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Histoires liées
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Livia Fossecrelle
La Sang-Mêlé
Livia est une experte en magie d'enchantements. Suite au Conseil des Mages et à l'Eternel, elle s'étrangle avec la corruption et la mort de ses idéaux. Liée à Zevran, il représente une ancre qui lui permet de se rattacher à son humanité.
Factions
Lignées
Caractéristiques physiques :
Livia n'est pas une femme très grande, culminant à 1M60, elle n'est pas non plus voluptueuse, ni musclée. Sa taille fine étant principalement due à l'énergie qu'elle se voit obligée de fournir qu'à une quelconque constitution ou appréciation des activités physiques.
Son visage, exempt de cicatrice contrairement à ses bras et à ses jambes, est anguleux, ses lèvres pleines se fendant le plus souvent de sourires ou de moue. Les yeux bruns, il n'y a que deux choses qui font sortir sa personne de l'ordinaire, ce grain de beauté sous la commissure gauche de ses lèvres, et son épaisse chevelure aux boucles indomptables qui cascadent dans son dos.
Vêtue le plus souvent de robes, sauf quand elle part en voyage, elles sont d'une qualité moyenne. Les matériaux et la couture pourraient révéler à l'œil attentif que les moyens de la femme ne sont pas excessifs. Seul son collier, d'un ruban noir en satin autour de son cou, sur lequel trône un pendentif d'un pentacle.
Caractéristiques mentales :
L'espoir était le maître mot de Livia, peu capable de réprimer ses émotions comme sa colère, son travail sur elle-même ne se révèlera jamais suffisant. Si aujourd'hui l'espoir prend une part moins prépondérante, celui-ci n'ayant pas survécu à la mort de ses idéaux, elle ne supporte toujours pas l'injustice ou les préjugés. Elle se targuait d'avoir un pied dans chaque monde, ce qui lui apportera plus de problèmes qu'autre chose.
Si, à l'époque, la jeune femme avait passé plus de temps le nez dans les livres et à étudier, en résultait une certaine culture mais un caractère inachevé. Celui-ci était un trait de l'adolescence et de la difficulté qu'elle éprouvait à trouver sa place dans le monde.
Elle considère comme un échec ce qui se déroula durant le Conseil des Mages, un échec dont elle se tenait pour principale responsable. Cette culpabilité la poussera à entreprendre de nombreuses actions pour s'améliorer encore et encore, quitte à replonger dans les travers de ses propres parents. Aujourd'hui, elle place sa détermination non plus à s'améliorer mais à changer dans le monde ce qui lui déplaît.
Elle est également une artiste à la curiosité dévorante pour tout ce qui est artefacts magiques, pour lesquels elle est déjà partie en voyage. Cette curiosité est l'une des rares choses qui ont traversé les événements de sa vie et qui soit parvenue à leur survivre ; elle la considère comme son plus grand défaut mais aussi sa plus grande force. Une fois sa curiosité attirée, elle peut avoir l'air un peu enfantine.
Traumatisée par divers événements et embûches, ainsi que par la mort de ses parents et l'abandon de sa soeur, Livia s'était perdue dans la seule chose qui la liait à eux : la magie noire. Aujourd'hui, la jeune femme s'est libérée de son adolescence et a su se prouver sa propre valeur et forte d'une confiance retrouvée, elle se reprend en main.
Suite aux exactions de son sang, Livia s'est jurée de mettre un terme à la famille Fossecrelle.
Elle a conscience des rechutes qui auront sans nul doute lieu, mais ne compte plus se laisser abattre ni attendre l'approbation des autres ; elle compte mener sa barque comme elle l'entend... Quitte à faire de ses anciens alliés des ennemis.
Histoire :
Née en 1227 dans le giron d'une famille déchue du Royaume, Livia a étudié les arts occultes auprès de ses parents, le plus souvent exigeants et refusant que la jeune femme se spécialise dans la magie blanche : ils l'ont menée à délaisser sa bienveillance pour cultiver l'ambition. Grâce à sa soeur, Adélaïde, Livia avait pu s'éloigner de leur influence en rejoignant l'école de magie de Trigorn. Elle s'employa à y dissimuler ses connaissances avancées, sans jamais accepter de ne pas être la meilleure, elle cacha également sa famille. Livia marchait sur un fil tendu en mentant à son entourage et en dupant tous ses professeurs. Seule la professeure Richetour décela ses mensonges. Cela et l'histoire maudite de leurs familles, a fait suffisamment de points communs pour les rapprocher et offrir à Livia un modèle.
La professeure lui a enseigné les dégâts que pouvait faire un mage qui perdait le contrôle de son être et des pulsions qui pouvaient l'habiter. Elle incarne, aux yeux de Livia, l'extrême réussite, bien qu'elle ne désirait pas devenir une professeure, elle souhaitait se rendre utile pour le Royaume.
Lors de ses instants de pause, dans ses études, Livia adorait se rendre à Argelas pour suivre les matchs de blobball, elle est une fervente défenseuse de l'équipe des Lézards de Naep.
Peu de temps après qu’elle fut diplômée de mage agréée, on lui apprendra que sa soeur avait été la victime d'un meurtre pour magie. La vengeance immédiate de ses parents à l'encontre des responsables l'ont profondément marquée. Elle garde d’ailleurs son pendentif en sa mémoire.
De nombreux actes à l’encontre des mages avaient mené à une méfiance de sa part envers les autorités, mais l’influence de la professeure Richetour et la conscience de ce que ses parents faisaient avaient tempéré ses ardeurs.
Au début du Conseil des Mages, Livia était à la fois membre de l’Assemblée des Mages et des Thaumaturges, Livia se considérait être comme un des points d’attaches entre les deux rives.
Elle se rendit à la rencontre de Faern'aral, en entrant en contact avec Zevran, afin d'éviter que les tensions entre les mages et les autorités ne prennent trop d'ampleur, elle y fera la rencontre d'Adwarin Carahel pour lequel elle éprouve un vif sentiment d'amitié et de l'admiration.
Elle sera également menée à la commanderie à de nombreuses reprises par le lieutenant Nils, tentant d'arrondir les angles malgré ses excès de colère.
Ses agissements attirèrent le regard de sa famille qui voulurent la marier afin d'unir les familles Fossecrelle et Iphurnus. Refusant ce mariage, puis enlevée, séquestrée et aliénée. Elle a été sauvée lors de l'assaut de l'ancienne école de magie de Gathol.
Après ces événements, Livia vivra une tranquilité relative, en pleine lutte contre la magie noire qui avait pris possession d'elle à cause de sa mère. Elle deviendra alors une experte en proposant une théorie au sein de l'Assemblée ainsi qu'un nouveau sort, loin de celui imaginé. L'assemblée refusera sa magie contre-nature jusqu'à ce que la directrice frappe du poing sur la table, faisant ployer le Concile en la faveur de la jeune femme. Son idylle naissante avec Zevran la soutiendra dans cette lutte qu'elle était en train de perdre, lors du meurtre de Nathaniel Sentraneau, Livia s'investira dans la quête contre l'Éternel, tout en y trouvant un nouveau métier au sein de l'Organisation en tant qu'Enchanteresse. Au cours de ces événements, la réaction de Za'addha et Will face à sa magie, lui feront prendre conscience de la réalité de ses actions tout en lui rappelant le jugement qu'elle avait dû affronter au cours de sa vie, ce qui la mettra dans de mauvaises dispositions vis-à-vis d'eux.
Une nouvelle fois, l'enchanteresse se fera enlever et au lieu de la demeure familiale se retrouvera perdue dans le Domaine des Ombres. Elle y fera la rencontre de Livio et de Lyssandra, ainsi que d'une créature qu'elle n'ose nommer. Pour autant, les choses auront changé, car cette fois elle parviendra à se libérer seule. Consciente de ses échecs concernant la magie noire et autres courants, elle demandera de l'aide pour se rendre au Temple d'Aariba. Elle y fait sa rédemption.
Textes reliés :
Retrouvez ici tous les textes écrits au sujet de Livia.
Double-Jeu
- Es-tu certaine que ce soit raisonnable ?
Son ton et son regard avaient toujours été pesants, c'était sa manière d'être, mais il y avait quelque chose dans son regard. Cette lueur de confiance et de contrôle absolu sur son être, une discipline faite d'acier pour laquelle je ne pouvais qu'éprouver de l'admiration.
- Je ne suis pas certaine...
- Alors pourquoi venir me déranger ?, sa voix s'était faite tranchante,
- Il faut faire quelque chose !
- En les aidant, eux ?
Elle asséna ce eux, l'aboyant presque, nul doute que dans la bouche d'une autre personne, une vulgarité en serait sortie.
- S'ils peuvent endiguer ceux qui veulent cette guerre, et qu'une alliance est formée, les probabilités que l'on nous traque tous sont moindres.
Je sentis et je vis son visage se détendre.
- Alors tu es sûre.
J'entrouvris la bouche, les propos du lieutenant en tête. Peut-être allais-je trahir tous les mages et les mener à leur perte ? Pouvais-je vraiment avoir confiance en eux ? Mais avant que je ne puisse l'évoquer, la professeure reprit.
- Le doute n'est pas permis en magie, tu fais ou ne fais pas. Il n'y a pas de faire un peu, puis finalement hésiter au moment clef et perdre le contrôle. Je suis lasse de devoir te le répéter lorsque tu prétends que c'est ton objectif. Entends-le une bonne fois pour toutes.
- Et si je provoque la mort ?
Un soupir excédé lui monta, elle ne me regardait plus à présent, elle était une des rares personnes en qui j'avais confiance pour me guider, j'avais besoin de son opinion, à défaut de son approbation.
- Alors tu vivras avec cela sur la conscience, plus ou moins longtemps selon ta résistance.
Son attitude me hurlait de déguerpir, de cesser la molester avec mes idioties et mes réflexions. Je restais néanmoins assise, face à elle, les secondes s'étirèrent. Allait-elle me dire vers où ses pensées s'en étaient allées ? J'avais appris à reconnaître son air pensif, dissimulé sous le mépris qu'elle portait comme une armure. Elle ne m'avait partagé ses réflexions personnelles qu'à de très rares occasions au fil des années. Je tentai quelque chose.
- Je ne porterais pas de pire déshonneur à mon nom que ce qui est déjà.
Un rictus étira la commissure de ses lèvres, tandis qu'une lueur traversait son regard.
- C'est tout ?
- Si je ne fais rien, il y aura des morts malgré tout. J'ai la sensation que cette alliance pourrait être bénéfique à terme.
A peine eussé-je finis ma phrase, qu’un chant résonna en moi. Celui des Thaumaturges, les voix de tous mes frères, faites de mots indistincts et de cycles d'énergie. Mon souffle s'étrangla dans ma gorge. Je vis le Cœur de notre fraternité qui s'était mis à battre, pulsant l'énergie dans mes veines.
- Que fais-tu ?
L'écho de ses mots me parvint déformé, altéré, tandis que je jugulais ce qu'il se passait. Jamais encore l'arrivée d'un nouveau frère n'avait fait réagir notre Cœur à ce point. Son battement devenait plus puissant, plus profond. Il devait être à Trigorn, je savais déjà qu'elle l'était. Présente sur les lieux, face au démon, j'avais reconnu les reliquats de son énergie, était-ce par son biais que cette personne avait rejoint la fraternité ?
- Rien... C'est simplement...
Le chant des nôtres se fit plus fort, plus agité, tous l'avaient ressenti et souhaitaient un bon retour à la maison à notre nouveau frère.
- Rien.
Je repris la parole et mes esprits, je chercherais à comprendre plus tard ce qu'il venait de se produire. Une infime possibilité m'effrayait, et si la professeure le vit, elle n'en dit rien.
- Je suis prête à le faire, malgré les risques.
Je me levai, j’avais repoussé à la limite de mon esprit le pouvoir incendiant chaque nerf de ma peau, mais je ne pouvais finalement l’ignorer. Les étoiles jaillissaient derrière mes yeux, me projetant à proximité du cœur. Je pouvais sentir chaque ancre qui vibrait de pouvoir contenu tandis qu’elles se relayaient entre elles, formant notre toile, notre plus grande œuvre. La gloire de nos ancêtres, reprenant l’ascendant sur ce qui nous appartenait. Elle crépitait au bout de mes doigts, l’énergie, ne demandant qu’à être sollicitée, qu’à être employée à son œuvre. De se faire prodige à partir d’une idée.
Ma mère avait bien compris une chose, l'énergie ne se soustrait pas, elle ne s'additionne pas, elle se démultiplie pour chaque personne dans un boucle.
Ce nouvel arrivant avait changé quelque chose, et l'énergie des Thaumaturges semblait toucher un infini que je n’avais jamais pu rêver. Une part de moi jubilais de l’ardeur qui traversait nos veines. L’autre tentait de nous ramener à la raison. Si, moi, je ressentais cette ode au pouvoir, qu'en serait-il des autres ? Qu'en serait-il d'elle ? Althée était la gangrène de notre fraternité.
- Les mages qui ont utilisé la sphère de vie ont sauvé la ville, quoiqu'on en dise. Ils ont détruit l'armée du Seigneur Pignoval.
- La plaine en porte encore les stigmates, c'était une catastrophe. C'est vous qui me l'avez enseigné.
- Je vous enseigne l’histoire telle que vous devez la voir. Mais vous avez grandi, Livia. C’est à vous de vous forger votre propre opinion.
Je hochai la tête à son propos puis me redressais, l’influx de pouvoir n’avait rien changé, et j’utiliserai l’énergie des Thaumaturges pour créer ce qui permettrait d’en déceler les corrompus qui profanaient nos valeurs, qui transgressaient les lois élémentaires, puis je le confierai aux chasseurs de sorciers.
Double-Jeu - Partie 2
J'observais la pipe que je tenais du bout des doigts, son foyer brûlant et sa fumée s’exhalait de mes poumons. Détaillant encore une fois les gravures qu'elle avait pris soin de me faire, je reconnaissais les plantes sans mal, on me les avait décrites filandreuses, à la fois souples lorsque le vent soufflait, ondulant sous ses caresses, mais également aussi dures que le bois lorsqu'elles étaient travaillées. Un petit sourire étira mes lèvres, face au présent de Kalyne, je me jurais de la conserver précieusement. Seule, dans ma demeure, que j'avais pris tant de temps à acquérir, la musique venant du port s'était finalement arrêtée, mais le sommeil continuait de me fuir. J’incriminais la visite de Jozan d’être responsable de mon insomnie naissante, le conflit ouvert se faisait inéluctable.
Je manquais de renverser le foyer sur ma table, quand une main se posa sur mon épaule. Suffisamment ferme pour que je ne puisse me retourner d'un geste. Son visage se planta à côté du mien, deux yeux orange que j'avais connu verts, sa peau tannée par le soleil.
- Eh bien. Sont-ce là des manières de me saluer ?
J'observais son sourire en coin, son visage serein qui jurait avec les doigts qui s'étaient resserrés sur mon épaule.
- Tedeus.
Son sourire se flétrit et un tic vint creuser sa fossette.
- Tu as passé l'âge pour cela, non ?
- Au contraire. Que veux-tu ?
Il retira sa main, me permettant à nouveau d'expirer, puis s'éloigna pour s'installer sur la chaise voisine. Je pouvais désormais inspirer. Son regard se posa sur la pipe que je tenais.
- La rigide Liv, que penserait le dragon de tout ceci voyons....
- Que veux-tu ?
Je tâchais de réprimer le mouvement involontaire que j'avais eu de cacher l'objet à son regard inquisiteur. Je compris à la lueur qui illumina ses iris contre-nature, que je ne l'avais pas suffisamment bien caché.
- Et moi qui me suis dépêché de venir te voir en pensant que c'était urgent.
- Lynnae est venue me voir pour que je te contacte.
Un sourire étira ses lèvres, mais je le connaissais plus que je ne l'aurais souhaité. Je vis comme il laissa ses yeux imperméables à la joie qu'il simulait.
- Tu lui diras de quitter la ville, pour aller vers le Sud. Amalthée l’y rejoindra.
- Je le ferai. Tu peux t'en aller maintenant.
Sans y croire, je lui dis, il levait pourtant déjà la main vers mon visage.
- Regarde toi, comme tu as grandi.
Ses doigts se glissèrent dans mes cheveux, mon corps, répondant à cette intrusion par une sueur glaciale, s’immobilisa. J'avais toujours perdu mes moyens face à lui, le temps n’avait rien changé. Je résistai à l'envie de la dégager, restant en apnée, le foyer de ma pipe s'éteignant.
- Tu deviens une véritable mage, quel dommage que tu gâches ton talent.
J'essayais de ne pas bouger, sa main finissant sa course dans mes cheveux.
- Il fut un temps où tu ne fuyais pas mon contact Liv.
- Que veux-tu d'autre ?
- J'ai décidé de découvrir quel intérêt tu as pour l'enseignement. Je vais devenir professeur à mon tour.
- À l'école ?
Ses pupilles orangées me fixèrent, les yeux écarquillés, un air de choc se peignant sur son visage.
- Certainement pas !
Je réprimais un soupir de soulagement le dissimulant derrière ma question suivante.
- Alors, où ?
- Un certain lieutenant souhaite apprendre à lutter contre les mages noirs et leurs vices.
L'effort que je fournis pour dissimuler ma réprobation se traduisit en une grimace, son regard détaillait les traits de mon visage, ne ratant aucune de mes expressions.
- Je me suis laissé entendre que tu avais des problèmes avec certains d'entre eux, sa voix s'était faite douce, ne t’inquiète pas pour moi.
- Pourquoi es-tu là ?
Il eut un mouvement d'humeur et se redressa d'un geste souple sur ses jambes. Il observa l'intérieur de ma demeure, jusqu'à ce que son regard se pose sur le tableau, au-dessus de mon coffre.
S'avançant de quelques pas, chez lui alors que je ne l'avais pas invité, il le détailla.
- Tu n'as pas fait ça.
- Non.
- Qui te l'a donné ?
- Je l'ai acheté au marché, mentis-je avant même de m'en rendre compte.
Tedeus se trouvait en face du tableau, les mains avancées, prêt à s'en emparer.
- Que s'est-il passé il y a quelques jours ?
Son regard était toujours planté sur le tableau, le détaillant, mais il ne faisait plus mine de s'en saisir. Je ne voulais pas qu'il le touche, ni qu'il en connaisse l'auteur. Je repris tentant de l'en détourner.
- Je n'avais jamais ressenti cela auparavant.
Il se tourna vers moi, l'air mystérieux.
- Qu'as-tu ressenti ?
- Notre cœur s'est mis à battre.
Son sourire s'étirant, il répéta sa question.
- L'énergie s'est démultipliée.
En quelques pas il fut près de moi à nouveau, sa main sur ma joue, son sourire avait été contagieux, désormais il dressait les poils dans ma nuque. Je tentais d'en faire abstraction.
- Notre projet fonctionne, ma petite enchanteresse.
Je fermai brièvement les yeux, alors qu'il redevenait celui que j'avais connu avant de partir pour l'école de magie. Ses bras autour de moi, je me laissais un instant bercer par l'illusion de ce qu'il fut, à défaut de pouvoir supporter ce qu'il était devenu. Son torse vibrait contre mon oreille, tandis qu'il chantonnait, appelant le pouvoir. Autour de nous, l'art formait une toile, loin de tout ce que nous aurions pu imaginer, mais il maîtrisait l'art du rêve.
Si seulement son rêve ne risquait pas d'être un cauchemar pour tous les autres. Cette pensée me sortit de ma torpeur, je reculai, m'écartant de lui, aussi loin que je le pouvais dans la demeure exiguë. Il avait l'air serein alors que je détalais à l'autre bout de la pièce.
- Tu comprendras un jour, Liv, que le monde n'est pas noir ou blanc. Qu'il faut parfois consentir à des sacrifices pour obtenir le plus grand bien. L'armée même fait cela, tes précieux professeurs de l'assemblée le font également. Et tu finiras par y consentir également. Adèle l'avait compris.
Je levais les yeux vers lui, mes ongles griffant la peau de mes paumes alors que mon sang rugissait à mes oreilles.
- Regarde où ça l'a menée, sifflai-je.
- Elle est toujours présente, au travers de notre toile.
- Comment peux-tu dire qu'elle se résume à de l'énergie ?
- Parce que c'est le cas. Ce sont ceux auprès desquels tu restes avec tant de hargne qui ont participé à sa mort.
Je me levai et traversai la pièce, ouvrant la porte en grand.
- Si tu n'as besoin de rien d'autre.
Il s'avança, prenant son temps pour quitter ma demeure, son regard fixé sur moi.
- Liv...
Je détournais le regard, je ne voulais plus le voir. Cela ne l'empêcha pas de continuer, penché vers moi, il murmura bas, si bas que je peinais à l'entendre, son souffle s’écrasant sur ma joue.
- Il faudra bien choisir ton camp.
Et il disparut.
Je m’empressai de fermer la porte dans son sillage, le dos appuyé sur celle-ci, je repris mon souffle. Son odeur était comme suspendue dans l’air. Il était changeant, de son attitude à la teinte de ses yeux. Pourtant, elle demeurait la même et je ne pouvais pas le supporter.
Je rassemblais mes affaires et rédigea à la hâte une missive. Il fallait que je prévienne le lieutenant. Fouillant mon coffre sans fond je pris quelques dizaines de minutes à retrouver l'artefact que je cherchais. J'essuyais la poussière par-dessus. Il n'aurait aucun intérêt à le piéger, tentais-je de me rassurer, Tedeus préférait essayer de charmer, c'était sa manière d'être.
La boussole ne fonctionnait toujours pas, ce qui convenait parfaitement puisque son œuvre n'était pas d'indiquer le nord de Vesperae.
Je la tins entre mes mains, inspirant, vérifiant que le pouvoir qui résidait en elle était toujours suffisant. Cela me sembla bien assez. Je sortis de chez moi, aussi rapidement que possible, faisant parvenir la lettre avant moi, j’errais dans les rues, autant pour m’éviter d’être prise en filature que pour avoir le temps de me vider l’esprit. Au bout d’un certain temps, je finis par pousser la porte de la commanderie.
Si maintenant je m'y rendais de mon propre chef, cette histoire n'allait définitivement pas en s'arrangeant.
Double Peine
De toutes les offenses qu'ils lui avaient déjà fait subir, celle-ci agissait sur la jeune femme comme un seau d'eau glacée.
Il était venu, avec ses fleurs préférées, il avait choisi un présent qui lui plairait, jusqu'au vin qui avait jaillit de sa magie, comme s'il savait déjà tout d'elle.
La théière gisait au sol, brisée, dommage collatéral de la rage qui avait envahie la jeune femme. Elle avait fait profil bas, ne montrant pas à quel point ça la touchait, puis avait levé ses convictions en étendard pour le repousser. Ce qui avait fonctionné, mais cela ne durerait qu'un temps, elle ne se leurrait pas. L'obstination était un trait de famille.
Une main glaciale se posa sur son épaule, Tedeus se fendant d'un des sourires, depuis cette main la tension se propagea à tout son corps.
- Tedeus.
- Liv, comment vas-tu ?
- Je ne suis pas d'humeur.
D'un pas vif, évitant de marcher sur les fragments épars de cette théière, elle alla vers la porte. A peine eut elle le temps de poser la main sur la poignée qu'elle senti un poids dans sa nuque.
Le visage appuyé contre le battant de la porte, un bras dans une torsion à la limite de la rupture.
- Eh bien, tu ne me reconnais plus ? Que vous enseignent ils donc à l'école ?
Son sang se glaça dans ses veines.
- Je ne te veux aucun mal. Il est simplement temps que tu retrouves ta place, c'est ce qu'Adèle aurait voulu.
Livia tenta de se dégager, en vain.
- Je t'interdis de parler d'elle !
- Penses-tu être en mesure de m'interdire quoique ce soit ?
La jeune fille, le visage toujours collé au battant appuya sa main sur celle-ci et lâcha un mot.
Activant ainsi le bouclier de sa porte, ils furent tout deux expulsés en arrière, Livia atterrissant bras et jambes pêle-mêle dans sa table en chaîne, Tedeus quant à lui atterrit non loin du fauteuil.
Il se releva prestement puis applaudit lentement.
- Quelle performance, Liv ! A mon tour.
Obscurité.
Elle emergea dans un lieu familier dont elle connaissait tous les coins et recoins, son souffle s'étouffa dans sa gorge alors que son sang vrombissait dans son crâne. La douleur envahissait tout le côté gauche, s'attaquant aussi bien à ses cervicales qu'à son arcade sourcilière.
Livia voulut lever sa dextre à sa tête meurtrie mais un lien l'en empêchait. Elle était attachée, ce constat loin de la surprendre fit remonter de la bile dans sa bouche. La porte s'ouvrit alors laissant filtrer un mince filet de lumière, puis deux mains claquèrent dans l'air, Livia eut tout juste le temps de fermer les yeux avant d'être aveuglée par les lampes disséminées dans la chambre qui s'allumèrent d'un coup. Lentement et progressivement elle entrouvrit les cils pour y déceler une silhouette familière, celle qu'elle croisait dans son reflet chaque jour. Elle était détrempée et sentait l'odeur iodée de Trigorn.
Se tournant vers elle, d'un rictus qui tordait leurs lèvres dans une moue satisfaite
- Tu es réveillée, enfin.
Livia fixait son propre visage esquisser des expressions que jamais elle n'aurait arboré, la rage réchauffant son sang glacé.
- Je crains que plus personne ne t'attende désormais.
- Nous avions fait un pacte.
Elle se vit lever les yeux au ciel.
- Cela ne t'empêchera pas de devenir experte, tu peux continuer de travailler ici.
L'étrange se déplaça, d'une démarche légère, féline et tandis qu'elle se déplaçait, Livia remarqua l'entaille sur son épaule.
- Qu'as-tu fait ?
Elle se fustigea du trémolo qui avait fait frémir sa voix, d'autant plus quand d'un sourire condescendant son reflet lui répondit.
- Répond !
S'approchant d'elle, accroupie à son chevet elle planta ses doigts sur sa gorge.
- Kalyne t'a vue faire usage de magie noire, tu as essayé d'étranger Spy et tu as corrompu Nils. Firiel s'est rendue compte que tu étais une change peau...
Elle s'agita, tentant de retirer les liens qui l'empêchaient de se venger de son homonyme, et le cri qui jaillissait de sa gorge mourut sur la pression des doigts.
Son reflet cueillit sa voix qui mourrait sur leurs lèvres pour la faire leur. Elle s'empara de la rage et du désespoir pour les charger du pouvoir qui marqua sur leurs gorges de sombres stigmates.
La douleur satura chacun de ses nerfs, enflammant sa peau, brûlant ses chairs, faisant vibrer ses cordes vocales dans l'étau de son double. Des heures plus tard, l'obscurité vint à nouveau la cueillir, une seconde avant son double lui sussura à l'oreille quelques mots, Bas si bas qu'elle douta de les avoir entendus. Ses songes furent hantés par cette phrase.
Corruption
L’obscurité est éternelle, le jour se meurt,
Illusions démentielles, l’espoir en déshonneur,
Vermeil pour seule couleur, à s’en arracher la cervelle,
Il n’y plus que la douleur, la rage universelle,
Avez-vous déjà songé à simplement céder ?
Ai-je déjà cédé ? Sa voix est celle d’une sirène
Blasphème à Danava, à m’en arracher les veines,
Avouer qu’on est vaincu, pour une paix illusoire,
N’en avez-vous jamais rêvé, lorsque tout est noir ?
Du bout de ses doigts, je ne suis que sa marionnette,
Obstination, toi qui me guidais, es-tu synonyme de défaite ?
Ne plus résister, à quoi rime ce combat ?
Ne plus endurer, le monde attendra.
Et je me perds, les ténèbres sont souveraines.
Trahison, mon souffle putride s’exhale,
Ode aux Fossecrelle et à leur gloire spectrale,
Union honnie, émotions dissimulées,
Trahison, son souffle sur mon corps ravagé.
Est-il encore possible d’y croire ?
S’ancrer dans les souvenirs pour seul exutoire,
Présages d’un avenir lointain,
On ne me protégera plus de ce qui m’atteint,
Infliger plutôt que de subir sa rage maternelle,
Rien ne me sauvera des ténèbres éternelles.
Ratures
J'ai toujours été claustrophobe, enfin pas toujours. Ça fait très longtemps. Je n'aime pas les endroits exigus, ni trop vastes pour ce que j'en sais. J'ai aussi le vertige. Je ne suis pas très courageuse.
Mes mains me font mal, c'est une douleur lancinante à laquelle je commence à m'habituer.
Ou peut-être que je ne sens simplement plus rien.
Je m'étreins en même temps que la peur. C'est irraisonné, tout irait mieux si je n'avais plus mal. Alors pourquoi j'ai si peur ? Ma tête heurte mes genoux glacés, puis à nouveau et encore. Je ne me souviens plus. Mon esprit est devenu un miasme de pensées éparses qui se perdent dans les dédales de la...
La corruption ! Oui, c'est ça. Je dois encore me battre contre elle. Ne rien ressentir est une porte ouverte. J'arrête de frapper ma tête.
Je lève plutôt ma main devant mes yeux, elle a été croquée, son aspect de gruyère me fait monter un rire. Je le laisse s'échapper de mes lèvres, il y a des petits trous partout, le sang a cessé de couler. Et l'un d'entre eux ressemble à une tête de rat !
Je ris et des larmes viennent rire avec moi.
Un couinement résonne, le rat. Il est encore vivant. Pour combien de temps ? Il devrait déjà être mort. Je ne l'ai pas tué ? Je pensais que si. Je le regarde. Lui, il a perdu du poil de la bête, peut-être en deviendra-t-il une ?
Mes mains frottent le parquet, les échardes s'y plantent et bientôt je suis devant lui. Je ne lui ai pas donné de nom. Peut-être que je savais que j'allais devoir l'abattre. Elle a arraché mon pouvoir ! Je m'épuise dans les ténèbres. Je veux revoir. Ce rat est un nuisible. Personne ne m'en voudrait de m'en servir pour catalyser mon pouvoir... NON ! Je me jette en arrière, ma tête vient heurter le mur, une de mes poupées me tombe dessus. Je cligne des yeux et je suis étalée au sol.
Je n'y suis pas si mal.
Par la fenêtre, je vois le ciel.
Je me rappelle cette soirée à Argelas, malgré la défaite de l'équipe sur laquelle il avait parié, il a continué de me faire découvrir la ville selon lui, ces masques hideux. Cette toile, chez moi.
Je ferme les yeux, si fort que des points de lumière surgissent. Je me la représente, et je me souviens c'était un voyage. Je lui avais demandé à rencontrer des gens... Des gens auxquels je ne dois pas penser, ça je m'en souviens, je ne sais pas si elle m'entend vraiment ou si elle me connaît mieux que je ne le pensais. Les étoiles, je m'y accroche et je sens que je me concentre. Des gens que je voulais aider, même si je n'avais pas grand-chose à apporter. Je savais qui ils cherchaient, je ne pouvais pas le dire bien sûr, mais au fond de moi, c'était une responsabilité qui m'incombait. Les aider avec mes moyens.
Une fois les affaires bouclées, je prévoyais de m'enfermer dans l'étude de mon sort, c'était sans compter sur son hédonisme. Nous étions partis nous promener, il m'avait fait me hisser en haut - si haut, j'en ai la nausée encore - d'un manoir. Je me rappelle la sensation qu'il laissait imprimée, les prémices de la confiance que je lui accorderai. Il me semblait parfois voir au-delà de son masque de charmes.
Ma tête se tourne et je vois le rat qui me regarde.
Je le regarde, je l'inspecte. Créature immonde dont je suis le reflet.
Né dans les déchets en échec de l'humanité entière, je suis née de l'un des pires.
Je la hais.
Je veux qu'elle meure.
Je mens comme elle, quoiqu'elle fasse, quoiqu'elle dise, elle est et restera ma mère.
Elle a vengé Adèle. J'en étais incapable.
Si je tuais ce rat, peut-être en serais-je capable ?
Je n'avais jamais tué. Enfin, si, des animaux. Mais c'était ma mère, si ce rat était un rat, j'étais aussi un rat.
Rat, rat, rat, rat.
Ses yeux sont vifs, orangés.
Les miens sont mornes et noirs.
Les siens sont vifs et noirs.
On ne créé rien avec la magie. On ne fait que prendre et laisser. Nous sommes des vecteurs, n'en déplaise aux gens. A travers nous, nous formatons l'énergie, nous la faisons plier, se lisser. Si je prends la sienne... Peut-être les miens seront vifs à nouveau.
Peut-être pourrais-je m'enfuir ? Je rampe déjà, le long de mes bras, mes veines sont devenues noires, le poison que j'ingère chaque jour parce que j'ai aussi peur de la mort, me corrompt, mes artères laisseront un sang noir s'en échapper ?
Drôle de chose que la corruption. Je l'ai toujours trouvée fascinante lorsque j'étudiais des ouvrages interdits. La professeure Richetour était bien la seule à comprendre ce que je pensais, je rat ou je souris. Je ne sais plus très bien. Je crois qu'elle est jalouse du lien que nous avons elle et moi. J'en étais où ? Oui, les livres. Je m'arrête et m'assied sur mes talons. Le rat dans sa petite cage me regarde encore.
Son lourd regard pèse sur moi.
Il me juge, comme Donblas le fait. Il me juge, comme les élèves le feraient. Il me juge.. Il me juge !
ARRÊTE !
Je lui hurle dessus, je vocifère, en vespéréen, en une autre langue - c'est laquelle ? - mais il me regarde encore plus. Je cache mon visage derrière mes mains. Arrête de me regarder, je sais que tu sais. Je sais que nous savons tous... Je ne sais rien.
J'écarte mes doigts. Je respire.
Son regard s'est détourné de moi.
Les livres de Richetour. La corruption. Sa discipline. Je repense aux élèves qui pensaient que les Thaumaturges étaient mauvais. Je ris.
Je me demande s'ils ont passé leurs examens ? J'espère qu'ils auront bien révisé. Je ne peux même pas les y aider. Je regrette de ne pas leur avoir donné plus de temps. Mais finalement qu'est-ce que le temps ? Je perds le fil.
Je me tiens droite !
J'ai une armure. Une grosse armure. Le menton relevé. Je déambule au milieu des poupées.
Je dois résister, je dois réfléchir.
Mais je m'amuse bien plus à imiter une armure.
Les soldats en portent, ils s'en servent pour protéger. Ou tuer ? Ils tuent. Mais ils tuent pour protéger ? Ou ils protègent pour tuer ? Je ne sais plus. Je revois cette boussole. Mais ils m'ont malmenée depuis que je suis ici. Je résiste pourtant. Je fais tout pour être digne. Peut-être que c'est dans mon sang, finalement.
Je me laisse tomber au sol. J'ai mal au dos. J'ai mal aux mains. D'ailleurs, cette cicatrice fait une drôle de tête. Je rigole, on dirait un rat...
Méandres.
Le rat. Erika. Le rat encore...
Je les vois, l'un puis l'autre, ensuite l'autre puis l'un. Leurs visages se succèdent si vite que bientôt je ne vois plus que le sang qui s'écoule dans le parquet.
Mes mains écarlates.
Le visage d'un homme, il est brun, se succède à elles. Je parle. Ah bon ?
Il faut venger sa mort. Je n'ai pas réussi à venger Adèle, mon cœur se remet à battre, plus fort, si fort qu'il s'échappe de mon esprit.
Sa main sur ma gorge, ses griffes qui se plantent dans ma chair, Adèle est vivante ? Pourquoi est-elle partie ? Elle m'a laissée avec eux ? Suis-je comme eux ? Je veux qu'il m'etrangle jusqu'à ce que mes yeux se révulsent, jusqu'à ce que ma trachée broyée ne laisse plus passer l'air qui empoisonne mon existence. Je me débats, je n'ai pas si peur, je ne contrôle plus mon corps.
L'inconscience me cueille, je croise des visages, il a attaqué, ils comprennent que c'est moi.
Un visage auréolé de blanc, je déteste cette couleur, il faudrait l'empêcher d'exister. Je la sens qui rentre dans mon esprit, la sensation me donne envie de vomir... Mais, ahah! J'ai l'habitude maintenant, je ne vomis pas, je n'ai même pas une nausée, je l'entends qui m'appelle. Quelle idiote...
Pourquoi m'appelle-t-elle ?
Nous sommes devant elle.
Que veut-elle ?
Nous allons la détruire.
Elle fouille, je la sens...
Nous sommes protégées.
Par quoi ?
Inconscience.
***
Nous sommes portées.
Je reconnais ce parfum.
Il ne nous apportera rien.
J'inspire, c'est celui de quelqu'un en qui j'ai confiance.
Nous ne pouvons avoir confiance en personne.
Je la crois pourtant.
Nous avons tué le rat.
La panique m'étrangle, je sombre.
Nous nous tenons tranquilles, jamais nous montreront à quel point ça nous anime.
***
C'est encore elle qui nous guide. Nous nous retenons, il faut attendre le moment propice. Elle ne nous apportera pas ce que nous recherchons. Nous avons déjà essayé. C'est vain. Un autre visage.
Je n'ai pas confiance.
C'est exactement ce qu'il nous faut.
J'observe Trigorn, le soleil fait miroiter ses tuiles bleues, j'inspire. C'est un mélange étrange entre la mer, les poissonniers, et les mets dans les manoirs. Je ne peux que me concentrer sur la ville que je ne pensais plus jamais voir, qu'elle est belle Trigorn. Majestueuse, elle a une vie qui ne m'habite plus, alors comme j'ai essayé de voler son pouvoir, je lui en emprunte un peu, ça m'enivre.
Il nous parle. De magie noire. Nous avons tué le rat, Erika. Nous devons le forcer à le faire. Tu peux y arriver.
J'incante.
Nous ne devons pas le tuer.
Je ne le tuerai pas.
Nous ne pouvons pas le forcer directement.
Je pense qu'il est trop corrompu pour ça.
Il est incapable de nous entendre.
C'est un psychiste, je doute.
Nous ne doutons plus, le pavé s'élève. Innocent au premier regard, son sang coule, il nous hypnotise, serait-ce assez pour le faire entrer en rage ? Nous le voyons à ses lèvres entrouvertes, à ses narines qui se dilatent, au pli qui fronce ses yeux. Elle intervient. Nous voulons qu'elle meure aussi, mais nous ne disons rien. Son sang a coulé. Nous attendrons le moment propice.
***
Je vois les flammes, j'ai froid. Si froid. Je m'en approche et je réchauffe ma main glacée. Je ne peux plus avancer mon bras. Je panique.
C'est lui.
Je tourne la tête vers l'homme blond, quel est son nom ? Qui est-il ?
Nous ne savons plus.
Les livres, je finis par m'en approcher. Mes doigts se glissent sur leur tranche, de la magie sous toutes ses formes. J'en choisis un, au hasard, et je plonge dedans. Mon esprit se tait. Enfin rendu silencieux, je peux me concentrer. J'y apprends rien de très intéressant, mais je ne pense plus, le soulagement m'envahi.
Nous entendons son nom. Iphurnus. Iphurnus. Iphurnus. Protéger. Tuer. Il est capable de tuer, voilà qui nous arrange. Nous déplaçons notre corps sur le fauteuil, nous avions froid, la magie nous tend les bras, alors nous lui rendons son étreinte. Quelle curieuse chose que nous ayons été privées l'une de l'autre tout ce temps, nous dormions, mais désormais nous sommes éveillées. Nous ne subissons pas la perte d'Erika. Nous sommes nées d'elle. Nous entamons la joute, il nous en veut. Il nous jette ses mots.
Je suis coupable.
Nous buvons sa culpabilité.
J'ai tué.
Nous nous en délectons.
Je l'ai tuée.
Nous sommes là.
Je dois la venger.
Nous nous dechainons. Il nous frappe.
Je le mérite.
Nous incantons.
Je suis comme elle.
Elle nous regarde, nous voulons qu'elle meure.
Inconscience.
***
Je me réveille, dans mon crâne se déchaînent de quelconques golems de pierre. Mais je respire. Il n'est plus là.
Nous sommes déçues.
Je suis soulagée. La femme est encore là, Firiel. Oui, c'est ça. Elle me questionne. Je m'en veux encore plus. Je dois lui dire.
Nous le lui devons rien.
Je veux qu'elle comprenne.
Elle ne nous donnera pas ce que nous désirons.
Je l'entends, mais j'ai la sensation qu'elle ne comprend pas vraiment. Elle et moi... On se ressemble.
Mais moi je n'ai jamais voulu tuer, je ne veux pas être cette personne. Comme si c'était anodin. Je lui en veux de me le rappeler. J'ai besoin de solitude, je n'ai connu que ça, et maintenant ils sont toujours là. Je lui formule ma demande, elle m'impose ces conditions : je veux simplement rentrer chez moi.
Elle nous méprise.
Je n'en sais rien.
Elle nous bride.
Je suis encore prisonnière ?
C'est une des apparences de notre mère.
Non, non. Ce n'est pas ça.
Nous devons la tuer, elle nous provoque.
Je m'enfuis, je ne supporte plus de la voir.
Nous ne pouvons plus rien faire !
***
Je m'enferme. Dans cette chambre qui n'est pas la mienne, le souffle court, je suis une proie. Je ne devrais pas avoir si peur, la mort ne peut rien me prendre que je lui donnerai. Je le revois, ils sont venus, ça devrait compter, mais ils n'ont fait que perdre leur temps. Je ne mérite rien.
Je reste là. Je ne sais plus quel jour il est. Je ne mange pas avec eux.
Je descends, le salon m'accueille, j'y prends des livres. Je les monte. Je les lis. Puis je les descends.
Nous attendons.
Je les range, en attendant, mon pouvoir n'est plus bridé. J'ai l'impression de revivre. Même si je ne le mérite pas, je crois que ça me fait du bien.
J'apprends de nouvelles choses, je découvre des artefacts que je ne connaissais pas.
Mais je connais cette voix. Il y a la jeune fille, aux joues corail lorsqu'elle rougit. Et il y a lui.
Nous le savions.
Il est revenu. Sa main de glace attrape mon estomac et le tord, j'ai envie de vomir, de pleurer, de hurler. Mon souffle s'accélère.
Nous le confrontons. Cette fois, nous le haissons. Il nous hait aussi. Nous...
Je lui dis ce que je pense, je sors de mon apathie. Il a utilisé la mort d'Adèle, il m'a renvoyée chez eux, il ment comme il respire. C'est dans sa nature d'assassin. Et tombe la vérité qui s'impose. La lignée des Fossecrelle s'arrête aujourd'hui, je me repose sur la présence de Firiel, une ombre dans mon dos. Il n'y a plus de nous, je n'en ai pas besoin. Elle est là, je suis là, et bientôt, son étreinte autour de moi.
Il murmure.
Sa dague dans mon ventre.
Je le mérite. Je tombe. J'ai peur. J'ai enfin ce que je voulais mais elle ne le mérite pas.
Nous essayons de l'aider.
Je dois juste survivre le temps qu'elle le repousse.
Nous pensions qu'il s'en irait de lui même.
Il n'est fait que d'ombre, je lève la main a mon pendentif. Adèle me l'a offert. Elle a été ma lumière.
Mais nous a abandonnées.
J'incante, mes tripes retenues de mes mains écarlates.
Elle nous haïssait.
Je la fais taire, je dois rester concentré. Je pense à elle, et je démontre ma théorie une nouvelle fois. Je le nourris de mes doutes. Et il implose de lumière. Les ombres se dissipent.
Firiel et moi faisons une contre attaque. Je donne ce qu'il me reste. Il veut ma mort, mais encore elle me protège.
Elle continue de nous en empêcher.
Peu importe. Je dois essayer.
Nous échouerons.
Il tente un dernier coup, pour m'abattre.
Enfin nous revivons.
Je ne veux pas qu'il vive avec ma mort, je voudrais revoir la nuit d'Argelas une dernière fois.
Je me pousse.
Nous avons échoué.
***
Elle me soigne.
Nous grandissons.
J'ai si mal.
Nous l'écrasons.
***
Je me retrouve a côté de la cheminée. Je ne me souviens plus vraiment. Marie a aidé, j'ai encore mal. Je vois le paquet, son papier se déchire entre mes mains. Une robe.
Nous la trouvons belle.
Ce n'est pas moi.
Nous devrions la garder.
Je ne serais pas comme eux le veulent.
Nous refusons.
Je l'observe. Je dois m'en débarrasser.
Nous la voulons.
Je la jette au feu.
Ça commence de là.
***
Je m'endors. Pas longtemps. L'odeur de la confiance me réveille. Je la vois. Elle a l'air inquiet. J'essaie de lui sourire, ça n'a pas l'air de la rassurer. J'arrête de sourire.
Je ne veux pas l'inquiéter. Elle veut me soigner. Sa douceur m'apaise. Je me repose sur le son de la voix de Kalyne.
Puis ses soins commencent.
Nous enrageons. Nous voulons lui arracher les yeux et les tripes.
Je ne montre rien.
Nos chairs brûlent et nous affaiblissent.
Je ferme les yeux.
Nous ne mourrons pas.
J'ai oublié ce qu'il s'est passé ensuite. Je reste où je suis. Je ne veux plus bouger. Mon corps entier est en feu.
Nous voulions lui dire.
Je devais la protéger.
Nous sommes ainsi désormais.
Pas à ses yeux.
Aux yeux de Erika nous ne l'étions pas non plus.
***
La nuit tombe. Je ne dors pas, alors je m'installe dans le fauteuil enchanté, entre mes doigts quelques livres, mais j'ai volé quelques petites choses dans la cuisine. Je bois une gorgée de thé, il est étrangement bon, les arômes de pêche se déversent sur mon palais. Les yeux clots, je me laisse porter par les sensations, mon esprit ralenti et abruti par la fatigue me laisse en paix. Je relis dix fois la même phrase, j'ai encore oublié son sens. J'entends la porte s'ouvrir avec plusieurs bruits, quelqu'un s'est cogné ? Je décolle de mon siège.
Firiel est ivre.
Nous pourrions en profiter pour partir.
Ce constat traverse la brume de mon esprit pour m'amuser, elle me donne un paquet. De la part de Zevran.
Nous devrions partir.
Je résiste à l'envie de la laisser pour me ruer, non pas dehors, mais assouvir la curiosité qui hurle dans mon crâne. Elle s'enferme dans son bureau et je lui apporte un verre d'eau, déjà la jeune femme s'est endormie. Le bureau est également plein de livre, je la regarde, réfléchissant, je me mords la joue et n'y tiens plus. Je les consulte jusqu'à tomber sur le portrait, au-dessus de la cheminée. Je crois y reconnaître la jeune fille qu'elle était, c'est le signal pour que je m'en aille.
***
J'en reviens à mon paquet, je reconnais sans mal une toile.
Je pensais avoir rêvé sa présence.
Une colombe et un corbeau. Quatre simple mots. Chaque trait de pinceau, je le detaille, sous chaque couture, je l'observe.
Je ferme les yeux, la joie laisse place à la peur. Je n'ai jamais été courageuse.
Entre abysses et lumière
L’étoffe de la cape glisse entre ses doigts, les cicatrices en croissant de lune sur ses paumes attirent son regard. Un instant passe, dehors le ressac de l’océan l’accompagne. Elle ne saurait expliquer les pensées anarchiques qui la traversent, le doute s’est immiscé si profondément, il prend ses racines dans la terre meuble. Celle qui a vu naître ses idéaux, celle qui a vu mourir sa raison, celle qui fait germer cette envie en elle.
Appuyée contre le battant de la porte de la chambre où elle dort, les expirations sont difficiles, elles lui arrachent la gorge. Comme un drogué a besoin de sa dernière dose, à chaque fois, juré et promis c’est la dernière, jusqu’à la suivante. Le couteau posé sur sa cuisse, elle expire, la douleur soulage brièvement ses pensées, elle leur impose un ordre, elle soulage illusoirement la culpabilité d’un assassin. Le pourpre accapare sa vision, retient ses prunelles, focalise et ancre son âme. La tête appuyée contre la porte, assise et misérable contre elle, ses pensées sont aussi immobiles qu’après avoir bu des litres d’alcool.
Elle contrôle tout. Ses pensées s’organisent méthodiquement désormais : la propriétaire des lieux a été battue par Corypheus, d’égal à égal, ou presque : lui démuni de ses pouvoirs et elle en pleine possession des siens, elle a été battue quand l’armée arrivait. Puis, un démon, trop de questions, pas assez de réponses. Elle a dû être face à son ancien futur époux pour prendre conscience que Jourdain Danyah était mort, elle a dû être face à lui pour apprendre qu’ils avaient affronté ses parents.
Ce n’est pas volontaire. Ils ne sont pas supposés te tenir un journal des nouvelles, Livia.
Cruelle vérité, elle erre comme un fantôme, en quête de l’ambre. Demain, elle pourrait le perdre, il lui promet tant de choses, elle ne le comprend pas.
Il faut dire, se dit-elle, qu’elle ne comprend pas grand-chose depuis quelques temps. Aliénée pendant des semaines, elle se retrouve cernée, recommence à retrouver la raison. Puis le doute s’immisce. Il s’est toujours immiscé, ça a détruit déjà tant de ses relations ; sont-ils vraiment ceux qu’ils prétendent être ? Elle ne peut plus prétendre désormais.
Livia Fossecrelle.
Même un enfant le sait, même lui semble bien plus au courant de ce qui lui est arrivé qu’elle. Elle étouffe un sanglot, pas de désespoir pour cette fois, mais de rage. Elle s’en est drapée, il n’y a plus de nous la plupart du temps, c’est un « je » unanime, un jeu dangereux. Cette rage la maintient hors de l’eau dans laquelle elle se noyait continuellement, pourtant elle ne parvient pas à étouffer le dernier souffle de son amie qui résonne dans ses tympans.
Nils est mort.
Jourdain Danyah est mort.
Lynnae est morte.
Erika est morte.
Adèle est en vie.
Ils périssent tous, les uns après les autres. Mais tous ne sauraient pas faire comme Adèle qu’elle n’a toujours pas revu. La fuyait-elle vraiment ? La rage s’éteint. Le pourpre la rassure à nouveau, il l’empêche de sombrer.
Il faut qu’elle s’en aille, il lui faut l’air frais, elle doit s’échapper et s’il n’y avait pas le Corbeau, elle ne reviendrait jamais plus. Et s’il n’y a plus le Corbeau, l’idée aussi terrifiante qu’elle soit la console, car désormais, elle est un monstre et le sang sur ses mains lui assure de pouvoir le revoir un jour. Elle mériterait de finir aux Enfers. Peut-être pourrait-elle négocier ?
Une autre entaille. La dernière, cette fois, promis.
Elle expire entre ses lèvres, portée de nouveau dans le firmament de la nuit, ode à la liberté. Leurs regards empreints de pitié ; elle n’en supporte plus aucun. L’ironie a voulu que celui de trop soit d’un Iphurnus. La cape atterrit sur ses épaules, dans l’obscurité du manoir, elle se faufile, le sang a cessé de couler, mais si elle en croit les battements frénétiques de son cœur, à tout instant il pourrait rouvrir ses plaies. Depuis combien de temps n’a-t-elle pas été seule et libre ? Elle disparaît hors de la demeure. La nuit, Trigorn vit dans une proportion bien différente, leurs cœurs palpitent à l’unisson.
S’il veut la protéger, elle ne peut rien y faire, mais elle le protègera. Pas un nom de plus doit être rajouté. Elle erre portée par le vent iodé de la cité, ses pas finalement la mène à la demeure de la professeure.
Son regard d’or pur se pose sur elle.
- Ce n’est pas trop tôt, lâche-t-elle acerbe
Elle l’invite à entrer, ses remontrances ont cet étrange goût de normalité et après quelques minutes, Livia dit de but en blanc.
- J’ai besoin de votre aide pour un artefact.
Brunehilde Richetour incline la tête, ensemble, à quatre mains. Elles sont désormais plus proches que jamais, sur le fil tendu entre abysses et lumières, elles sont deux funambules. Le pouvoir pour plus proche conseiller et pire tentation, elles œuvrent à détruire ce qu’elles craignent de devenir.
Fruits séchés et artefacts de légende.
- Mangez.
La nausée peine à refluer, elle se sent vide mais la satisfaction chatouille ses orteils. Elle glisse le fruit sec entre ses lèvres et ferme les yeux, se laissant encore un peu porter par le pouvoir qui incendie chacun de ses nerfs, par la magie pure qui a remplacé le sang dans ses veines.
Après quelques instants, elle croise le regard doré de la professeure. Celui-ci est tranchant, en surface, mais elle remarque dans la plissure de ses lèvres, dans l'éclat qui anime ses prunelles, quelque chose n'est plus.
- J'ai appris pour le professeur Danyah.
Rien ne change sur son expression, la discipline d'acier enferme les émotions dans une forteresse imprenable.
- Une grande perte pour l'école, fait-elle d'un ton égal.
- Ce... C'était votre ami.
Brunehilde passe la main dans ses cheveux, ses rides se démultiplient et sillonnent chacun de ses traits, l'espace d'un instant aussi bref qu'elle pensera l'avoir rêvé, Livia croit voir par-delà la forteresse.
- Il est vrai. Mais nous vieillissons. Le temps réclame son dû à Vanilius.
La jeune femme se redresse et s'approche de son aînée.
- Je regrette de ne pas avoir été présente à son enterrement.
- Aucun ver ne va le dévorer, qu'aucun necromancien ne puisse utiliser sa dépouille. Nous soignons simplement les apparences. Ses cendres ont été dispersés dans un lieu tranquille. Changeons de sujet, voulez-vous.
Livia incline la tête, acquiesçant à la demande de la professeure. Elle en retourne à la bourse de fruits secs, une mouette passe au loin.
- Ce sera assez, je pense.
- Soyez-en sûre.
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La demeure de la professeure, la première fois que Livia l'avait vue, l'avait surprise. Connaissant la rigueur de la professeure, elle avait imaginé un lieu froid avec des armes pour murs. Pourtant ses pieds nus touchait un tapis aux couleurs chatoyantes et chaudes, si épais et doux. De nombreuses sculptures de quelconque forme abstraite, qu'il lui prenait parfois la folie d'essayer de comprendre. Un divan suffisamment grand pour la professeure et sa carrure.
Cette demeure aux antipodes du caractère apparent mais en totale adéquation avec le feu qui couvait en elle.
Elle avait tant appris ici, elle s'était muée d'une enchanteresse incapable de se contrôler, en une qui connaissance aiguë de ses propres capacités.
Elle n'était pas très courageuse, elle craignait bon nombre de personnes, elle craignait le vide et les pièces trop exiguës. Mais jusqu'alors jamais elle n'avait craint son pouvoir, elle avait calqué ses volontés sur celle de la professeure. Prise sous l'aile du dragon, elle n'était pas qu'un mentor, elle était l'incarnation de tout ce qu'elle voudrait devenir si un jour son rêve un peu fou de faire partie des premières unités de mages de l'armée royale pouvait se réaliser.
***
Les enchanteurs n'étaient pas les plus utiles, au combat, le plus souvent leurs sorts prenaient deux à trois fois plus de temps à être incantés. Leur esprit se perdant dans les dédales de ce qui était, de la matière qu'ils manipulaient. L'enchanteur n'était pas très utile en face à face. Il lui fallait choisir le meilleur matériau pour abriter son pouvoir, envisager son fonctionnement, pallier à la fragilité de l'objet. Il était un orfèvre de l'énergie, cherchant l'objet parfait et étudiant ses propriétés. Beaucoup de mages enchantaient des babioles, dédaignant ceux qui faisaient circuler dans leurs veines toutes les énergies pour créer des artefacts. Livia n’était pas puissante en face-à-face, elle n’avait jamais voulu se transformer, se téléporter, manier les éléments, ou tremper dans les esprit. Entière dévouée à la cause des enchantements, comprendre comment l’objet était, ce qu’il était. Alors, non, elle ne gagnerait jamais contre une personne, seule. Mais elle pouvait faire pencher une balance plus que de raison. Telle était sa nature. Brunehilde portait le nom des traîtres Richetour, Livia porterait le nom des monstres Fossecrelle.
***
Entre ses doigts, elle tient l’une de ses plus belles œuvres, l’ancien sceptre d’Yhan devenu bouclier. Un éclat le traverse, ses prunelles violettes lui rendent son regard. Elle lève les yeux vers la professeure qui dépose ses mains sur ses épaules. Elle doute de tout et de tout le monde, mais à cet instant les choses sont plus claires que jamais : tous ceux qui l’ont aidé sont ses alliés, et elle aurait beaucoup à faire pour leur démontrer sa reconnaissance, cela avait commencé par un mensonge, cela continuerait jusqu'à ce qu'elle leur rende la pareille.
L'énigme de la boîte.
Tu es une énigme, à la fois incompréhensible et pleine de sens. Tu es le messager des mauvais augures à qui l’on confie que les messages les plus importants. Tu es le vent de liberté sur le visage d’un condamné à mort. Tu es la rosée de Zandaros qui accueille Danava. Tu es Amarante. Tu es Davos. Tu es la défaite dans la victoire et la victoire dans la défaite. Tu es au-delà des confins du monde ; ils ne m’intéressent plus. Qu’importe la destination, je vole à tes côtés, c’est tout ce qui compte.
Dans tes yeux, règnent les abysses de ce monde et tous les plus obscurs secrets dont tu es l’unique gardien, elles sont les épouses d’une lumière qui anime ton âme. Elle éblouirait quiconque oserait soutenir son regard, une rage de vivre et un amour de la vie elle-même qui ferait rougir la déesse.
Dans tes mots, que tu manipules avec tant d’aisance, il y a un univers de non-dits, une Dilia de réconfort, la promesse d’une nouvelle aube. Ils s’échappent de tes lèvres, et même noyés dans de quelconques substances, jamais l’un ne s’égare sans égard.
De tes mains, je me sens revivre, autant de plaies invisibles que tu panses en me frôlant à peine. Elles manient les armes, vecteur des abysses et de cette rage qui s’anime, mais également les pinceaux, expression de ton âme qui porte le poids d’une dualité sans limite.
Et ton odeur... Ton odeur. Elle en dit plus sur toi que tout ce que tu pourrais dire ou ne pas dire, elle est la rosée, je me répète presque ; tu es entêtant. Celle du crépuscule, lorsque le jour se meurt et que lunes jaillissent, défaite et victoire. Tu es l’acier que l’on libère de son fourreau, défaite ou victoire. Derrière, la senteur des forêts, il y a cette fragrance, celle commune aux loups, aux tigres, aux dragons, celle du plus capiteux des vins capables de sublimer l’amertume. Des fêtes, tu en es l’ivresse qui attise et apaise les sens.
Tu incarnes les deux faces de ce monde, tu es le soleil en pleine nuit, le phare en pleine tempête. Mais dans ta lumière, règnent les mystères que tu es le seul à pouvoir résoudre.
Tu es le jour, l’argent, le béni, létal je ne le vois rien qu’à ta manière de marcher. Tu es plus fou que tous les corrompus et plus sain que le plus saint des prêtres.
Tu es tout ce qu’ils ne seront jamais, lorsque d’un sourire tu dissimules les pensées que tu abrites. Je pourrais le dire cent fois de mille manières que j’aurais la sensation que ce n’est pas suffisant.
Tu es la déesse, incendiaire, ardente, le phénix qui s’endort en brûlant des forêts entières peu soucieux des dégâts. Tu es ces immenses montagnes à des milliers de lieues, tu ne fléchis pas, tu ne plies pas, tu t’embrases et déverse ce qui brûle en toi, je préfère encore être immolée que détourner le regard.
Tu m’as dit que la peinture t’aidait à te concentrer, je n’y crois pas. Tu es la main de Brastos qui s’exerce au-dessus d’une toile, virtuose, de blanc et de noir tu peins les couleurs du monde avec plus d’acuité que les dieux l’ont créé.
Tu m’as parlé d’une boîte, tu es celle qui renferme les plus grands vices et les plus fameuses qualités. Tu es celle mystérieuse sous des remparts d’acier, de glace, de feu. Tu es la Dilia de ta propre boîte. Tes sourires parfois me glacent, ton air froid me réchauffe. Tu es le double-sens d’une phrase.
Nul ne saurait te comprendre, tu es le vent qui se détourne les navires. Tu es l’oiseau solitaire qui s’envole au gré de ses envies. Tu es le sens de la folie. Tu es l’incohérence de la logique. Tu es tout et son contraire. Je ne peux que me laisser porter par les expressions qui se succèdent sur ton visage, sans pouvoir les interpréter. Tu es une énigme, à la fois incompréhensible et pleine de sens.

Âge : 27 ans
Date de naissance : 17 Amoria 1227
Race : Humaine
Taille : 160 cm
Métier : Enchanteresse
État civil
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