougeait.
"Bonjour Brunehilde, j'attendais votre venue. Installez-vous je vous en prie." Prenant place à son tour en tailleur il enchérit. "J'imagine que vous n'avez pas fait le déplacement sans une très bonne raison." Son air avenant avait été remplacé par un aspect concerné. "Comment le Clan peut-il vous aider ?"
Elle fit quelques pas, se rapprochant du maître abjurateur en tailleur et baissa les yeux vers lui. « Eldarion. » Après avoir déplacé le fourreau de son arme, elle s’installa sur ses talons, une position qu’elle n’avait pas prise depuis des années et qui lui semblait anormale. « J’espérais que votre camp serait proche, mais il n’y a pas d’urgence, pour le moment. » Elle avait bien réfléchi avant de venir, attendu que la mort écarte son manteau d’elle, mais s’il y avait bien une chose que Richetour détestait devoir faire était demander de l’aide. Son visage se ferma un peu plus. « L’école de magie de Trigorn rencontre quelques difficultés avec les instances magiques du Royaume. Ils n’apprécient guère le début d’indépendance que nous avons, ni les méthodes que nous appliquons ; c’est réciproque. Je ne vous apprends rien en vous disant que le changement s’accompagne de doléances dont on se passerait bien volontiers. Un contexte que ne devrait pas nécessiter une quelconque action de votre part. »
Elle prit une brève inspiration avant de planter son regard sur lui, ménageant un peu son effet tandis qu’elle luttait, aux prises entre ce qui devait être fait et ce qu’elle désirait vraiment faire. Une part d’elle savait que c’était dû à la corruption grandissante en elle, aux vies arrachées qui maudissaient un peu plus son âme à chaque fois. En l’absence de Jourdain, elle devenait plus puissante à chaque jour et à chaque heure qui passait ; sa traque pour trouver un ombromancien capable de lui ouvrir un passage et de lui permettre d’arpenter le Domaine comme catalyseur du maléfice.
« Sauf en la disparition d’une de mes élèves que je me charge de rechercher, cela ouvre une porte à diverses intrigues politiques qui ne vous concernent pas, mais dont l’apprentissage doit être préservé, ils désireraient que l’on ne donne jamais aucune information à ce sujet alors que ce doit être fait. Si je venais à disparaître, j’ai besoin que votre Clan s’allie au Vice-Directeur. L’assemblée ne tentera jamais de vous affronter. »
Berengar écouta sa réponse, acquiesça en retour et c'est avec une certaine raideur martiale qu'il prit la route vers l'intérieur du camp, il avait habituellement le pas bien plus souple mais il se sentait scruté et analysé sous tout les angles par la Directrice qui n'en avait probablement que faire en réalité. Pour autant la sensation ne le quittait pas et c'est toutefois rapidement qu'il l'accompagna jusqu'à une tente que rien ne semblait pouvoir discerner des autres. Le rôdeur en écarta un pan glissant la tête à l'intérieur pour informer d'une voix haute et claire à celui qui s'y trouvait que Brunehilde Richetour souhaitait le voir. La voix d'Eldarion lui fit signe en retour, l'invitant à entrer, et le faible bruissement de la toile indiqua qu'il s'était redressé, Berengar recula d'un pas, échangeant un bref regard avec la directrice avant de lui annoncer qu'il la laissait discuter avec leur chef, à présent. Une fois éclipsé rapidement, la toile entrouverte était la seule chose qui séparait le dragon du maître abjurateur. A l'intérieur Eldarion se tenait désormais debout, son habituel manteau de fourrure ouvert sur le haut de son torse passé sur les épaules, ses pieds étaient nus et reposaient à même sur le sol composé de quelques herbes, l'intérieur était plutôt sommaire, quelques effets personnels entreposés dans un coin, deux chopes de bois et une bouteille, mais aussi le sabre elfique finement affuté disposé dans son fourreau, son bâton de mage appuyé contre la toile. Lorsqu'il l'aperçu enfin le chef de Faern'aral inclina la tête dans un geste universel de respect, un sourire avenant mais sincère étira ses lèvres.
"Bonjour Brunehilde, j'attendais votre venue. Installez-vous je vous en prie." Prenant place à son tour en tailleur il enchérit. "J'imagine que vous n'avez pas fait le déplacement sans une très bonne raison." Son air avenant avait été remplacé par un aspect concerné.
"Comment le Clan peut-il vous aider ?"
Le dragon posa ses yeux sur l’archer lorsqu’il apparut, elle ne connaissait pas la plupart des membres de Faern’aral.
"Vous devez être la Directrice Richetour ?"
Elle l’observa atterrit en acquiesçant, d’un geste raide de la nuque.
"Je suis chargé de veiller sur l'endroit, mais avec vous dans les parages, en prime, je suppose qu'il ne va rien arriver. Je vous conduis où, Directrice ?"
Quelque chose s’illumina dans les prunelles de la directrice, la tenue de son interlocuteur ne laissait pas filtrer beaucoup d’informations, mais c’était l’un des humains de l’ordre, à n’en pas douter. Il y avait une certaine jeunesse dans son regard. Les oreilles n’étaient qu’une des indications, et encore elles pouvaient être changées.
L’âge, lui, passait et laissait des séquelles.
« Le maître abjurateur Hyamendacil est-il au camp ? Je dois le rencontrer, et il devrait s’en être rendu compte, désormais. »
Elle ne releva pas la sécurité de l’endroit, elle n’était pas un gage de sécurité et ne l’avait jamais été. La directrice mit un pied devant, pénétrant dans le camp, prête à suivre le rôdeur, ne doutant pas un seul instant qu'il la mènerait à Eldarion.
Comme à l'accoutumée le camp de Faern'aral semblait calme d'apparence, dissimulé entre les arbres de la forêt du Sud de Trigorn, quelques tentes aux symboles des Chasseurs de Mages étaient annonciateurs de leur présence. C'est en cet endroit que chacun s'affairait tout en restant attentif aux attaques potentielles comme c'était survenu il y'a de ça un an pour la plus récente des mains d'Ethan Brehen et de sa compagne criminelle Alyria. En percevant des pas, puis plus particulièrement la magie qui s'affairait dans la terre, le rôdeur et gardien en tête du campement Berengar émergea du grand arbre situé à proximité, arc tenu fermement dans une main, flèche pincée entre ses doigts de l'autre, son regard fut attiré par la femme déterminée qui se présentait devant le campement : Brunehilde Richetour.
Le rôdeur n'était pas abjurateur mais il avait eu ses raisons il y'a plusieurs années maintenant de rejoindre les chasseurs et il savait toutefois reconnaître de la magie quand il en sentait, mais aussi indéniablement les ennuis. Et cette femme dont il avait entendu parler de long en large à Trigorn lors de sa prise de pouvoir en tant que directrice ne se déplaçait pas pour rien. "Vous devez être la Directrice Richetour ?"
D'un bond leste que ne lui auraient toutefois pas enviés ses comparses elfiques il se retrouva les pieds sur terre, replaçant arc à sa taille et flèche dans le carquois il désigna du pouce les tentes derrière lui. "Je suis chargé de veiller sur l'endroit, mais avec vous dans les parages, en prime, je suppose qu'il ne va rien arriver. Je vous conduis où, Directrice ?" Directrice. Ca prêtait à le faire sourire, par chance il avait un foulard qui dissimulait son rictus amusé, parce qu'en réalité face à la grande dame il n'en menait pas large.